La réponse du boulanger

Il avait dit: « Vous verrez, écrit sur un grand panneau, « La Ferme de la Croix » ». Arrivé sur les lieux, surprise! Pas de poules, pas de tracteur, pas de fumier. La « ferme » en question est un bâtiment plutôt terne, planté dans le parc industriel de Wanze/Villers-le-Bouillet, le long d’une nationale aussi champêtre qu’une trémie liégeoise. Michel… Boulanger, co-patron des lieux, précise: « La ferme, la vraie, est à deux kilomètres. » Il y a un an, il s’est installé ici, fort d’un sérieux atout: dix-huit ans d’expérience dans le pain bio. En 1982, il produisait 30 pains par semaine à la « vraie » ferme. Aujourd’hui, les deux fours de 80 tonnes, chauffés à bloc vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en cuisent 8 000.

Michel Boulanger se définit comme un artisan à grande échelle. Son bâtiment? Une « usine », c’est lui qui le dit! Mais voilà: ce qu’il a investi ici, ce n’est pas seulement son argent. C’est, aussi, un long savoir-faire – technique et relationnel (avec la clientèle) – de même qu’une certaine philosophie qu’il ne veut pas voir bradés. « Nous avions le choix: soit devenir des ancêtres du bio, condamnés à disparaître, soit devenir sous-traitants de la grande distribution, soit la troisième voie. » C’est-à-dire? Des pains bio, évidemment labélisés; le maintien du contact avec la clientèle (le magasin est séparé des fours par une simple vitre: curiosité bienvenue!); un bâtiment (750 mètres carrés) volontairement dépourvu de chaudière, où toute l’énergie de la cuisson est récupérée et réutilisée; partout, des matériaux naturels et recyclables; l’auto-épuration intégrale des eaux, avant le rejet à l’égout; le choix du bois (une énergie renouvelable) comme combustible. Bref, de l’écologie à toutes les sauces, jusqu’à l’orientation spatiale du bâtiment et au calcul de son inertie thermique idéale.

Mais tout cela n’est qu’un tremplin. Depuis le 27 avril, la Ferme de la Croix, avec trois autres PME réputées dans le bio (1), s’est lancée, à Rocourt (Liège), dans une sorte de pied de nez à la grande distribution. Un supermarché « Bio saveurs »: 3 000 produits (pour démarrer) exclusivement bio, répartis sur 400 mètres carrés, dont un millier en « frais »: boulangerie/pâtisserie, boucherie à la découpe, fruits et légumes, produits laitiers. L’idée clé de cet investissement de 10 millions de francs est de coller au maximum à la demande du « nouveau bioconsommateur »: situé à près d’un noeud autoroutier, le supermarché offrira chariots et places de parking à gogo. L’ère du « biocaddie »?

(1)Coprobio/Coprosain, Al’Binète, Ferme Grodent.

Ph.L.

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