Parmi les douze plasticiennes exposées, Arlette Vermeiren et ses accumulations de papiers, soies, cartons, plastiques... © Vincen Beeckman

La Vie matérielle

Le titre de cette exposition est brillant. Emprunté à l’oeuvre de Marguerite Duras – sans doute l’un de ses ouvrages les plus intimes dans lequel l’autrice évoque, entre autres, son addiction à l’alcool – il dit le besoin plus pressant que jamais d’adosser l’art au concret. A l’heure de la fameuse « vie liquide », ce mode existentiel inconsistant et insaisissable décrit par le sociologue Zygmunt Bauman et qui constitue le lot de notre postmodernité, il est heureux que des artistes cherchent à opposer une manière d’être au monde qui ne soit pas déconnectée de la matière.

Réunies par Marina Dacci, membre du comité scientifique de la fondation Palazzo Magnani et ancienne directrice artistique de la Collezione Maramotti, ainsi que par Carine Fol, directrice artistique de la Centrale, les douze plasticiennes du casting ont à coeur de répondre à une question fondamentale: comment l’art permet-il de connecter notre corps et notre monde intérieur? Parallèlement, le propos invite à réviser nos clichés sur l’art au féminin en proposant une approche plus sensible et non stéréotypée des pratiques plurielles qu’il recouvre, sachant que celles-ci sont souvent associées, à tort, à des démarches revendicatrices. Parmi les interventions marquantes, on pointe tout particulièrement une oeuvre d ‘Arlette Vermeiren (1937, Bruxelles). Cette ancienne professeure de l’ Académie des beaux-arts de Tournai accumule papiers, soies translucides d’emballage d’oranges, cartons et plastiques. Ces matériaux que l’on pourrait penser dérisoires prennent leur valeur esthétique à la faveur d’une grande pièce textile qui retient longtemps le regard. A l’autre bout du parcours, c’est Léa Belooussovitch (1989, Paris), talent dont la notoriété ne cesse de croître, qui convainc à la faveur de deux compositions panoramiques sur fibres de laine. Il s’agit de scènes d’enterrement rendues énigmatiques par la conjonction du feutre et du crayon. Réparer, dit-elle? Juste à côté, une brutale installation composée de 1 500 bouteilles cassées, signée Loredana Longo (1967, Catane), convoque toute la violence du monde et assène dans le même temps toute l’ambivalence du rapport à la matière déroulé au fil de cette Vie matérielle.

A la Centrale for contemporary art, à Bruxelles, jusqu’au 13 mars.

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