La N-VA élève la voix : BASTA, LE ROI !

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Bart De Wever manque de respect à Albert II, la N-VA l’accuse ouvertement de rouler pour la gauche francophone. Séparatistes et républicains : les nationalistes n’ont que des raisons de vouloir mener la vie dure au Palais royal.

Il ne manquait plus que lui pour s’y mettre aussi. Les nationalistes flamands l’auraient d’ailleurs parié. Leur maître à penser ne l’avait-il pas prédit dès juillet 2002, alors qu’il n’était encore qu’un modeste dirigeant de parti :  » Nos compatriotes francophones considèrent aujourd’hui la monarchie comme la dernière planche de salut face à ce qu’un ténor PS, Claude Eerdekens, a décrit comme l’impérialisme flamand en constante progression.  » Parole d’évangile : ce Bart De Wever a décidément toujours raison. Huit ans plus tard et une crise politique infernale plus loin, Sa Majesté Albert II ferait donc encore des siennes : l’entêtement du souverain à privilégier un  » front de gauche  » pour sortir le pays du pétrin n’aurait d’égal que sa volonté de nuire à la cause flamande, et à la N-VA en particulier. PS, SP.A, CD&V, CDH, Ecolo et Groen ! : le casting reproposé par le Palais royal, sous les auspices d’un conciliateur socialiste flamand, Johan Vande Lanotte, ulcère les nationalistes flamands.  » Je trouve très, très fort, que le roi se laisse uniquement mener par le PS et le SP.A et joue à fond dans leur stratégie « , fulminait Liesbeth Homans, chef de groupe N-VA au Sénat et bras droit de Bart De Wever, en apprenant la nouvelle contrariante. C’est le pas de deux souhaité avec les libéraux qui s’éloigne.

Encore une fois, Albert II déçoit la N-VA. Elle ne le croyait pas vraiment capable d’autre chose que de ce énième coup bas. Aurait-on déjà oublié que le roi des Belges avait forcé le CD&V à jeter le parti nationaliste flamand hors du cartel ? Au printemps 2010, Bart De Wever, encore lui, avait rafraîchi les mémoires en livrant cette lecture toute personnelle des faits. Inutile de chercher en Albert II  » l’arbitre neutre  » qu’il n’est pas en périodes de crise politique. Le président de la N-VA voyait là une preuve que cet Etat était décidément tombé bien bas :  » La profonde division interne est devenue si grande que ce pays ne peut plus être géré de manière démocratique et qu’il a donc besoin d’un chef d’Etat non démocratique pour se maintenir.  » Et voilà que ce maillon couronné de la chaîne belge,  » ce souverain non élu  » refuse d’abdiquer devant le nouveau maître du jeu politique. Ose ne pas se plier aux volontés du plus fort. Persiste à user de son influence occulte, fatalement malfaisante pour la cause nationaliste flamande. Ce que la N-VA devait endurer lorsqu’elle n’était encore qu’un nain impuissant de la politique flamande, elle ne veut plus le tolérer, maintenant qu’elle évolue dans la cour des grands.

Premier parti de Flandre et de Belgique, forcé de mettre les mains dans le cambouis : il fallait pourtant bien que la N-VA pactise avec  » l’ennemi.  » Qu’elle joue un minimum le jeu avec ce Palais royal qu’elle réduirait volontiers en poussière. L’improbable cohabitation forcée entre Albert II et le républicain séparatiste Bart De Wever promettait du spectacle. L’entrée en matière fut un modèle de bonne tenue. Avec un De Wever presque parfait en informateur royal. Il y a bien eu cette absence remarquée de cravate pour se rendre au château de Laeken : il fallait montrer qu’être reçu par le souverain n’est pas une grande occasion quand on est républicain et indépendantiste flamand. Mis à part cette entorse à l’étiquette, rien à redire. Il se dit même que, mission accomplie début juillet, les deux hommes se seraient quittés pas fâchés. L’impensable semblait se dessiner.

Retour sur terre. 4 octobre, changement de registre. De Wever a mis le costume et la cravate pour tirer brutalement, devant les médias, un trait sur trois mois de négociations politiques. C’est sa façon de congédier au passage les deux médiateurs royaux, avant même qu’ils n’aient pu faire rapport au roi : Albert II n’aura plus, le lendemain, qu’à raccompagner sur le pas de sa porte les présidents de la Chambre André Flahaut (PS) et du Sénat Danny Pieters (N-VA). Au diable, les civilités et le protocole. Le naturel revient au galop. Même sous sa nouvelle casquette de chargé de mission royal, De Wever remet le couvert. A peine nommé clarificateur, il annonce urbi et orbi qu’il verra qui il veut, selon son bon plaisir. Au mépris de ce que le palais de Laeken lui a demandé, en l’invitant à prendre seulement langue avec les sept partis en lice depuis le scrutin du 13 juin. Et pour couronner le tout : son rapport de clarificateur royal, De Wever en réserve la primeur à tout le monde, sauf à son commanditaire : médias, sites Internet, partis politiques ont droit d’emblée à la prose du chef de file des nationalistes flamands. Albert II patientera un jour avant de recevoir officiellement son exemplaire. Rien d’illégal. Mais pas très sympa. Et franchement inélégant.  » C’est plus qu’un manque de fair-play : la N-VA ne respecte, pas comme il conviendrait de le faire, le rôle reconnu au chef de l’Etat. Elle n’a pas encore de ministres fédéraux qui ont dû prêter serment de fidélité au roi, mais ses élus fédéraux ont juré d’observer la Constitution dans laquelle sont tout de même inscrites les prérogatives royales. Mais de la part d’un parti républicain qui souhaite la fin de l’Etat, on ne s’étonne plus de rien « , soupire le sénateur MR Armand De Decker, ancien président de la Haute Assemblée.

C’est du De Wever tout craché.  » Il se comporte à l’égard du Palais comme vis-à-vis des autres acteurs de la vie politique : en électron libre « , relève Pierre Vercauteren, politologue aux Fucam. Qui préfère relever cette agréable surprise :  » D’une manière générale, le respect de la confidentialité du colloque singulier.  » L’essentiel serait sauf. Le reste est simple affaire de tact et de correction. Surtout de posture politique. La N-VA a sa réputation à défendre. Quand on fait de la disparition de la monarchie un de ses chevaux de bataille, on ne peut décemment pas se mettre à la traiter avec égards. Que le Palais royal soit ainsi tenu pour quantité négligeable dans le processus de formation d’un gouvernement, que la fonction royale prenne encore quelques coups dans l’aventure, quoi de plus logique pour les nationalistes flamands. A la guerre comme à la guerre. Ils n’attendent d’ailleurs aucun cadeau d’Albert II et de l’establishment belgicain que le souverain traînerait dans son sillage. La preuve, selon eux, par ce nouveau complot de la gauche francophone orchestré sous couvert du Palais. Depuis le temps que De Wever le dit et l’écrit :  » Activer le roi en cas de crises graves relève dans une mesure croissante d’une imposture envers le peuple. L’éveil temporaire de l’illusion que le roi peut réellement aider à la situation aide en réalité les responsables politiques à jouer à cache-cache comme ça les arrange. La société civile n’a plus besoin de reliques institutionnelles de l’Ancien Régime.  » Ainsi parlait en juillet 2004, le coprésident intérimaire de la N-VA. Si ça ne tenait qu’à lui, cette prise-là aussi serait tirée depuis longtemps. P. HX

PIERRE HAVAUX

la n-va n’attend aucun cadeau du roi ni de l’establishment belgicain

 » la société n’a plus besoin de reliques de l’ancien régime »

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