La voix inaudible

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Divisés, les Quinze renoncent à des sanctions à l’égard d’Israël. Eclairage sur une diplomatie européenne bien frileuse

Voilà Louis Michel prévenu. Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, écarte, pour l’heure, toute velléité d’une suspension de l’accord de coopération commerciale entre Israël et l’Union européenne. Pas question, donc, de sanctions contre l’Etat hébreu, dont le gouvernement reste sourd aux appels de la communauté internationale en faveur d’un retrait global et immédiat de ses troupes des territoires autonomes palestiniens. Le chef de la diplomatie belge avait pourtant estimé que l’Union ne pouvait « laisser passer » le camouflet infligé la semaine dernière à la délégation européenne, dépêchée par les Quinze dans la région et éconduite après avoir demandé en vain aux Israéliens de pouvoir rencontrer Yasser Arafat à Ramallah. Ce qui fut consenti, vingt-quatre heures plus tard, à l’émissaire américain Anthony Zinni. Ariel Sharon ne pouvait trouver meilleure occasion de signifier tout le mépris qu’il porte aux efforts de paix des Européens.

A demi-mot, le ministre belge des Affaires étrangères a alors évoqué des mesures à envisager dans le cadre de l’accord d’association économique qui unit l’Union et l’Etat d’Israël depuis juin 2000. Son collègue espagnol, Josep Piqué, qui assure la présidence tournante de l’UE, semblait, lui aussi, considérer l’adoption de sanctions comme un « scénario possible ». Mais l’Europe, compte tenu de ses divisions, est condamnée, à chaque conseil Affaires étrangères ou sommet, aux discours incantatoires. « Elle doit prendre ses décisions à quinze et à l’unanimité », rappelle Louis Michel. En outre, l’Union peine à s’imposer comme médiateur impartial: elle pâtit d’une image propalestinienne, notamment parce qu’elle fournit l’essentiel de l’aide humanitaire aux Palestiniens. Des pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni apparaissent dès lors peu enclins à soutenir une action qui contribuerait à envenimer les relations avec Israël.

La première, en dépit de la politique courageuse de son ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer, reste pétrie d’inhibitions liées au fardeau historique du nazisme: Berlin ne se risquerait pas à envisager la moindre sanction contre l’Etat juif. La Grande-Bretagne est, comme toujours, écartelée entre sa géographie européenne et sa « relation spéciale » avec les Etats-Unis. Ce qui la conduit, au Proche-Orient comme en Irak, à faire chorus avec Washington. L’Espagne, chef de file de l’Union jusqu’à la fin juin, est, elle aussi, handicapée par ses liens étroits avec l’Amérique. L’impératif de la lutte contre le terrorisme – celui de l’ETA – l’incite à ne pas condamner trop sévèrement Ariel Sharon. De même, les Pays-Bas, l’Irlande ou le Danemark considèrent qu’il faut laisser les mains libres aux Américains.

A quatre

Faute de consensus, les Quinze n’ont pu soutenir l’idée du président de la Commission européenne, Romano Prodi, d’une « conférence internationale ». La résolution 1402 du Conseil de sécurité de l’ONU (qui réclame un cessez-le-feu, le retrait israélien des territoires palestiniens et la fin des actes terroristes) a été jugée amplement suffisante. De même, la proposition française et belge d’une « force internationale d’interposition » a été rejetée. La France reste suspecte d’amitiés arabes et, pour quelques jours encore, la cohabitation mine l’efficacité de sa politique étrangère. La Belgique, elle, n’est vraiment pas en odeur de sainteté en Israël, où le franc-parler de Louis Michel suscite beaucoup de mécontentement et où la presse belge est accusée d’antisémitisme. L’image de notre pays dans l’Etat hébreu n’a cessé de se dégrader depuis un an, notamment en raison de la procédure judiciaire entamée à Bruxelles contre Ariel Sharon pour sa responsabilité dans les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, au Liban, en 1982. Louis Michel reste néanmoins persuadé que la seule manière de rétablir le dialogue politique au Proche-Orient passe par une intervention du quadrige Etats-Unis-ONU-Union européenne-Russie. C’est peut-être aussi, pour l’Europe, la dernière chance d’éviter la marginalisation.

Olivier Rogeau

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