La lutte antitrust
COMMERCE MONDIAL
Au début du siècle dernier, Standard Oil, dépecé, ne leur a pas résisté. Pas
plus qu’ATT, passé à la moulinette il y a vingt ans. Aujourd’hui ils font
trembler des géants tels que United States Tobacco ou Microsoft. Le job de
ces hommes de l’ombre ? Antitruster. Quelques centaines de fonctionnaires
zélés qui, à Washington ou à Bruxelles, scrutent le paysage concurrentiel du monde entier
et empêchent les grands groupes de fusionner à tout va. Et, pourtant, selon
qu1ils sont américains ou européens, leurs points de vue s’opposent de plus
en plus franchement. Dernier objet de désaccord, les sanctions à infliger à Microsoft, accusé des
deux côtés de l’Atlantique d’abuser de sa position dominante. Alors que,
après quatre années de procédure, l’administration américaine a décidé de
laisser la paix au géant du logiciel, les Européens plaident pour de sévères
sanctions, comme l’obligation de séparer la vente de Windows, le système
d’exploitation de la firme de Bill Gates, et Media Player, son logiciel de
diffusion vidéo. Une position ferme qui rappelle la tentative de fusion de
General Electric avec Honeywell. Autorisée aux Etats-Unis, elle avait
finalement été empêchée l’an dernier par l’Union européenne.
Outre-Atlantique, le marché est généralement prioritaire, surtout en période de ralentissement
économique. Quand il s’intéresse au procès Microsoft, Gary Becker, Prix
Nobel d’économie, pense aux » dommages collatéraux » dont souffriront les
concurrents, en cas de sanctions trop lourdes. De son côté, l’Europe affirme se
soucier davantage de ses consommateurs.
L’explication est d’abord historique. Lancés très tôt dans la course – le
Sherman Act, en 1890, marque le début de la politique antitrust, aux
Etats-Unis – les Américains se méfient des conglomérats. Il n’est
pas question, à l’époque, de laisser les compagnies pétrolières s’emparer
des réseaux de chemin de fer:l’industrie, naissante, aurait perdu en
dynamisme.
Les pays européens, eux, redoutent, avec la mondialisation, la disparition de leurs champions nationaux et une baisse de services pour leurs citoyens. Mais alors, pour gérer une
économie de plus en plus planétaire, ne serait-il pas plus logique de s’en
remettre à une autorité mondiale – l’OMC, par exemple ? Difficile à
imaginer, quand on voit les récents ratés de sa politique de libre-échange.
La » gouvernance » mondiale a encore des progrès à faire.
Guillaume Grallet
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici