» La police doit retrouver la confiance de la population « 

A 42 ans, Catherine De Bolle dirige désormais plus de 30 000 policiers fédéraux. Rencontre avec la nouvelle commissaire générale, fraîchement nommée.

Avec ce large sourire qui lui plisse les yeux, Catherine De Bolle ressemble à ses photographies. Mais plus qu’un nouveau visage, la police fédérale s’est trouvé une nouvelle tête. Ex-chef de corps de la police locale de Ninove, cette juriste de formation entrée à la gendarmerie en 1994 a remporté haut la main l’épreuve de sélection au mandat de commissaire général. Catherine De Bolle était la seule femme sur dix candidats. Parmi eux, son prédécesseur Fernand Koekelberg et deux des trois directeurs généraux avec lesquels elle doit aujourd’hui travailler.

Le Vif/L’Express : Vous êtes la première femme commissaire générale, on l’a beaucoup souligné, mais aussi la première représentante des zones locales et la première chef de la police en dessous de 50 ans. Laquelle de ces trois nouveautés vous paraît la plus symbolique ?

Catherine De Bolle : La première sans doute. Ce n’est pas banal de monter si haut dans la carrière quand on est une femme. On retrouve le problème de combinaison entre vie privée et vie professionnelle. Dans une telle fonction, ce n’est pas toujours évident.

Avoir trois enfants vous pose problème ?

Il faut s’organiser. J’ai tout un réseau autour de moi qui veut et peut m’aider. Nous en avons aussi discuté avec mon mari, qui a repris certaines de mes responsabilités.

Vous êtes issue de l’ancienne gendarmerie. Pensez-vous qu’une femme aurait pu accéder au sommet de la hiérarchie avant la fusion des polices de 2001 ?

[Brève hésitation.] Je crois que oui. Au moment où j’y suis entrée, j’étais l’une des premières femmes. Il est normal que celles arrivées à cette époque gravissent seulement les échelons. Mais l’esprit de la gendarmerie était très ouvert, quoi qu’on en dise.

Annemie Turtelboom et Joëlle Milquet, la précédente et l’actuelle ministre de l’Intérieur, présentent la féminisation de la police comme une priorité. Partagez-vous leur avis ?

Oui. Je crois que la police doit être le reflet de la société, et cela ne se limite pas aux femmes. Je suis également favorable à la diversité en matière d’origines.

Quel sera le premier chantier auquel vous vous attaquerez ?

Faire le tour de la Belgique pour visiter les unités décentralisées de la police fédérale. Je veux rencontrer un maximum de gens et les écouter. Que veulent-ils ? Que pensent-ils qu’il faille améliorer au sein de la police ? Je leur présenterai aussi ma vision des choses. La première priorité pour un policier, c’est le citoyen. Travailler pour lui constitue l’essentiel de notre boulot. Tout le monde au sein des services de police doit garder cela en tête.

En parlant de priorités, le Conseil des ministres doit approuver sous peu le Plan national de sécurité 2012-2015. Peut-on déjà dire quels phénomènes criminels seront prioritaires au cours des quatre prochaines années ?

La liste peut encore changer, mais on devrait y retrouver la circulation, notamment les chiffres à atteindre en matière de contrôles, le trafic de drogue, d’êtres humains, les vols dans les habitations… Nous avons aussi un plan interne à la police fédérale, le plan ICT (Information and Communications Technology), qui vise à améliorer notre système informatique. C’est un point très important pour moi. Nous sommes là pour soutenir la police locale et les enquêtes. L’information doit être là au bon moment auprès du policier qui en a besoin.

Les zones de police locale ont été créées en 2002. Dix ans plus tard, diriez-vous que la collaboration entre les deux niveaux est optimale ?

L’un de mes plans d’actions visera justement à intensifier les relations entre police locale et fédérale. Elles existent déjà, mais elles ne sont pas encore institutionnalisées. Cela dit, le pays entier vit une période budgétaire difficile. Nous devons trouver comment travailler de manière plus efficace et plus rationnelle. Il nous faudra déterminer les tâches essentielles de la police intégrée, celles de la police locale et fédérale, où cette dernière peut apporter une plus-value au travail de la police locale… Je suis sûre que la police locale est également demandeuse.

Quel est la plus grande difficulté qui vous attend ? Le manque de moyens budgétaires, la pyramide des âges au sein des services ?

La combinaison des deux. Beaucoup de gens d’expérience vont nous quitter au cours des prochaines années. Ce sont souvent des spécialistes, les remplacer sera un défi. Nous n’avons pas de problème de recrutement, mais à condition d’en avoir les moyens.

Avec les accusations de fraude au sein de la zone de Hasselt, on a beaucoup pointé ces derniers mois le système des primes dont certains policiers abuseraient.

Le statut policier est très compliqué et les nombreuses règles ne sont pas toujours appliquées de la bonne manière ou avec la philosophie voulue. Or l’intégrité au sein de la police fédérale constitue l’une de mes priorités. On doit se montrer irréprochables dans le respect des règles et des normes. La confiance que la population accorde à la police fédérale est entamée. Je veux vraiment travailler là-dessus.

Faut-il revoir le système de rémunération ?

En femme d’analyse, je vais examiner la situation au sein de la police fédérale afin d’identifier où se trouvent les abus. Par la suite, je prendrai les mesures nécessaires. Mais à moyen ou à plus long terme, il faudra revoir ce statut, en concertation avec les partenaires sociaux.

ENTRETIEN : ETTORE RIZZA

 » La police doit être le reflet de la société « 

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