La virulence de l’islamisme tunisien

Neuf personnes ont été arrêtées en Belgique après les attentats du 11 septembre: trois relèvent du dossier Nizar Trabelsi (l’ancien joueur tunisien du Fortuna Düsseldorf, qui préparait un attentat suicide contre des intérêts américains en France) et six du dossier Tarek Maaroufi (recrutement en vue de servir dans une troupe armée et falsification de documents). En Belgique, les Tunisiens représentent une branche très active du mouvement islamiste international. Pourquoi eux, maintenant, alors que, dans le courant des années 1990, ce sont les Algériens des GIA (Groupes islamiques armés) qui ont tenu la vedette ?

Les Tunisiens ont toujours été présents dans cette mouvance, avec la réputation d’être des « durs ». Comme l’a rappelé Habib Ben Yahia, ministre tunisien des Affaires étrangères, de passage à Bruxelles, ces extrémistes ont d’abord sévi en Tunisie. « Des bombes ont été placées dans des hôtels, des femmes ont été aspergées d’acide parce qu’elles portaient un bikini sur la plage. Les intégristes ont été sanctionnés et nous ne leur avons pas donné de martyrs. Aujourd’hui, la Tunisie a mis de l’ordre dans sa maison. » L’émir Rached Gannouchi, chef du mouvement Al Nahda, s’est exilé à Londres, d’où il a condamné les attentats du 11 septembre (« Double langage », juge Habib Ben Yahia). Des dissidences, de plus en plus violentes, se sont développées en Europe sous le nom de Groupe des combattants islamistes tunisiens (GCIT), Front islamique tunisien (FIT) ou Groupes combattants tunisiens (GCT). Aucun cloisonnement ne les empêche de collaborer avec des cellules islamistes d’une autre origine nationale, comme le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), également très actif sur la scène internationale, mais composé d’Algériens.

L’islamisme tunisien reproduit les caractéristiques de l’immigration tunisienne: dispersée, peu homogène, méfiante, offrant toute une palette de profils socioprofessionnels et, donc, un certain nombre de personnes qualifiées et cultivées. Cette diversité sociale et géographique permet à certains mouvements fondamentalistes de jouir d’un réseau plus efficace et plus étendu. « Au début des années 1990, nos services avaient averti les autorités belges de la présence d’islamistes dans les rangs des réfugiés politiques d’origine tunisienne. Il a fallu plus de dix ans pour qu’elles prennent la menace au sérieux », regrette le ministre tunisien des Affaires étrangères. Il accuse les organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits de l’homme de confondre ces activistes avec des freedom fighters.

Les islamistes tunisiens sont-ils l’un des « pseudopodes » de la « pieuvre Al-Quaida » en Belgique ? L’islamisme est à l’image de l’islam: égalitaire et peu structuré. Certes, il existe des chaînes plus ou moins occultes de commandement (ou d’influence), basées sur le prestige spirituel et l’accès aux ressources financières, mais les cellules islamistes restent relativement indépendantes les unes des autres. Décapité en Afghanistan, le mouvement, animé par l’idéologie wahhabite (l’islam rigoriste pratiqué en Arabie saoudite), a des chances de survivre, car il est planétaire.

M.-C.R.

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