» La N-VA ne joue pas fair-play « 

 » La bagarre entre communautaristes et régio-nalistes, c’est le talon d’Achille des francophones. Il faut clarifier ça « , lance l’écologiste Marcel Cheron. Pas tendre envers De Wever, le député wallon accuse la N-VA de négocier d’une façon insupportable.

le député wallon accuse la N-VA de négocier  » d’une façon insupportable « .

Le Vif/L’Express : Plusieurs personnalités socialistes ont évoqué la nécessité de réfléchir à un plan B, en cas de séparation de la Belgique. Ecolo reste très discret sur ce chapitre-là. Pourquoi ?

Marcel Cheron : J’ai le sentiment que certains confondent la tactique et la stratégie. Il faut se demander où est la responsabilité de chacun. Nous pensons que notre responsabilité, c’est d’offrir aux citoyens un projet politique, et c’est ce à quoi nous travaillons avec Groen !.

Tous ces appels à préparer l’après-Belgique, c’est du catastrophisme mal placé ? Cela vous agace ?

Ce qui m’agace, c’est l’utilisation tactique qu’on peut en faire. C’est toujours dangereux de jouer sur la peur des gens.

Dans cinq ans, dix ans, le citoyen pourra aussi vous faire grief de ne pas avoir anticipé, de ne pas avoir assez alerté la population sur ce qui se tramait, pendant que d’autres éveillaient les consciences…

Beaucoup de personnes doivent aujourd’hui faire leur deuil par rapport à l’ancienne Belgique. Un Etat, une nation, on le sait, c’est mortel. Mais quand cet Etat, cette nation dans laquelle on a vécu, risque de disparaître, cela crée un sentiment collectif difficile à encaisser. Il y a eu le chagrin des Belges, il y a maintenant le chagrin des francophones, orphelins d’une Belgique qu’ils considèrent comme le paradis perdu. Alors, soit on endort les gens en leur disant que tout va s’arranger, soit on va trop vite dans le discours-vérité, en l’utilisant comme une tactique. Dans les deux cas, cela ne me paraît pas bon.

Ces déclarations des ténors du PS, ce n’était que tactique, show et man£uvres politiciennes ?

Il y a une vieille tradition chez les bonobos ou les gorilles : avant un combat, se taper sur la poitrine pour montrer à l’adversaire qu’on est forts. Ce sont des m£urs qu’en bon entomologiste on peut examiner…

Tout Etat est mortel. Raison de plus pour préparer l’avenir, non ?

Pour nous, l’avenir se construit au présent. Et le présent, c’est un objectif clair : l’alliance Wallonie-Bruxelles. Dans tous les cas de figure, sans qu’on sache si l’avenir nous réserve un plan A, un plan B, un plan B bis ou autre, le projet Wallonie-Bruxelles est incontournable.

Le monde francophone considère cette alliance Wallonie-Bruxelles comme quelque chose d’acquis. N’est-ce pas étonnant ?

Je ne considère pas que ce soit acquis. Tout le monde veut-il de cette alliance ? C’est une question fondamentale, car c’est à partir de là qu’on pourra développer un projet commun, et peut-être, demain, un Etat commun. Aujourd’hui, chez les francophones, il y a un discours tout sauf clair.

Rudy Demotte (PS) voudrait réduire la Communauté française à un simple  » organe de coordination  » entre les deux Régions. Et Bernard Wesphael, chef de groupe Ecolo au parlement wallon, laisse entendre qu’il verrait bien la Communauté évoluer vers  » une structure plus souple de coopération entre les Régions « .

On peut toujours vouloir… Moi, je voudrais bien un modèle Brabant wallon. Mais si on va plus loin dans le repli sur soi et l’égoïsme, le modèle idéal, c’est probablement la commune de Lasne. Je connais très bien ce qu’était l’Europe au Moyen Age et je vois où on peut aller si on ne réfrène pas les nationalismes. Je vois l’Italie du Nord, la Catalogne, une certaine Flandre. Je vois très, très bien comment on pourrait continuer le processus entre Bruxelles et la Wallonie. Et ça s’arrête où ? Cela s’arrête dans le dernier espace où on est entre nous. C’est d’une stupidité sans nom.

Il reste donc des personnes à convaincre, jusque dans votre parti ?

Dans tous les partis, il y a des discussions par rapport à cette question-là. Parce qu’elle n’a jamais été tranchée, ni même vraiment posée. Cette bagarre trop connue entre communautaristes et régionalistes, c’est le talon d’Achille des francophones. Il faut clarifier ça.

Quelle sorte de clarification attendez-vous ?

Il faut passer à un stade où on politise la question. Je voudrais que tous les partis francophones se prononcent : pensent-ils qu’il y a une plus-value à faire des choses en commun, Wallons et Bruxellois ? Dire qu’on est deux Régions solidaires, mais chacun dans son coin, ce n’est pas un projet commun, ce sont juste deux voisins qui vivent en bonne entente. Moi, je veux plus ! Je veux un projet Wallonie-Bruxelles. Cette question de l’avenir institutionnel n’est pas différente des questions sociales, économiques ou environnementales. Si on croit encore dans la Belgique, chez Ecolo, c’est parce qu’on veut une solidarité la plus large possible. Plus on touche un grand nombre de citoyens, plus on peut rendre l’impôt progressif, mieux on peut répartir les richesses entre les nantis et les non-nantis. La disparition de la Belgique serait dommageable. La séparation de Bruxelles et de la Wallonie le serait plus encore.

La mise en £uvre de ce projet suppose un lien territorial entre Bruxelles et la Wallonie ?

Une continuité territoriale, ce serait mieux. Mais ce n’est pas une condition sine qua non. Si tout est garanti, dans l’esprit de Schengen et de la libre circulation, je ne suis pas trop inquiet. Je ne suis pas un fétichiste du territoire, je suis vacciné contre ce genre de bêtises qui ont conduit au xixe siècle à la guerre partout en Europe. Mais, c’est vrai qu’un lien entre la Wallonie et Bruxelles, ce serait plus logique, et ça éviterait des pesterijen [NDLR. : des tracasseries] comme on dit du côté flamand.

En attendant, les négociations sur la réforme de l’Etat se poursuivent. Ont-elles une chance d’aboutir ?

Je dirais 50-50. Mais je pense qu’à un moment les masques doivent tomber. On ne peut pas, à la N-VA, continuer éternellement ce petit jeu où on ne dévoile pas les cartes.

La N-VA a-t-elle joué fair-play depuis l’entame des négociations ?

Je n’ai pas trouvé que c’était fair-play. Revenir sur des paroles données, ce n’est jamais bon.

Vous faites référence à l’engagement qu’aurait pris Bart De Wever de ne pas demander une révision de la loi de financement ?

C’est un exemple. Mais il y a eu plein d’exemples. Même en ce qui concerne le périmètre, ce qui est sur la table, dans l’esprit de certains à la N-VA, ce n’est jamais terminé. Il y a là une façon de négocier un peu insupportable.

Rencontrer Didier Reynders, le président du MR, au restaurant Bruneau, c’était incorrect de la part de Bart De Wever ?

Bien entendu. C’était non seulement incorrect, mais à partir du moment où des fuites révèlent la rencontre, cela devient soit de la perversité, soit de l’imbécillité. C’est peut-être d’ailleurs les deux.

Pouvez-vous comprendre, malgré tout, la méfiance viscérale que les Flamands ont développée par rapport aux francophones ?

Les francophones n’auraient-ils pas dû prendre en compte plus tôt les revendications flamandes ? Sans doute. Il n’est jamais bon de laisser monter les frustrations politiques, de les rejeter d’un revers de main en disant  » non « . Cela a été une erreur. Mais je pense que, depuis les élections du 13 juin, non seulement on a compris ça, mais on a aussi posé les gestes nécessaires.

Cette méfiance de la N-VA, qui exige notamment les copies écrites des textes en discussion, cela vous paraît déplacé ?

A la fin, oui. Nous sommes arrivés aux négociations de bonne foi, prêts à aller beaucoup plus loin que toutes les fois précédentes. Le préformateur a agi avec beaucoup de patience. Mais, à un moment, la N-VA a manifestement choisi une autre stratégie. Une stratégie soit pour faire capoter, soit pour engranger bien au-delà de ce qui est raisonnable si on veut un accord équilibré.

Olivier Maingain, le président du FDF, c’est un aiguillon utile ou un trublion nuisible pour les francophones ?

Souvenez-vous de son pathétique retour depuis l’Espagne, à Pâques, en pleine négociation sur BHV. Si la victoire électorale de la N-VA a pris une telle ampleur, il en est probablement la cause… Maingain nous coûte très cher.

FRANçOIS BRABANT et pierre havaux

Maingain coûte très cher aux francophones

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