La seconde résidence est-elle encore à la mode ?

L’investissement a toujours ses aficionados. Mais ceux-ci sont peut-être moins empressés. Pas tant à la Côte, assurément en Ardenne. Tandis que, ici et là, le haut de gamme flanche.

Le marché français des secondes résidences est en net recul. Déjà déstabilisé par la crise de 2008, il subit, depuis un an, l’impact de mesures fiscales dissuasives. Un repli qui n’a pas fini de faire parler de lui, puisque les observateurs estiment que la baisse du volume de transactions se poursuivra en 2013, dépassant les… 25 %. Est-ce le signe avant-coureur d’une dépression généralisée sur la brique de loisirs, entre autres motivée par des Etats qui multiplient les taxes pour boucler leur budget ?

La Belgique, en tout cas, n’est pas (encore) entrée dans la danse. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le marché fait office de miraculé. Les secondes résidences n’étant pas, par essence, des biens de nécessité, mais – toutes proportions gardées – des biens de  » luxe « , elles sont à la merci de la crise ambiante et de l’incertitude économique qu’elle véhicule. Sans compter que la volatilité exacerbée de ce type de marché – une résidence secondaire change de mains tous les 9 ans environ – le rend très sensible aux facteurs extérieurs. Ainsi des effets de mode, de la hausse des prix de l’énergie et des coûts de transport, voire… de la fiscalité des pays limitrophes. Autant de leviers qui peuvent changer la donne, plus ou moins favorablement.

D’après les données statistiques du SPF Economie, 8 % des Belges sont propriétaires d’une seconde résidence. Un pourcentage qui représente, selon une étude réalisée fin 2012 par le bureau WES, quelque 350 000 ménages. Soit un nombre en augmentation depuis une dizaine d’années, puisqu’ils étaient 310 000 en 2000. L’étude relève également que la majorité de ces ménages détient un appartement, un studio, une villa ou un bungalow. Tandis qu’environ 80 000 familles possèdent un chalet ou une caravane établie sur un terrain et 25 000 disposent d’un bateau équipé pour le logement. Autant de résidences secondaires situées, pour les deux tiers d’entre elles, en Belgique. A la Côte, principalement, et en Ardenne, dans une moindre mesure.

A la Côte, la crise plombe les transactions

Le littoral compte 85 000 secondes résidences, serrées sur dix communes et quelque 66 kilomètres de côte. Et détenues à environ… 90 % par des Belges. Des Flamands, bien sûr, mais aussi des Bruxellois et des Wallons, puisque, d’après les calculs de Westtoer, l’organisme provincial en charge du tourisme et des loisirs en Flandre-Occidentale, 19,2 % des appartements et autres villas qui bordent la mer du Nord appartiennent à des Belges francophones. Ceux-ci constituent d’ailleurs la deuxième plus grosse part du chiffre d’affaires touristique annuel côtier, brassant près de 600 millions d’euros. Soit 21 % des 2,8 milliards engrangés année après année grâce aux touristes et aux seconds résidents qui arpentent la digue en tous sens. A l’image du marché français, la crise a quelque peu bousculé le littoral belge. A ceci près qu’elle n’a pas eu comme effet de faire baisser drastiquement les prix, mais s’est contentée de ralentir le flux des transactions, dont le nombre a littéralement plongé entre 2007 et 2008. Il a ensuite progressé au pas, jusqu’à être suspendu par périodes, avant de connaître, dès 2010, et selon les communes, une série de soubresauts. Lesquels ont continué à agiter le marché en 2012. De plus, une bataille juridique se livre actuellement devant le Conseil d’Etat à propos des taxes sur les secondes résidences décidées à Ostende, Knokke, Coxyde et Blankenberge.

Une évolution en dents de scie, qui contraste avec la courbe des prix, plus harmonieuse.  » Il n’y a pas eu de mouvements de prix importants en 2012, confirme Jan Jassogne, administrateur délégué de la Confédération des immobiliers de Belgique (CIB). Et ce, contrairement à ce que l’on a connu voici cinq, six ans, lorsque l’Etat a favorisé un rapatriement des fonds stockés à l’étranger.  » Bon nombre de Belges ont alors choisi d’investir cet argent dans l’immobilier, ce dont le marché côtier a largement profité, provoquant un remue-ménage à la hausse des tarifs en vigueur. Un passé désormais révolu,  » d’autant plus que beaucoup de grosses fortunes ont fondu lors de la crise de 2008 et n’ont plus les mêmes capacités d’investissement « .

Une baisse du pouvoir d’achat des candidats-acquéreurs aisés qui n’est pas sans conséquence sur le segment du haut de gamme. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer l’évolution du marché knokkois, caractérisé par ses villas cossues et ses appartements de standing. Le constat est sans appel : entre 2007 et 2012, Knokke-Heist a vu les ventes des premières chuter de… 25 % et celles des seconds de 15 %.

De là à dire que la Côte est moins attractive, il y a un pas, que Jan Jassogne ne franchit pas.  » Il reste toujours des fonds et des capitaux à investir dans l’immobilier, assure-t-il. Preuve en est la somme astronomique qui dort sur les comptes épargne des Belges. Or, quand il s’agit d’engager ses économies, c’est, pour une part importante, sur le littoral que cela se joue.  » Et de souligner le fait que, si le luxe a du plomb dans l’aile,  » a contrario, les appartements 2 chambres et les petites maisons moyen de gamme ne connaissent pas de répit « . Car, si les Belges fortunés se font plus discrets sur le marché côtier, celui-ci peut compter sur les plus modestes d’entre eux. La plupart des propriétaires de secondes résidences à la Côte sont, en effet, des ménages moyens (62 %).

Des acquéreurs de plus en plus vieux

Des ménages dont la moyenne d’âge est de plus en plus élevée. Un acquéreur sur cinq planifie, en effet, de passer ses vieux jours dans sa résidence secondaire côtière. Conséquence, ces dix dernières années, le littoral a vu sa population de personnes âgées augmenter nettement. Deux raisons expliquent, selon Philippe Janssens, administrateur délégué de Stadim, cette évolution démographique.  » De un, les emprunteurs sont nombreux à solliciter un prêt à longue durée, sur 20 à 25 ans. Ce qui implique que la première résidence est seulement payée dès lors que l’on atteint un âge déjà avancé. De deux, compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie, les parents lèguent leurs biens à leurs enfants beaucoup plus tard, quand ceux-ci sont à leur tour retraités ou presque.  » Et d’opposer à ces nouveaux seconds résidents au grand âge le modèle des générations précédentes, qui acquéraient leur première brique à 30 ans, et, une fois quinquagénaires, l’emprunt remboursé, les parents décédés et l’héritage distribué, se mettaient en quête d’une seconde, en bord de mer.

Et en première ligne de préférence, à la différence de leur descendance.  » A l’époque, les gens occupaient leur bien pendant le week-end et une partie de leurs congés, poursuit Philippe Janssens. Or, quand le temps est compté, mieux vaut en profiter au maximum et avoir vue sur la mer. D’où le choix d’un appartement sur la digue, quitte à se serrer dans une surface plus réduite.  » A l’inverse, les seconds résidents d’aujourd’hui occupent leur bien pendant des périodes plus longues, au moment de leur retraite.  » Le confort prime donc sur la vue et la logique de prix fait que ceux-ci s’installent plus loin de la mer, en deuxième et troisième lignes, voire au-delà.  » Le patron de Stadim pointe d’ailleurs en exemple le lotissement heistois Duinenwater, intégralement érigé au bord du lac De Cloedt, à un kilomètre à vol d’oiseau de la mer, qui fera la part belle aux maisons comme aux appartements.

Le neuf fait fureur

Pour loger tout ce petit monde, la Côte belge agrandit son parc immobilier de 1 500 résidences secondaires supplémentaires par an. Un rythme effréné qui ne connaît pas de relâchement, quand bien même les terrains à bâtir sont une espèce en voie de disparition.  » Les promoteurs se sont reconvertis dans la démolition-reconstruction, précise Jan Jassogne. Ils rasent une villa ici, un ancien hôtel ou un centre de vacances là, voire, plus loin, une installation industrielle perdue en pleine zone touristique. A la place, ils construisent des bâtiments en hauteur, empilant cinq étages – et parfois plus – là où s’élevait avant un étage unique.  »

En résulte une prédominance du neuf, qui oriente le marché… et les exigences des candidats à l’acquisition. Le bon placement est ardemment recherché, surtout depuis que les temps sont plus incertains. Ainsi, quand bien même le neuf est beaucoup plus onéreux que l’ancien – en raison, notamment de la TVA couplée sur le bien et le terrain -, il se vend plus facilement. Ses atouts ? Pas de mauvaises surprises liées à d’éventuelles rénovations et remises en état, une garantie décennale et un rendement meilleur que celui offert par l’immobilier ancien. Résultat, le neuf fait fureur sur la Côte belge, tandis que les biens existants ont plus de difficultés à trouver acquéreur.

En Ardenne, pas de seconde résidence-type

La situation ardennaise est, quant à elle, un peu plus complexe à appréhender. Si l’on connaît le nombre de secondes résidences qui peuplent la région – plus de 9 500 recensées en 2012 -, la forme qu’elles prennent est multiple et variée. Contrairement au parc immobilier côtier, en Ardenne, la seconde résidence-type n’existe pas.  » A moins qu’il ne s’agisse d’un chalet, les biens servent autant de résidences principales que d’habitations de vacances « , acquiesce le notaire Vincent Dumoulin, dont l’étude est située à Erezée. Raison pour laquelle l’observation des fluctuations du marché y est moins aisée qu’à l’autre extrémité du pays.

Cela étant, si les résidences secondaires ne sont pas reconnaissables de prime abord, certaines communes sont véritables viviers en la matière.  » Les communes à secondes résidences sont concentrées sur deux vallées : celles de l’Ourthe et de la Semois, précise Joël Tondeur, notaire à Bastogne. Enfin, il serait plus juste de dire deux et demi, car la vallée de la Sûre est également prisée, mais dans une moindre mesure.  » Voire trois, avec la vallée de la Salm.

Des communes pittoresques, qui plaisent avant tout à un public de néerlandophones. Lequel était autrefois composé tant de Flamands que de Néerlandais, avant que ces derniers ne quittent la région, dès 2005.  » Aujourd’hui, ils sont complètement absents du marché, reprend Vincent Dumoulin. Une tendance que l’on observait déjà en 2012 et qui se confirme cette année. Très peu achètent, une poignée revendent, mais c’est là toute leur activité.  » Les Flamands, eux, continuent à investir en Ardenne.  » Même si les choses démarrent plus lentement que l’année dernière.  » Le notaire y voit deux explications : un hiver long et dur, qui a réfréné les envies, et une ambiance économique morose, qui pousse les candidats-acquéreurs à attendre des jours meilleurs en se serrant la ceinture.  » Le seul facteur qui joue en faveur du placement de ses économies dans une seconde résidence est le manque de confiance qu’inspirent les banques « , argue toutefois Me Dumoulin.

Si la demande est plutôt frileuse en ce début d’année, l’offre, elle, est importante, et les prix, stables.  » Il y a une masse de biens à vendre, soutient Vincent Dumoulin. Lesquels s’écoulent mieux quand ils ne dépassent pas les 150 000-170 000 euros. La catégorie de biens se situant entre 250 000, 300 000, voire 350 000 euros, au contraire, peine à trouver acquéreur.  » Rien d’étonnant à cela, puisque cette gamme de prix stagne aussi sur le marché de la première résidence.  » Cela dit, le bien de bonne situation, conjuguant la belle vue avec le ruisseau qui court au fond du jardin ou la lisière d’un bois en arrière-plan, partira tout de suite, souligne le notaire. Mais ceux plus ordinaires, très nombreux, se heurtent à des candidats-acquéreurs qui font la fine bouche. Ils visitent à de multiples reprises, soupèsent, comparent et choisissent en fonction du meilleur rapport qualité-prix.  » Le haut de gamme, quant à lui, se monnaie entre 700 000 et 800 000 euros, voire plus.  » De lourdes transactions qui restent exceptionnelles, mais que l’on rencontre de temps à autre.  »

Les terrains sont aussi prisés

Dans les critères de recherche des candidats-acquéreurs, le charme ardennais a toujours autant la cote. Quand bien même il ne correspond pas aux standards actuels de performance énergétique des bâtiments.  » Contrairement aux locaux, qui visent une première résidence et font leurs calculs en tenant compte tant des coûts de rénovation que de la facture énergétique du bâtiment, les futurs seconds résidents s’attardent moins sur ce dernier point, remarque Joël Tondeur. Un bâtiment ancien sera plus facilement vendu à quelqu’un de l’extérieur, qui, au final, le chauffera seulement pendant quelques week-ends et semaines par an.  »

Parallèlement à cela, une nouvelle tendance fait son apparition.  » On voit de plus en plus de de Flamands intéressés par l’achat d’un terrain à bâtir, dans l’optique d’y construire une maison à leur goût, et pas spécifiquement de style ardennais, assure le notaire. Parfois, ils ciblent même deux, trois terrains voisins, pour constituer un plus grand domaine.  » Avec, pour beaucoup, l’idée d’y résider une fois l’âge de la retraite venu. Et quand ce n’est pas pour construire, c’est, tout simplement, pour investir.  » La terre est un investissement sûr, reprend Vincent Dumoulin. Elle ne perdra pas de sa valeur avec les ans et représente beaucoup moins de tracas en matière d’entretien, de consommation énergétique et même, de taxes ! » En attendant de voir leur prix au mètre carré grimper, ces propriétaires de terrains les confient à un fermier ou les mettent en pâture.

Une incertitude fiscale

Quid des perspectives pour 2013 ? Les deux notaires ne sont guère optimistes, dépeignant un marché  » en nette diminution « .  » Je pense que la tendance observée en 2012 va se poursuivre cette année « , pronostique Me Dumoulin. Soit un nouveau tassement de la demande, et, de facto, des prix.  » C’est la loi du marché, qui rattrapera l’Ardenne à un moment ou à un autre.  » Le notaire érezéen s’appuie notamment sur l’absence des promoteurs sur le marché de la seconde résidence, alors que voici encore deux, trois ans, ceux-ci élevaient des chalets, des maisons et des appartements destinés à servir d’habitations de vacances.  » Maintenant, ils proposent moins de projets que par le passé « , observe-t-il. Et de conclure que l’âge d’or des résidences secondaires ardennaises se fait de plus en plus lointain.  » Il y a dix ans, je rédigeais 30 % des actes en néerlandais. Aujourd’hui, je vais peut-être en passer un ou deux ce mois-ci…  »

L’Ardenne se porte moins bien que la Côte. Mais, en cas de coup dur, elle peut compter sur la polyvalence de son parc immobilier, étiqueté tant première que seconde résidence, à la différence du marché côtier. Cela étant, le mot de la fin n’est pas encore prononcé. Surtout dans un segment immobilier aussi volatil, et donc, influençable, que celui des résidences secondaires. En effet, le débat sur les paradis fiscaux et toute la problématique des comptes à l’étranger et de la levée du secret bancaire devraient soutenir le marché dans les années qui viennent. Voire déjà cette année, dans le cadre de l’amnistie fiscale de la dernière chance dont le gouvernement peaufine la procédure.

DOSSIER RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIQUE MASQUELIER

L’âge d’or des résidences secondaires ardennaises se fait de plus en plus lointain

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