La tentation des listes

Un site Internet localisant les pédophiles suscite la controverse en Belgique. Ce n’est pas la première tentative du genre. Que font les autorités de leur côté ?

L’hydre justicière refait surface. Le 3 mars, le site néerlandais  » stop kinderporno  » (stop à la pédopornographie) a officiellement lancé une version belge de son contenu. Les internautes peuvent y vérifier, par province, la présence éventuelle dans leur voisinage de personnes condamnées pour des faits de pédophilie. Le concepteur de ce site, le Néerlandais Chris Hölsken, assure rester dans les limites de la légalité en ne citant aucun nom ni aucune adresse précise, mais uniquement le quartier où habite un délinquant sexuel. Un numéro de téléphone permet néanmoins d’obtenir des informations supplémentaires.

Faux départ ? Le 3 mars, les pages néerlandaises mentionnaient 24 individus pour l’ensemble des Pays-Bas, tandis que les pages belges n’en épinglaient aucun, ni en Flandre ni en Wallonie. Quant à la ligne d’appel pour la Belgique, la seule réponse obtenue était la voix enregistrée de Chris Hölsken demandant de ne pas laisser de message… Quoi qu’il en soit, l’initiative de notre voisin du nord suscite la polémique. Hölsken se targue de 120 000 visites d’internautes belges, rien que pour la journée du 2 mars. De son côté, la Commission de protection de la vie privée, qui a ouvert une enquête, pourrait porter plainte auprès du parquet fédéral.

Ce n’est pas la première fois qu’émerge un projet privé de lister des pédophiles, en Belgique. En août 2000, le sulfureux Jean Nicolas avait publié une liste de présumés délinquants sexuels dans la revue luxembourgeoise L’Investigateur. Sa diffusion avait été interdite sur le territoire belge. Deux ans plus tôt, le groupe belge Morkhoven avait lancé la rumeur d’un réseau international de pédophiles, en prétendant détenir une liste de noms trouvée au domicile d’un pédophile néerlandais assassiné. En réalité, ces noms sortaient de l’agenda de l’amant du pédophile tué. Celui-ci, atteint d’une maladie incurable, avait rassemblé les coordonnées de ses proches pour les prévenir lors de son décès.

A côté de ces tentatives privées, les fichiers officiels de délinquants sexuels font également florès, dans les pays occidentaux. En Grande-Bretagne, où resurgit régulièrement le débat sur la possibilité d’indiquer publiquement l’adresse des pédophiles libérés, les parents de quatre régions du pays peuvent désormais vérifier auprès de la police si les personnes qui s’occupent de leur enfant ont un passé de criminel sexuel. En France, où la police dispose depuis 2005 d’un fichier national des délinquants sexuels, l’Association des maires a récemment demandé que les élus soient alertés de la présence dans leur commune d’individus condamnés pour des faits de pédophilie.

Au Canada, depuis quatre ans, le registre national des délinquants sexuels (RNDS) suit les condamnés à la trace. Ceux-ci doivent s’inscrire auprès du bureau d’enregistrement du secteur où ils habitent. La Belgique, elle, ne dispose pas d’un tel registre. Une proposition de loi MR de 2004 allant en ce sens n’a jamais abouti. Depuis 2006, les magistrats belges peuvent lancer des recherches dynamiques dans le casier judiciaire et obtenir la liste des condamnés pour agressions sexuelles. Les magistrats spécialisés que nous avons interrogés ne font cependant pas usage de cet outil. Pour leurs enquêtes, ils préfèrent interroger la banque de données ADN de l’Institut de criminalistique (INCC) et le système Viclas, un fichier de données croisées (modus operandi, particularités physiques, circonstances du crime…). La police locale est également censée répertorier les condamnés pour crime sexuel qui résident sur son territoire.

Thierry Denoël

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