La mobilité: un défi crucial

Avec la reprise du chantier du métro, sorti de son placard trentenaire, la cité entame une nouvelle dynamique urbaine.

Un de plus ! Chaussée de Bruxelles, à Charleroi : un nouveau panneau orange  » Travaux métro  » trône. Cette fois, c’est un tronçon de l’antenne de Gosselies, entre la rue de la Marine et la rue Puissant, qui va se faire éventrer. Dans la cité carolo, l’imposant chantier du métro a repris en octobre dernier.  » On va vraiment avancer ! Le métro va enfin proposer une vraie réponse aux défis de la mobilité « , affirme Paul Ficheroulle, échevin des Transports et de la Mobilité (PS). Avec une hausse de 8,3 millions de voyageurs au cours des 8 dernières années, les transports en commun carolos doivent faire face aux objectifs conjugués de la mobilité, de l’environnement et de la hausse du carburant auxquels le métro léger serait, selon les autorités locales, une réponse de choix. Ce chantier a une histoire de 30 ans déjà ! Aujourd’hui, le métro carolo, c’est 17,5 km de voies, deux lignes et 20 stations avec une fréquentation de 3,6 millions de voyageurs par an, soit 12 000 par jour en semaine… maigre pour une agglomération de plus de 200 000 habitants. Le réseau est actuellement construit à 80 % et les 550 millions d’euros déjà investis seraient une somme importante pour terminer les travaux. L’idée : compléter la situation bancale actuelle pour rééquilibrer le réseau. Concrètement, trois axes vont être développés. Un, la fermeture de la boucle centrale pour établir la jonction entre les stations Parc et gare du Sud, à double sens. Cette étape devrait être bouclée à l’été 2011. Deux, la création d’une ligne en site propre vers Gosselies à travers Dampremy, Lodelinsart et Jumet. Seize stations sur 10 kilomètres. Et trois, la prolongation de l’antenne de Gilly jusqu’à Soleilmont. Budget total avancé : 100 millions d’euros. Le maître d’ouvrage, la SRWT (Société régionale wallonne des transports) annonce un chantier de 1 000 jours, soit l’achèvement pour juin 2011. Certains voudraient aller plus loin, comme Paul Ficheroulle.  » Autant continuer sur la lancée et offrir un réseau complet, lance-t-il. On pourrait profiter de l’ancienne branche du Centenaire. Les voies sont faites et il suffirait d’un budget de 3 millions pour réaménager cette zone.  » Et quid du sud ? La fameuse porte sud. Au-delà de la polémique autour de l’accès à la ville (voir encadré), le réseau de métro ne serait pas global sans voie vers le sud. Dans cette zone, les autorités communales proposent deux pistes : le long de la N 5 vers Loverval ou un peu plus à l’ouest, vers Montigny-le-Tilleul.

Certains tapent du poing sur la table

Mais la réanimation du métro ne fait pas que des heureux. Six habitants de Charleroi contestent certains aménagements qu’ils jugent peu cohérents avec les réalités environnementales d’un centre urbain. Xavier Desgain (Ecolo), conseiller communal à Charleroi, les suit :  » Le tracé, d’accord, mais pas la manière qu’on nous impose aujourd’hui… Je suis pour un système de tram en surface qui s’intègre au profil urbain avec des aménagements centrés sur les citadins.  » Les oppositions concernent, entre autres, l’utilisation de bitume entre les voies  » alors qu’une zone de pelouse serait tout aussi efficace « , selon Xavier Desgain. Malgré l’échec de leur plainte en  » cessation environnementale  » face au tribunal des référés, les plaignants persistent et choisissent la voie judiciaire. La justice examine actuellement leur requête. Selon les contestataires, ces procédures auraient pu être évitées si la SRWT et la Ville de Charleroi avaient accepté d’entendre leurs arguments. Les autorités communales se défendent d’avoir suivi les voies légales d’enquêtes publiques et regrettent que ces remarques tombent alors que les travaux sont déjà bien entamés. Le TEC reste prêt à dialoguer et à servir de médiateur. Les commerçants aussi grincent des dents, car les chantiers leur causent des dommages économiques considérables : fréquentation entravée donc chiffre d’affaires en baisse… l’ardoise est salée. Depuis début mai, l’échevine du Commerce Ornella Cencig (MR) a lancé une opération d’information pour les indépendants pénalisés. Elle propose, entre autres, de leur délivrer une  » attestation de nuisances  » dans le cadre d’une demande d’indemnités. L’attestation en main, les commerçants peuvent introduire un dossier au Fonds de participation fédéral  » travaux publics-indépendants « . Une des conditions à remplir : prouver qu’il y a bien fermeture de l’établissement de minimum 7 jours. L’indemnisation de 70 euros par jour commence à partir du huitième, pendant 1 mois au maximum. Ornella Cencig trouve cette réglementation trop restrictive :  » Je pencherais plutôt vers une indemnisation compensatoire en complément des recettes commerciales amoindries. « 

Transports connexes

D’autres facteurs doivent être mis en place de concert avec le  » gros £uvre  » du chantier. Un effort doit se porter sur le public scolaire, selon Paul Ficheroulle :  » Le plan de déplacement scolaire est fondamental, principalement dans le centre-ville où les écoles sont concentrées. Le réseau doit donc être totalement sécurisé. Nous allons demander un budget à la Région pour mettre en place des caméras de surveillance, des accompagnateurs supplémentaires…  » Un des objectifs de l’extension du métro est le désengorgement du centre urbain et, pour cela, il faut permettre aux automobilistes de laisser leur voiture en lieu sûr à proximité d’une station. L’échevin de la Mobilité a son idée sur les parkings de dissuasion :  » Ils seraient efficaces dans la périphérie de l’hyper-centre, autour du ring. Un parking va être créé au terminus de l’antenne de Gilly, un autre à la gare du Sud. Les communes périphériques auront également leur rôle à jouer.  » Le projet a également étudié la question des piétons et propose des aménagements adaptés comme les quais de la Sambre plus accueillants avec une circulation à sens unique et à vitesse limitée. L’esplanade de la gare du Sud sera aménagée autour de la boucle du métro.  » De façon insensée ! rétorque Xavier Desgain. On avait un bel espace public devant la gare et le projet va complètement le refermer.  » Cela dit, 40 % de l’investissement concernera la voirie, l’éclairage, la sécurité routière et les espaces verts.

Gosselies comme n£ud de mobilité

La voie ferrée est également un sérieux cheval de bataille carolo. Point de mire des projets du rail : la future gare de Gosselies. Elle deviendrait un pôle ferroviaire essentiel pour la cohérence des trajets par rail à Charleroi, en interne avec la gare du Sud mais aussi vers l’extérieur. A l’heure actuelle, seul l’emplacement est connu : elle s’implantera au sud de l’E42 plutôt qu’au nord, directement sous l’aéroport. Aucun tracé n’a encore été décidé pour relier les lignes ferroviaires qui vont de Charleroi-Sud à Bruxelles (ligne 124) et de Charleroi-Sud à Ottignies (ligne 140). Les autorités communales sont pressées :  » Nous voulons cette nouvelle liaison ferroviaire, point. Souterraine ou pas, au nord ou au sud de la dorsale wallonne, peu importe.  » Pas si évident que ça pour Xavier Desgain :  » Une gare à Gosselies, c’est essentiel pour accentuer la priorité du rail par rapport à la voiture. Mais je ne suis pas persuadé qu’elle doit être en souterrain. On pourrait économiser un paquet d’argent à rester en extérieur.  » Le coût du projet devrait atteindre 420 millions d’euros. A ce stade du dossier, la Région wallonne réalise une étude d’incidences dans le cadre de la révision du plan de secteur. Aucune date n’a encore été avancée concernant la réalisation. Cette future gare s’inscrit dans la stratégie de développement de l’aéroport de Charleroi mise en £uvre par le gouvernement et son positionnement en tant que second aéroport belge, après Bruxelles-National, pour le trafic passagers. Sa capacité d’accueil est aujourd’hui de 4 millions d’utilisateurs et ses activités vont bon train avec le succès croissant des vols low-cost. Car alors que l’ensemble du secteur aérien tremble de découvrir ses chiffres de fréquentation, l’aéroport de Charleroi table sur une progression d’au moins 10 % en 2009. Ce qui conforte l’aéroport dans cette estimation, ce sont les efforts réalisés par les compagnies low-cost dans leurs imminentes offres. Ces perspectives incitent à un optimisme certain et motivent le projet d’extension de l’aéroport. Certes, tous les acteurs concernés favorisent un développement raisonnable, mais chacun avance ses chiffres.  » La piste peut techniquement être allongée de 650 mètres. On pourrait passer à 8 millions de passagers par an.  » L’échevin de la Mobilité voit donc plus grand que le conseiller Desgain :  » Ecolo défend un allongement raisonnable de la piste pour permettre des vols supplémentaires de jour vers l’Europe et le Bassin méditerranéen.  » Cette vision rejoint les nombreux riverains locaux qui redoutent une détérioration de leur cadre de vie concernant principalement la pollution sonore. Il convient également d’anticiper la limitation du taux de croissance du trafic aérien, liée à l’augmentation du prix du pétrole et aux contraintes environnementales de type CO2. Le moteur emploi est également dans la balance. Ces nombreux facteurs constituent aujourd’hui les données de l’étude d’incidences de l’extension de l’aéroport.

C.W.

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