Le baromètre des placements

Les marchés reprennent des couleurs alors que la récession s’installe. Logique ? Oui ! Les investisseurs anticipent déjà la reprise…

Curieux mois de novembre : alors que l’économie américaine broie du noir et que l’Europe ne se fait plus trop d’illusions sur ce qui l’attend, les Bourses ont largement regagné le terrain perdu depuis le 11 septembre. L’analyse de Budget Hebdo.

Les placements à taux fixe

En ce qui concerne les comptes d’épargne, çà et là quelques banques (y compris parmi les grandes) ont relevé leurs conditions. Elles tentent de séduire l’épargnant qui détient plus de liquidités avec les primes de fin d’année. Les conditions proposées sont toutefois généralement peu intéressantes car limitées dans le temps.

Les taux à long terme, eux, se sont appréciés. Après avoir atteint un plancher à 4,50 % début novembre, le rendement de l’emprunt d’Etat belge à 10 ans est remonté aux alentours de 4,85 %. Les investisseurs ont entrevu la fin de la crise économique mais leur élan est maintenant freiné par une analyse plus mesurée de la situation.

Par ailleurs, les baisses, passées et futures, des taux directeurs ne devraient pas relancer l’inflation. Celle-ci est d’ailleurs pointée en baisse, suite à la diminution du prix des produits pétroliers et à la baisse de la consommation. Nous nous attendons donc à ce que les taux obligataires repartent à la baisse, mais l’essentiel de celle-ci est derrière nous.

Le marché des devises

Les mauvaises nouvelles se succèdent. Côté américain, l’entrée du pays en récession a été déclarée avant même que le quatrième trimestre ne soit fini. Inquiétudes aussi en Europe, où les chiffres restent malgré tout plus mitigés. La croissance économique du troisième trimestre place l’Allemagne au bord de la récession. Les autres grandes économies européennes, plus axées sur les services, flirtent encore avec les 2% de croissance, évitant au vieux continent d’entrer en contraction. Pour l’ensemble de la zone euro, la croissance aura été de 1,3% sur un an. Rien d’enthousiasmant mais néanmoins rassurant face à la contraction de 1,1% affichée par les Etats-Unis au 3è trimestre.

A quelques semaines de son « vrai » départ, l’euro a pu profiter de la modeste croissance européenne pour se rapprocher de 0,90 dollar. Loin de la parité, certes, mais nous continuons cependant de recommander l’euro en matière de placements. Le retard européen en matière de technologies de l’information fait espérer des gains de productivité futurs. D’autre part, le moindre endettement des ménages européens face à leurs homologues américains devrait permettre à la consommation européenne de retrouver quelques couleurs dès qu’une reprise s’annoncera. Finalement, l’arrivée physique de l’euro devrait avoir un impact psychologique important car elle devrait renforcer la confiance des agents économiques dans celle qui sera restée, jusqu’au 1er janvier 2002, la première monnaie virtuelle au monde.

Inflation et taux d’intérêt

Les tensions concernant les négociations entre les pays de l’OPEP et la Russie ont poussé le cours du baril de brut en dessous des 18 dollars. Coïncidence ? Le fait que la Russie sème la pagaille parmi les pays exportateurs de pétrole est un vrai cadeau pour les économies occidentales en général. Un cadeau qui arrive au bon moment car la Russie essaie d’améliorer ses rapports avec les Etats-Unis et l’Europe.

Le pétrole bon marché contribue significativement au contrôle de l’inflation. Si elle demeure encore légèrement supérieure à l’objectif de 2% fixé par les autorités monétaires européennes, l’inflation dans la zone euro s’inscrit aujourd’hui clairement dans une tendance à la baisse grâce au recul de la consommation et à celui du prix de l’or noir.

Dans ces conditions, la Banque Centrale Européenne a donc pu enfin baisser ses taux, pour la quatrième fois cette année, à 3,25 %. Cette baisse arrive trop tard pour empêcher une crise mais elle devrait permettre une bonne récupération de l’économie européenne dès l’été prochain. La BCE a aussi profité de sa dernière rencontre pour modifier les règles en ce qui concerne les décisions à propos des taux directeurs. Elles n’auront plus lieu qu’une fois par mois au lieu de deux (à l’image de ce qui se fait aux Etats-Unis), ce qui réduira sans doute les spéculations concernant l’évolution des taux européens.

Aux Etats-Unis, la dixième baisse des taux de l’année a été accueillie dans l’indifférence. Elle marque pourtant un pas important : les taux américains se retrouvent aujourd’hui à 2 %, la valeur la plus basse depuis quatre décennies.

Les taux directeurs pourraient encore baisser d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique. L’économie américaine ne semble pas avoir touché le fond. Alan Greenspan aura du mal à rester bras croisés même si les taux américains sont aujourd’hui inférieurs de 4,5% à ce qu’ils étaient il y a encore douze mois.

Côté européen, si la croissance est encore au rendez-vous, elle est néanmoins très faible. Comme l’inflation baisse, les agents économiques comprendraient mal que les taux de la BCE restent à 3,25% alors que, en 1999, lorsque la zone euro affichait encore une croissance entre 2% et 2,5%, ils étaient descendus à 2,5%. Il est vrai que l’inflation pour l’ensemble de la zone euro s’affichait alors à 1% à peine.

Les marchés boursiers

L’euphorie qui a prévalu en octobre s’est poursuivie en novembre. Les investisseurs prennent le train en marche. Ainsi, l’indice des valeurs phares européennes Eeurostoxx 50 a gagné quelque 5,2 % sur le mois et est maintenant à plus de 6 % au-dessus de son niveau d’avant les attentats. Malgré la récession confirmée aux Etats-Unis et probable en Europe, ces facteurs sont déjà intégrés dans les cours : les investisseurs anticipent la reprise. Le risque se situe donc au niveau du timing de cette reprise et de son ampleur. Des nouvelles déceptions (reprise postposée ou moindre que prévu) risqueraient de raviver le spectre de l’incertitude et jetterait un sérieux coup de froid sur les marchés boursiers. Nous rachetons désormais une série de valeurs bon marché, mais nous recommandons aussi de n’opter pour des valeurs hautement cycliques (technos, par exemple) qu’après avoir pris un certain recul et considéré les perspectives à long terme de ces valeurs sans se braquer sur les cours atteints dans le passé : la plupart d’entre eux ne sont pas prêts d’étre retrouvés.

Outre Wall Street, ce sont les Bourses allemande, espagnole, grecque et scandinaves qui ont enregistré les plus fortes progressions. Les valeurs technologiques ont mené la danse, emmenées par les semi-conducteurs (+22,6 % avec notamment les hausses d’Intel, Philips…) et les équipementiers télécom (+ 16,2 % dont une forte hausse d’Alcatel). Parmi les secteurs traditionnels, on trouve en tête le secteur automobile : + 10 % et + 13,5 % en Europe. Le secteur pétrolier a, lui, souffert (-5 %) de la baisse du prix du baril. Les valeurs bancaires se sont globalement assez bien défendues mais les évolutions sont assez disparates. Ainsi les évolutions de ABN Amro et ING ont été freinées par leur exposition (limitée) aux difficultés de la société énergétique américaine Enron, tandis que les banques belges encaissaient l’impact de la faillite de la Sabena sur leur portefeuille crédits.

La Bourse de Bruxelles, pauvre en valeurs technologiques et sur-pondérée en valeur financières, est donc à nouveau à la traîne. Elle reste ainsi la Bourse occidentale la moins chère, mais elle continue à souffrir du désintérêt des investisseurs institutionnels.

Budget Hebdo

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