La troisième guerre africaine n’aura pas lieu

En proie à la rébellion de Laurent Nkunda, le Kivu replonge dans le cauchemar de 1998. Mais, cette fois, on détourne moins les regards.

La diplomatie prend toujours du temps, et nous le comprenons, mais, hélas ! nous n’avons pas de temps.  » En peu de mots, les ONG actives au Nord-Kivu ont décrit, le 18 novembre 2008, le gouffre béant entre les souffrances endurées par les populations et l’extrême prudence de la réponse internationale. Depuis la reprise du conflit, en août dernier, entre les rebelles, menés par le général déchu Laurent Nkunda, et les forces gouvernementales (FARDC), des centaines de civils ont péri, tandis que des dizaines de milliers de déplacés, fuyant les tueries, les viols et les pillages, s’entassent dans des camps de fortune.  » Nous prenons la défense des Tutsi congolais « , prétend Nkunda. En arrière-fond de la guerre, la convoitise des richesses minières du Kivu : or, diamant, coltan, cassitériteà

C’est la troisième fois qu’une rébellion venue de l’est défie le pouvoir central. En 1996, l’armée de Mobutu s’était évaporée, après avoir lancé une  » offensive totale et foudroyante  » contre l’alliance mise en place par le nouveau régime rwandais et menée par Laurent-Désiré Kabila. En 1998, une opération aéroportée conduite par James Kabarebe, actuel chef d’état-major rwandais, aurait pu aboutir à la prise de Kinshasa, si les Angolais n’étaient pas intervenus. Et voici aujourd’hui Laurent Nkunda, qui affirme combattre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, mouvement issu des génocidaires de 1994), mais dont le nom est aussi associé à plusieurs massacres et crimes de guerre. La force de frappe de Nkunda révèle surtout la faiblesse de l’Etat congolais et, principalement, celle de son armée, faite de bric et de broc, mal payée et qui se  » rattrape  » sur le dos de la population.

Les Congolais sont-ils dès lors condamnés à revivre la guerre de 1998 ? Cette année-là, le conflit avait été déclenché avec l’aval tacite des puissances occidentales. Celles-ci cherchaient à se débarrasser de l’incontrôlable Laurent-Désiré Kabila. A présent, la donne a changé. Après avoir abandonné le Congo pendant une décennie, les bailleurs de fonds reviennent : financement des élections, envoi de la Mission des Nations unies (Monuc, pour un coût de 1 milliard de dollars par an), programmes de coopérationà Pour lâcher à nouveau la jeune démocratie ? Non. Quand, à la fin octobre 2008, Goma avait été à deux doigts de tomber aux mains des rebelles, ministres et diplomates ont accouru à son chevet. Les Britanniques, en très bons termes avec Kigali, ont intercédé auprès de leur poulain. Un sommet régional s’est réuni à Nairobi ; l’aide humanitaire n’a pas tardé. Bref, aujourd’hui, le monde se montre plus attentif à ce qui se passe au Congo.

Mais l’engagement reste très limité. Au sein de l’Union européenne, il ne va pas au-delà du plus petit commun dénominateur. Au sein des Vingt-Sept, une minorité d’Etats s’intéressent réellement à l’Afrique et seules la France et la Belgique se font vraiment les avocates de Kinshasa. L’UE préfère donc jouer la diplomatie plutôt que de miser sur une nouvelle opération Artemis, comme en 2003 dans l’Ituri. Dans le même temps, l’Union souhaite déléguer le plus possible aux Africains. Les Nations unies ont envoyé un médiateur, l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, qui a réussi à établir le contact entre Nkunda et le pouvoir à Kinshasa. A New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a porté de 17 000 à 20 000 le nombre des Casques bleus au sein de la Monuc, vivement critiquée pour son incapacité à protéger les civils.

Quant aux pays voisins, l’Angola et le Rwanda, soupçonnés d’entrer dans la danse guerrière, ils ont d’autres chats à fouetter. L’Angola est en pleine transition démocratique. Le Rwanda, lui, cherche à se profiler en  » Singapour  » de l’Afrique de l’Est, plutôt qu’en fauteur de troubles au Kivu, même s’il profite allègrement de ses richessesà Ce qui n’exonère pas le pouvoir congolais, accusé par Kigali d’entretenir des liens suspects avec les FDLR, qui menacent le Rwanda. Aussi, le Congo doit, de toute urgence, accélérer la professionnalisation de son armée. Et il n’a d’autre choix que de s’attaquer à la pauvreté, également à l’origine des violences dans la sous-région.

François Janne d’Othée

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