La quadrature du cercle

Il faudrait créer 10 000 postes de travail par an jusqu’en 2020 à Bruxelles. En espérant que cela profitera vraiment à la capitale.

Nerf économique du pays, Bruxelles n’est pas à une ambiguïté près. La capitale détient le record belge de la création d’emplois, mais elle affiche aussi le taux de chômage le plus élevé (20,8 %), une forte inactivité chez les jeunes (32 %) et un décrochage scolaire chez les personnes d’origine étrangère. Les chiffres donnent le tournis : en vingt ans, le nombre de chômeurs a augmenté de 129 %. Sur dix ans, l’augmentation atteint 50 %, alors que la population n’a augmenté que de 16 %. Le chômage des jeunes reste énorme : 30 % dans la Région, 40 % dans la commune la plus affectée, Molenbeek.  » La vraie cause du chômage à Bruxelles est essentiellement due à un problème de qualification : 65 % des demandeurs d’emploi n’ont pas leur diplôme d’humanités et 90 % sont unilingues francophones « , constate Benoît Cerexhe, ministre CDH de l’Emploi. Comme si cela ne suffisait pas, le chômage des plus de 50 ans augmente dangereusement. Depuis 2002, il a bondi de 29,5 %. Cette situation creuse une profonde fracture sociale. Bruxelles se dualise : jamais elle n’a compté autant d’habitants pauvres.

Problème : la population augmente plus vite que le nombre d’emplois. Or, ici, le point de rupture n’est pas loin.  » Bruxelles connaît une natalité plus importante que les deux autres Régions. Sa population de trentenaires est surreprésentée et, chaque année, 11 000 nouvelles personnes viennent s’y installer « , explique Stéphane Thys, coordinateur de l’Observatoire bruxellois de l’emploi. Conséquences de ce boom démographique : d’ici à 2020, 240 000 personnes viendront grossir les rangs de la population bruxelloise. La population active bruxelloise âgée de 20 à 39 ans augmentera de 43 % en dix ans. Dans ce contexte, si seuls 10 000 emplois par an sont créés, le taux de chômage bruxellois passera de 16 % à 36 %. Pour que le chômage n’explose pas, il faudrait que la Région bruxelloise crée 20 000 postes par an.

Irréaliste ?  » Sur la période 2007-2011, Bruxelles a vu le nombre de postes de travail occupés tous les jours sur son territoire passer de 679 811 à 714 111 unités, soit une création nette de 34 000 emplois « , souligne Benoît Cerexhe. Une progression de 5 %, alors que cette croissance n’a été que de 2,40 % en Flandre et de 0,8 % en Wallonie. Mais rien ne garantit que ces efforts s’inscrivent dans la durée. Faute de main-d’£uvre bilingue et suffisamment qualifiée à Bruxelles, les employeurs recrutent dans les autres Régions du pays. Un emploi sur deux créé dans la capitale serait occupé par un non-Bruxellois. Au même moment, un autre mouvement tectonique est à l’£uvre : sur la foi de données statistiques du SPF Economie, l’opposition FDF pointe une perte de plus de 2 630 entreprises en Région bruxelloise entre les années 2007 à 2011, alors que le solde est positif tant pour la Wallonie (+2 972) que pour la Flandre (+1 086). Cet exode d’entreprises bruxelloises profiterait surtout au Brabant wallon, dont l’attractivité a été renforcée par la présence de l’UCL et de son pôle de recherche.

Comment endiguer la spirale négative ? Selon les observateurs, la clé réside dans un enseignement adapté à la situation bruxelloise et la formation.  » Pour inverser la tendance, il faudrait un plan de relance digne du plan Marshall wallon « , soulève Stéphane Thys. L’idée a du sens. Car la pression démographique aura des répercussions en termes de logements, d’infrastructures d’accueil pour la petite enfance, d’écoles, de maisons de repos. Autant de pistes à saisir pour créer des emplois. Une des voies d’avenir à Bruxelles passe aussi par l’économie sociale. Elle a pour avantage de répondre à la multitude de prestations de services dont Bruxelles a besoin ; d’occuper majoritairement une main-d’£uvre locale, donc bruxelloise ; et elle permet à des publics parfois moins qualifiés d’intégrer plus facilement le marché de l’emploi.

RAFAL NACZYK

 » 90 % des demandeurs d’emploi sont unilingues francophones  » Benoît Cerexhe

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