Le Belge qui bouscule la théorie d’Einstein

Placer l’homme au coeur de la relativité et lui permettre de courber artificiellement l’espace-temps : c’est le pari provocateur et culotté d’un physicien namurois. Cent ans après Einstein, André Füzfa estime que l’humain peut jouer avec la gravitation et ainsi dompter la plus complexe des notions : la quatrième force, celle qui, jusqu’à présent, nous échappait totalement. Einstein n’y avait pas pensé.

Le Vif/L’Express : Vous êtes chercheur, mathématicien et astrophysicien à l’Université de Namur. Si on suit votre idée, on a un pied dans la science-fiction, un autre dans l’histoire. L’homme pourrait donc, à sa guise, modifier l’espace-temps ?

André Füzfa : C’est bien ça ! Ma question de base était de voir comment générer de la gravitation à volonté. Et comment y parvenir sur la base de la technologie actuelle. Les champs magnétiques (ou électriques) sont les seuls candidats appropriés, puisqu’on les maîtrise en les faisant apparaître ou disparaître à volonté (ou presque). Ça révolutionne notre façon d’étudier la gravitation ! Et ce sera aussi un moyen de l’utiliser pour notre technologie.

Cela pourrait-il être utile dans la conception de nouveaux moyens de communication, par exemple ?

Absolument : imaginez une façon de communiquer d’un bout à l’autre du globe sans devoir passer par des relais satellites ou terrestres… Ce serait une révolution autorisée par la création d’ondes gravitationnelles à l’aide d’intenses courants électriques alternatifs.

Votre découverte a été validée par l’APS (la société américaine de physique), le 13 décembre dernier (1). Quand et où pensez-vous pouvoir mettre votre théorie à l’épreuve ?

Disons que la technologie existe ; elle est disponible au Cern, par exemple (NDLR : l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire). Mais le nerf de la guerre, c’est toujours l’argent. Cette expérience nécessite des moyens conséquents, de l’ordre de ce que l’on pratique actuellement en physique des particules ou dans les observatoires terrestres d’ondes gravitationnelles. Ce sera donc une expérience à mener au niveau d’un grand pays ou d’un consortium international. Ce qu’il faut aujourd’hui, avant tout, c’est un esprit de pionnier qui ose investir pour relever ce défi qu’est la maîtrise de la gravitation !

Avec votre découverte, on est vraiment dans une thématique dont la science-fiction est friande. Un genre où l’on manipule la gravitation en créant des  » trous de ver « ,  » des raccourcis dans l’espace-temps  » qui permettraient donc, logiquement, de voyager dans l’espace et dans le temps en réalité. Est-ce possible ?

En effet, le voyage par des  » raccourcis  » de l’espace-temps est une possibilité offerte par la relativité générale. Mais, à ce stade, seules existent des solutions mathématiques, sans aucune indication tangible que l’on puisse les mettre un jour en pratique. Donc, rassurez-vous, je ne vais pas créer des trous noirs en laboratoire !

En parlant de laboratoire, vous avez travaillé seul sur cette nouvelle approche, pendant dix ans. Pourquoi ce travail en solo ?

La raison est très simple : la motivation de cet article et sa formulation volontairement provocatrice, proche de la science-fiction, sont tellement culottées que je m’attends à une réaction exacerbée (positive ou négative) de la part de la communauté scientifique. J’ai voulu protéger mes plus jeunes collaborateurs en ne leur parlant de ce travail qu’il y a quelques mois à peine, lorsqu’il était quasi terminé.

Si l’on résume vos travaux, cent ans après Einstein, vous avez l’audace de proposer une alternative à la relativité générale ?

Disons que ce que je propose, c’est une nouvelle solution de la relativité générale et de l’électromagnétisme. Cela dit, la théorie de la relativité générale admet de nombreuses solutions mathématiques, qui décrivent autant de situations physiques différentes.

Votre idée, Einstein, semble-t-il, ne l’a jamais eue. En tout cas, il n’a rien écrit à ce sujet. Lui estimait que l’espace-temps était déjà courbé et qu’on ne pouvait pas enlever cette courbure.

Il est difficile de dire si Einstein y a ou non réfléchi, vu le grand théoricien qu’il était. Mais il semble bien qu’aucun texte n’en ait fait état. Je voudrais voir se développer des études expérimentales actives où nous tenterions d’infléchir la forme de l’espace-temps et où nous mesurerions comment celui-ci réagit. La réaction de l’espace-temps sera-t-elle conforme à ce que la théorie d’Einstein prévoit ? Mystère…

Vous n’aimez pas que l’on dise que vous dépassez la théorie d’Einstein. Pourtant, vous la mettez sacrément à l’épreuve…

Je n’aime pas que l’on mette des hommes en avant au détriment des idées et des élans. Les médias ont contribué à fabriquer une icône  » Einstein « . Même si l’homme était très respectable, je ne suis pas sûr que cela ait profondément rendu service à l’humanité que de le présenter comme un être inaccessible. Les gens ont besoin de croire en eux-mêmes, pas en quelqu’un d’autre !

Vous, en tout cas, vous croyez en vous : vous nous avez confié que cet article était  » l’article de votre vie « .

Je pense que c’est le cas, ne serait-ce que pour avoir osé avancer l’idée de contrôler la gravitation. Mais je préférerais utiliser un conditionnel : qui sait ce que l’avenir réserve…

Vous visez un prix Nobel de physique ?

Si mon idée est correcte et que l’expérience réalisée est concluante, ce sera, selon moi, une authentique révolution dans notre approche de la gravitation. Il n’est pas impossible non plus que l’expérience produise des résultats en faveur d’une théorie alternative de la gravitation, sans compter les ouvertures techniques en ce qui concerne de nouveaux moyens de communication. Avec des perspectives pareilles, le prix Nobel est bien la moindre de mes préoccupations.

Que répondez-vous quand on vous dit que la théorie de la relativité est difficile à comprendre ?

Je trouve que lorsque vous dites cela, vous êtes fort négative. Votre conclusion peut amener le lecteur à se complaire dans une attitude d’ignorance. Oui, la nature est surprenante, mais elle n’est pas inaccessible. Les idées d’Einstein, comme celles de la mécanique quantique, vont à l’encontre de nos préjugés et de notre intuition dans la vie quotidienne. C’est nous qui devons nous adapter à la réalité de la nature, pas l’inverse.

L’homme de science que vous êtes semble donc surtout être un humaniste…

C’est le message de la science ! La nature est mystérieuse et notre curiosité nous pousse à la découvrir. Il nous faut grandir et élargir notre vision du monde pour mieux la comprendre. C’est donc extrêmement gratifiant. La science est aussi un moteur de développement sociétal et personnel. La science transcende les notions de nationalité, de genre ou de religion. Les gens ont besoin de le savoir, ça ! Nous devons être humbles et persévérants : ni fatalistes, ni fanatiques.

(1) L’article est consultable en anglais à l’adresse : http://ariv.org/abs/1504.00333.

Entretien : Rosanne Mathot

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