La vérité sur le cannabis

A l’heure où la consommation de cannabis fait l’objet de nouvelles dispositions légales, voici l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les conséquences médicales de la consommation d’herbe

De toutes les « drogues illicites », le cannabis demeure, et de très loin, le produit le plus consommé. D’après une enquête réalisée en 2000, 38,2 % de la population adulte a déjà goûté au moins une fois au cannabis, généralement à partir de 18 ou 19 ans (1). Quelles sont les conséquences de cette consommation sur le comportement et la santé? Alors que le Conseil des ministres vient de poser des jalons en vue de décriminaliser la consommation par les adulte du cannabis limité à un usage personnel (et sans troubles de l’ordre public), voici un état des lieux des connaissances en la matière, établi par une équipe de scientifiques français. De quoi faire la part des choses.

Le cannabis a une action délétère sur le cerveau : VRAI.

Le principe actif du cannabis, appelé THC, se répand dans tous les tissus riches en lipides, principalement le cerveau, où deux récepteurs spécifiques ont été isolés. Si, à ce jour, aucun cas de décès après intoxication aiguë n’a été recensé chez l’homme, des expériences menées en laboratoire montrent cependant diverses répercussions, réversibles et à l’ampleur variable selon les individus: amnésie à court terme, modification de l’attention auditive et des facultés d’apprentissage, troubles du langage et de la coordination motrice. Les problèmes surviennent lorsque ces effets ont des conséquences sur le travail scolaire et l’adaptation sociale.

Le cannabis est plus nocif que le tabac : VRAI et FAUX.

Vrai, car un joint de cannabis est inhalé plus profondément et contient, à quantité égale, « de deux à quatre fois plus de goudrons » rappelle un pharmacologue. Faux, souvent, si l’on prend en compte les consommations réelles. Ainsi, un joint hebdomadaire est nettement moins toxique qu’un paquet de cigarettes quotidien. Il faut, aussi, mettre en balance la dépendance psychique et la toxicité du tabac (très fortes) et celles du cannabis (respectivement faible et très faible).

Le cannabis conduit à l’héroïne : FAUX.

Certes, la quasi-totalité des héroïnomanes ont commencé, à un moment ou à un autre de leur vie, par du cannabis. Mais c’est tout aussi vrai pour la consommation d’alcool, que l’on ne présente pourtant jamais comme un « produit d’appel » vers d’autres drogues. A l’inverse, selon une enquête effectuée en France, en 1998, seuls 5,5 % des jeunes, de 15 à 19 ans, consommateurs de cannabis, ont également expérimenté une autre substance (cocaïne, amphétamines, hallucinogènes, héroïne…). En fait, outre les facteurs environnementaux, familiaux ou non, il existe sans doute des éléments génétiques de vulnérabilité, un terrain favorable commun à toutes ces substances. Ces facteurs, associés à certains traits de personnalité (impulsivité, recherche de sensations fortes…), peuvent conduire à toutes sortes de conduites addictives.

Le cannabis rend fou : FAUX.

Cette idée s’appuie sur une réalité épidémiologique. La prévalence des troubles schizophréniques est, en effet, moins forte dans la population générale (1 %) que chez les gros consommateurs de cannabis. Toutefois, chez ces derniers, l’affection est plus légère : les désorganisations de la pensée sont moindres et les capacités d’abstraction, moins altérées. Quelle explication donner à cette observation? Première hypothèse : le cannabis permettrait de soulager les symptômes anxieux d’une schizophrénie débutante. Seconde hypothèse : sur certains sujets très vulnérables, le cannabis aggraverait, voire déclencherait ces troubles. Mais les relations entre le cannabis et cette pathologie sont « complexes » et, à ce jour, le débat scientifique n’est pas tranché.

Le cannabis a un intérêt thérapeutique : VRAI.

Il est cependant moindre que ce qu’en ont espéré ses partisans. L’étude la plus complète jamais réalisée a été publié l’an dernier dans le British Medical Journal. Effectuée par une équipe anglo-suisse, sur la base de 9 essais réalisés durant les années 70, elle montre que le cannabis (sous forme orale ou en intramusculaire) n’est globalement pas plus efficace que la codéïne pour lutter contre les douleurs aiguës ou chroniques. En revanche, il semble intéressant contre les nausées et les vomissements dus à une chimiothérapie. D’autant que certains patients, en particulier des malades du sida, observent, grâce au cannabis, une augmentation de leur appétit.

(1) Le cannabis expliqué aux parents. Alain Lallemand, Luc Pire.

Vincent Olivier

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