La Wallonie soigne son problème de boues…

Depuis des années, les voies navigables wallonnes sont encombrées par des boues dont une majeure partie est polluée. Après une (trop) longue interruption, le dragage a repris et une unité de dépollution a ouvert ses portes à Farciennes, en Basse-Sambre. Objectif : traiter 235 000 mètres cubes par an.

Si les bains de boue ont des vertus bienfaisantes pour le corps, il n’en va pas de même pour les rivières. Or on estime à 6 millions de mètres cubes le volume de sédiments qui encombrent nos voies navigables. Dont 2 millions doivent être prioritairement dragués, traités et recyclés. Il y a urgence pour deux raisons : la première relève de la protection de l’environnement ; la seconde est d’ordre économique. Ces boues sont, en effet, en partie contaminées par des métaux lourds, huiles diverses, hydrocarbures et autres PCB (dites polychlorobiphényls, mais retenez dioxine), tandis que leur accumulation oblige nos mariniers à slalomer entre les obstacles, voire à renoncer à certains itinéraires.

Bref, il était urgent de reprendre les opérations de dragage interrompues depuis une dizaine d’années. C’est maintenant chose faite. Encore fallait-il savoir que faire des boues.

Objectif valorisation

Erigées le long de la Sambre à Farciennes, sur un terrain de 4 hectares appartenant au Port autonome de Charleroi, les installations de l’entreprise Sedisol accueillent quotidiennement des barges contenant pour l’instant des boues en provenance de la Sambre et du canal Nimy-Blaton. A raison de deux  » poses  » de travail quotidiennes et 5 ou 6 jours par semaine (en fonction des arrivées), une douzaine d’ouvriers se chargent du traitement des 235 000 mètres cubes prévus chaque année dans le contrat passé avec le SPW.  » Nous travaillons actuellement aux deux tiers de notre capacité, précise David Lamy, responsable du site. Mais ces chiffres devraient s’étoffer. « 

Créée en 2004, la société Sedisol est le résultat d’un partenariat entre deux institutions publiques et une entreprise privée : la Spaque (Société publique d’aide à la qualité de l’environnement), le Port autonome de Charleroi et la société Ecoterres. Cette dernière est elle-même le fruit d’un partenariat entre DEME (75 %), le puissant groupe anversois spécialisé dans le dragage et les travaux hydrauliques, et SRIW Environnement (25 %), filiale environnementale de la Société régionale d’investissement de Wallonie.

Farciennes n’est destiné qu’au traitement des sédiments de catégorie B, c’est-à-dire les boues polluées. Mais celles-ci représentent environ 60 % des boues dites  » prioritaires « , c’est-à-dire celles qui doivent être retirées au plus tôt du lit des cours d’eau pour rendre à la navigation un  » mouillage  » minimum. Olivier Burton, directeur de Sedisol, se plaît à le souligner :  » L’installation de Farciennes est unique en son genre, tant sur le plan technologique qu’environnemental. Elle combine diverses technologies de traitement et de déshydratation et, contrairement à d’autres, elle n’ajoute pas d’eau dans le processus de traitement des boues. Nous traitons ainsi des sédiments à haute densité. « 

Il est vrai que de l’eau, il y en a déjà suffisamment dans la masse noirâtre qui alimente l’usine au quotidien !

Pour le commun des mortels, l’opération de dépollution peut se résumer en quelques phases simples. Déchargés par grappin, les sédiments sont d’abord passés dans deux cribles qui les débarrassent progressivement des débris supérieurs à 8 mm de diamètre. De quoi éliminer une foule d’objets encombrants :  » On trouve de tout, dit en souriant David Lamy, depuis des gros cailloux jusqu’aux portières de voiture en passant par des vélomoteurs, des déchets de bois et autres barres de fer. Seules les carcasses de voitures sont préalablement évacuées par les autorités compétentes. « 

Une fois débarrassées de ces  » exogènes « , les boues sont traitées en fonction de la nature de la pollution.  » Si celle-ci est d’origine organique, de type hydrocarbure, les boues sont déshydratées, puis déposées sous forme d’andains sur une aire de bio-remédiation, comme cela se fait avec du compost. Le processus de dégradation se fait alors naturellement, grâce à un apport de nutriments et un retournement régulier des andains. Par contre, si les sédiments contiennent des métaux lourds, ils subissent un traitement de stabilisation par phosphatation, une technique novatrice permettant d’encapsuler les métaux lourds et de les piéger aisément dans la masse. Après cela, les boues passent dans de gros filtres-presses d’où elles sortent sous forme de gâteaux semblables à des mottes de terre. « 

Dans un cas comme dans l’autre, le produit fini est ensuite valorisé sur des chantiers. Il peut servir à la réalisation de fondations, d’écrans anti-bruit, la réhabilitation de décharges ou encore au remodelage de friches industrielles.

Les boues bruxelloises ?

Le permis octroyé à Sedisol précise que tout mouvement doit se faire exclusivement par voie fluviale, ce qui signifie que les boues polluées arrivent par barges et que le produit traité repart par le même chemin.  » C’est logique même si, dans certains cas, poursuit Daniel Lamy, cela peut paraître incongru dans la mesure où un court trajet par camion suffirait. Mais ce sont les règles et cela a au moins le mérite d’éviter tout charroi local. « 

Et l’avenir ? Pour Olivier Burton, il passe bien sûr par l’exploitation des boues  » indigènes  » en priorité mais, dans la mesure où la capacité maximale de l’usine n’est pas atteinte, il existe d’autres perspectives :  » La région de Bruxelles représente à elle seule un marché de 40 000 mètres cubes tous les deux ans. Mais nos regards se portent également vers le nord de la France : la région est victime d’un gros problème d’envasement et il n’existe pas à proprement parler de solution opérationnelle. Pour nous, le potentiel est énorme. « 

Lors de la récente inauguration de Sedisol, Philippe Adam, administrateur directeur de la Spaque, a déclaré que le centre de traitement des boues de dragage était promu à un bel avenir.  » En effet, a-t-il précisé, le gouvernement wallon a décidé, en janvier 2010, de lancer des opérations de dragage pendant cinq à huit ans pour un montant de 390 millions d’euros. Pour réunir cette somme, il a mandaté la société Spaque pour négocier une partie du montant nécessaire avec la Banque européenne d’investissement (BEI). C’est ce que nous avons entrepris il y a plusieurs mois. Des contacts ont déjà eu lieu et le projet verra le jour sous peu. « 

FRANCIS GROFF

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