La pépite Humbert

Fabrice Humbert, auteur à succès de L’Origine de la violence, signe une plongée magistrale dans le monde de l’argent fou. Portrait.

Je me suis longtemps perdu dans les livres, j’étais persuadé que j’allais y rester, fasciné par la fiction, cette suspension du réel.  » Fabrice Humbert est grand, svelte. Il a les mains fines, de la prestance – chemise de confection, veston en lin impeccablement coupé – un physique aussi romanesque que son prénom, emprunté au héros de La Chartreuse de Parme, de Stendhal (Fabrice Del Dongo) et que son nom, le Humbert Humbert de Nabokov, dans Lolita, deux chefs-d’£uvre qu’il vénère. Mais depuis le succès de L’Origine de la violence, paru en 2009, il se sait attendu au tournant avec son nouveau roman, le quatrième, La Fortune de Sila. Bonne nouvelle, c’est l’une des pépites de cette rentrée littéraire : une prodigieuse plongée dans le monde de l’argent fou, qui commence par une scène d’anthologie, en 1995, dans un grand restaurant parisien et se déroule jusqu’à la crise financière de 2008. De l’Europe aux Etats-Unis en passant par la Russie et l’Afrique, l’écrivain croise avec maestria les destins d’un ignoble spéculateur immobilier américain, d’un couple d’oligarques russes en faillite, d’un jeune trader français plein d’illusions. Sila, le serveur africain, victime de la brutalité de l’un, de l’indifférence et de la lâcheté des autres, fait le lien entre ces personnages emblématiques d’une époque qui court à sa perte.  » Sila renvoie au mythe du bon sauvage. Il faut parler d’innocence, la littérature aspire à ça « , estime Fabrice Humbert. Non sans préciser :  » Mon roman n’est pas une thèse sur l’argent, il parle du monde contemporain, où la finance est omniprésente. Un milieu que je connais bienà « 

Né à Saint-Cloud, ce fils de bonne famille refuse de dire son âge – un peu moins de 40 ans, on dirait.  » J’ai un rapport au temps, au déclin, qui frise l’obsession. A 27 ans, j’ai considéré que j’étais vieux.  » Une obsession qui imprégnait déjà son premier roman, Auto- portraits en noir et blanc,  » publié au moment des attentats du 11 septembre 2001, donc passé inaperçu « , où un fils suit les traces de son père légionnaire après le suicide de ce dernier.

Son père à lui travaillait dans les assurances, sa mère, dans la communication. Ils ont divorcé lorsque Fabrice avait 7 ans. Ce qui ne l’a pas empêché de suivre un brillant cursus : scolarité au lycée parisien Henri IV, khâgne et hypokhâgne, agrégation de lettres modernes, thèse de doctorat sur l’autobiographie chez Louis Calaferteà Prof depuis sept ans au très réputé lycée franco-allemand (LFA) de Buc, dans les Yvelines, l’auteur de Biographie d’un inconnu, paru en 2008, injustement ignoré une fois encore, a auparavant enseigné le français dans une douzaine de collèges et de lycées en tant que titulaire en zone de remplacement (TZR).  » C’était très formateur. Le malaise de la banlieue m’a aussi inspiré pour écrire L’Origine de la violence.  » Sur le thème de la barbarie nazie et du secret des origines, ce troisième roman a été le premier à lui valoir enfin la reconnaissance de la critique et du public : près de 60 000 exemplaires vendus, et bientôt adapté au cinéma par Elie Chouraqui.

Accaparé par ses cours au LFA, ses allers-retours en Allemagne (le pays de sa chérie), la boxe française (qu’il pratique depuis l’âge de 16 ans), la lecture des journaux ( » qui nourrissent [son] imaginaire « ), le romancier se consacre à l’écriture pendant les vacances et regrette de ne pouvoir rencontrer ses lecteurs plus souvent. Celui qui s’est longtemps identifié aux personnages de romans est bel et bien devenu un auteur. Un excellent auteur.

La Fortune de Sila,

par Fabrice Humbert.

Le Passage, 317 p.

DELPHINE PERAS

 » Il faut parler d’innocence, la littérature aspire à ça « 

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