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La nouvelle réalité du virtuel

Morcelée, inconfortable et chère, la réalité virtuelle peine à tenir les promesses faites au grand public. La technologie, loin d’être morte, vit toutefois des évolutions captivantes. Explications avec PresenZ VR, start-up belge spécialisée dans la création de films immersifs.

La conférence de presse Unpacked 2016 de Samsung, qui s’est tenue à Barcelone il y a quatre ans, voyait un Mark Zuckerberg enthousiaste jouer à cache-cache avec 2 000 invités coiffés d’un casque de réalité virtuelle. Facebook, sa société, venait alors de racheter les casques d’Oculus pour 1,46 milliard d’euros et rêvait d’un réseau social en immersion totale. Mais si le géant américain avait prévu de vendre un million de casques en 2019, il n’en a finalement écoulé que 300 000. Un chiffre en berne, révélateur d’une virtual reality (VR) au décollage très chahuté.

Bien malin qui récitera, par coeur, l’arborescence exhaustive des casques présents sur le marché. L’excellent rapport qualité/prix/jeux disponibles de la PlayStation VR de Sony et du plus récent Quest d’Oculus (près de la moitié des ventes de casques dans le monde, l’an dernier) cachent une forêt hétéroclite. Les Samsung Odyssey +, HTC Vive et autres Valve Index brouillent les pistes, tant leurs approches ergonomiques varient. Sans oublier leurs homologues mobiles, en voie de disparition…

Au-delà de cette offre morcelée, les tarifs élevés (de 500 à 1 000 euros, sans compter l’achat du PC) et l’incompatibilité des écosystèmes freine également leur adoption massive. Pour les  » milliards d’utilisateurs  » connectés dont Zuckerberg rêvait il y a quelques années, il faudra donc patienter. Enfiler un casque pour jouer dans le train ou plonger dans son canapé pour une soirée Netflix en VR relève donc de la fable marketing. Car en pratique, la fatigue oculaire et le serre-tête inconfortable entravent tout usage prolongé. Une gêne souvent tue, au même titre que celle des lunettes passives et actives de feu les téléviseurs 3D stéréoscopiques, apparus à la fin des années 2000.

La VR n’avance désormais plus seule et se marie à la réalité augmentée (AR) et à la réalité mixte (MR).

La VR en sursis ?

 » Le flop de la 3D à la télé et au cinéma n’est pas uniquement dû à ce facteur de confort. Face à un film en 3D stéréo- scopique au cinéma, le regard est forcément mal positionné car il n’y a qu’une seule place dans la salle qui soit optimale pour percevoir le relief. Le constat n’est pas meilleur dans les salons car les télés sont trop petites pour rendre justice au relief  » souligne Tristan Salomé, cofondateur et CEO de PresenZ VR, start-up belge qui a lancé un logiciel facilitant l’adaptation de films d’animation en images de synthèse en expérience de réalité virtuelle.  » D’une manière générale, l’expérience des films 3D de la fin des années 2000 n’apportait pas un gain de spectacle phénoménal, tout juste quelques effets rigolos. La VR, par contre, ne souffre pas de tous ces défauts.  »

Pour atteindre les milliards d'utilisateurs espérés, il faudra encore patienter...
Pour atteindre les milliards d’utilisateurs espérés, il faudra encore patienter…© REUTERS

Certains médias, dont Forbes, annoncent la mort de la réalité virtuelle. Mais plusieurs initiatives tentent de rectifier le tir pour rendre la technologie plus accessible, confortable et  » lisible  » aux yeux du grand public. Proposant depuis cinq ans un format de film volumétrique permettant de vivre un film en images de synthèse de l’intérieur (pour, par exemple, transformer une scène d’un Pixar en montagnes russes VR dans un parc d’attractions), les six Bruxellois de PresenZ VR testent ainsi, depuis décembre dernier, le CloudXR du géant Nvidia.

Derrière ce nom barbare, l’idée est de déporter sur des serveurs distants les innombrables calculs graphiques nécessaires à la réalité virtuelle.  » Nous pouvons désormais dire à nos partenaires hollywoodiens que, d’ici six mois à un an, la technologie de PresenZ pourra migrer des parcs de loisirs aux maisons particulières, sur des casques ultra- légers et surtout moins chers « , poursuit Matthieu Lambeau, confondateur de PresenZ VR.  » Cette accessibilité au hardware change énormément de choses et nous pousse à croire que cette technologie est là pour durer.  »

En fait, le CloudXR de Nvidia arrive à point nommé pour la start-up bruxelloise car le moral de la location based VR n’est pas au beau fixe. Regroupant des immersions VR au cinéma, dans des parcs d’attractions et salles de jeux, ce second pilier de la VR (à côté du gaming) a ainsi été mis mal par des investissements en berne et plusieurs fermetures emblématiques (Google Spotlight Stories, toutes les salles Imax 3D et celle du MK2 à Paris).

L’effet du Covid-19 sur le secteur de la réalité virtuelle n’a toutefois pas été que négatif puisque la crise sanitaire a dopé l’intérêt du monde médical, du télétravail et de l’industrie pornographique. Le récent trip halluciné d’Eric Chahi (NDLR : graphiste et programmateur français, icône du jeu vidéo des années 1990) et de son jeu Paper Beast, ainsi que les aventures dystopiques d’ Half-Life : Alyx se profilent en outre comme des hits gaming exclusifs légitimant et favorisant l’achat de casques.

La XR fait la force

Mieux, la VR n’avance désormais plus seule et se marie à la réalité augmentée (AR) et à la réalité mixte (MR), deux technologies cousines qui superposent des objets digitaux sur un flux vidéo de notre réalité, avec plus ou moins de précision ( Pokémon Go, l’ HoloLens de Microsoft, ou encore l’appli smartphone d’Ikea, qui permet de  » positionner  » des images de meubles et objets dans son intérieur). Le tout pour donner naissance au XR (pour Cross Reality ou Extended Reality) et ainsi offrir, par exemple, une capture vidéo détourée des mains d’un joueur, intégrées dans le cockpit en réalité virtuelle d’un avion de chasse. Microsoft, Samsung, Apple, Google et Facebook évoquent du contenu digital nouvelle génération. Et l’ OpenXR de Khronos Group tente de fédérer une interface de programmation commune entre AR, MR, et VR.

Matthieu Labeau et Tristan Salomé, deux des cofondateurs de PresenZ VR.
Matthieu Labeau et Tristan Salomé, deux des cofondateurs de PresenZ VR.© DR

 » Le secteur ne s’entendait pas sur la définition de la réalité augmentée et de la réalité mixte sur téléphone. Le terme de XR leur offre donc une dénomination plus générique. La VR converge en outre avec les réalités augmentée et mixte. Le terme XR reflète bien cette tendance « , conclut Tristan Salomé,  » Ce n’est donc pas un simple changement marketing. Apple travaille d’ailleurs sur un un énorme projet XR, comme en témoignent les personnes que la compagnie engage et les brevets qu’elle a déposés.  » De quoi attendre une prochaine conférence de presse qui, comme en 2016, marquera à jamais l’histoire de la technologie. Ou pas…

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