La hotte aux spectacles

Quand le théâtre et les enfants mêlent leur imagination, c’est le festival Noël au théâtre: 17 spectacles pour une 20e édition couronnée de lauriers!

Plus qu’une veillée, plus qu’une fête, c’est un festival où les spectacles se poussent du coude l’après-midi et le soir. Il suffit de s’emmitoufler pour délaisser sa crèche ou sa classe et s’engouffrer dans des lieux où l’imagination déroule ses tapis volants, bien larges pour rassembler les familles, enfants d’abord, parents admis.

En cinq jours, du 26 au 30 décembre, 17 moments de rire, de larmes, de peur, d’apprivoisements, de magie, dans 7 théâtres de Bruxelles. Les très sérieux Océan Nord, Tanneurs, Balsamine se sont joints à la Montagne magique, au centre culturel Jacques Franck et à Pierre de Lune, dédiés depuis plus longtemps aux scènes d’enfance. Les scènes vont s’animer de 3 à 5 fois par jour! Et, si la capitale porte le flambeau du festival Noël au théâtre, la Wallonie propose des dizaines de spectacles sous le même label et dans un temps élargi aux vacances scolaires.

Toujours organisée par la Chambre des théâtres pour l’enfance et la jeunesse (CTEJ), qui regroupe une bonne cinquantaine de compagnies, cette vingtième édition a, plus que de coutume, le rose aux joues. Le Prix Océ des arts de la scène 2001, soit 1 million de nos tous derniers francs qui viennent remplumer les subventions un peu maigrichonnes du secteur jeune public, a couronné l’une des pistes artistiques les plus créatives, que l’étranger nous envie. Autre signe de reconnaissance, la Fédération des professionnels des arts du spectacle (FAS), enfantée dans les soubresauts des événements de mai dernier – la révolte du secteur théâtral face à l’indigence de la politique culturelle -, a inclus le théâtre jeune public dans tous ses travaux. Il est bien remisé aux oubliettes, le temps où ces spectacles-là faisaient office de récréation entre deux leçons dans les écoles! Il faut avoir vu le nombre croissant d’enseignants du maternel, du primaire, du secondaire, qui se pressent aux aoûtiennes Rencontres de Huy, la Mecque belge des scènes pour les mômes. Ils y repèrent leurs prochaines programmations dans le joyeux festin des créations qui se partagent Coups de coeur, Prix des ministres et autres lauriers, et certains avouent y trouver matière à nourrir leur pédagogie!

Noël au théâtre constitue le prolongement « grand public » de la floraison hutoise, surtout destinée aux professionnels. Mais, en offrant de vrais espaces de théâtre à ce qui n’a le plus souvent qu’une salle de gymnastique en guise de planches, ce Festival satisfait aussi notre appétit adulte d’authentiques scènes de qualité. Il serait injuste de ne pas souligner l’accueil de plus en plus grand de nombreux centres culturels au théâtre pour enfants, d’Arlon à Tournai, en passant par les programmations namuroises des « P’tits 4 heures ».

Le menu de ce 20e Noël au théâtre se partage entre 4 créations et 13 reprises. Parmi les premières, le Théâtre Isocèle lance L’Oiseau vert, de Gozzi, version de Benno Besson: une très belle fable d’initiation dans le mouvement de la commedia dell’arte, mise en scène par Sylvie De Brakeleer (dès 9 ans, Montagne magique).

De Margarete Jennes, par ailleurs présidente de la CTEJ, et du Petit Théâtre Hypocrite, on découvrira Le Masque, ou la quête d’un masque réputé fabuleux. Ses artisans l’ont, paraît-il, doté de couleurs typiquement belges (dès 10 ans, Océan Nord).

Création encore, avec Le Petit Peuple de la brume du Théâtre du Papyrus (souvenez-vous de ces perles qu’étaient leurs Miroir et Hulul!). D’où vient cette brume qui ne laisse aux hommes que cailloux et racines sous la dent? Un secret à découvrir, près d’un lac (dès 4 ans, Pierre de Lune au Botanique). Enfin, cette étonnante compagnie Iota, musicale, dansante, jouant de la lumière et de l’objet brut, offre Pataquès aux plus jeunes des spectateurs, ceux dont l’imagination n’est pas encore (trop) contaminée, et en profite pour reprendre Iota danse(lire l’encadré), plébiscité l’année dernière (dès 3 ans, Montagne magique).

Parmi les autres scènes qui ont toutes chatouillé les sensibilités de tous les âges à Huy, nous vous confions nos élans les plus subjectifs. Osons le burlesque déjanté de la Compagnie Orange sanguine, et de ses deux filles venues de Suisse, formidables clowns et jongleuses qui signent Fleurir, rose de rose (dès 7 ans, centre culturel Jacques Franck)! Pour la même tranche d’âge, le presque vénérable Théâtre de la Galafronie vous plonge dans le monde étrange, plein de malice et de cynisme de Minimânsno: une réflexion sur la paternité, la tyrannie (et les deux ensemble), sur la matière théâtre elle-même. Déroutant au premier abord, ce spectacle mis en scène par Didier de Neck se révèle d’une intensité rare, aux couleurs changeantes, avec ses étranges êtres raccourcis (dès 7 ans, centre culturel Jacques Franck).

Coup de foudre de la presse à Huy, Et moi est orfévré dans la nuance par les Ateliers de la Colline. Vous y verrez, en forêt et en famille, comment surgit la jalousie entre petits, comment on l’apprivoise, comment aiment les parents. Et comment on fait pour rire et pleurer en même temps (dès 8 ans, centre culturel Jacques Franck). Autre spectacle chouchouté par la presse, La Nuit des chimères chemine à travers la mythologie grecque. Un soupçon de didactisme dans les histoires que nous conte le vieux Tirésias aveugle, au bord de la fontaine d’Apollon, mais beaucoup d’art dans le jeu de ces énigmatiques créatures mi-animales, mi-humaines, créées par la Compagnie de la Casquette, écrit et mis en scène par Christian Baggen (dès 8 ans, Les Tanneurs). Et, de la même troupe, on reverra Trois millions d’années tartine, superbe spectacle jonglant entre humour et tendresse avec les questions existentielles (dès 7 ans, Balsamine).

Pour les petits, avec trois fois rien, juste de la pâte à pain, la compagnie Faux comme il faut pétrit un tout léger et poétique Petitou (dès 4 ans, Pierre de Lune au Botanique). Tout aussi simple, en clin d’oeil savoureux à La Fontaine, Le Chien et la pie du Théâtre Maât déboule en jacassements et grognements, seules rimes de la nouvelle fable mise en pattes et en poils par Hadi El Gammal. Deux formidables acteurs vous expliqueront comment, par exemple, les poils de l’un peuvent servir les plumes de l’autre. Dites solidarité (dès 3 ans, Pierre de Lune, Botanique)!

Et ce n’est pas fini… N’oubliez pas les poètes écologiques de L’homme qui plantait des arbres, inspiré de Giono, par le Théâtre Agora (dès 7 ans, Pierre de Lune, Botanique), la magie mélancolique et japonaise d’un Ailleurs, du Théâtre de l’E.V.N.I, mis en scène par Anne-Marie Loop (dès 7 ans, Pierre de Lune au Botanique). Les marionnettes feront, elles aussi, leurs trois petits tours: c’est Made in China, par le Canard Noir & Co et le Théâtre des quatre mains (dès 5 ans, centre culturel Jacques Frank), tandis que les comédiens magiciens de l’ombre du Théâtre du Tilleul joueront l’extraordinaire Moi Fifi, perdu dans la forêt (dès 5 ans, Les Tanneurs).

Et puis, vous serez impardonnable si vous ne saisissez pas l’occasion de (re)voir Est-ce qu’on ne pourrait pas s’aimer un peu? du Théâtre Loyal du Trac, qui ne cesse de faire des heureux depuis deux saisons. Deux acteurs clowns stupéfiants, la patte de Jaco Van Dormael, le piano de Serge Bodart vous jouent tous les coups de l’amour! (dès 12 ans, Pierre de Lune au Botanique).

Pour tous ceux qui sont fascinés par les livres destinés aux enfants, deux expositions prolongent le plaisir de la scène au centre culturel Jacques Franck: Jardins d’illustrateurs et Edith Soonckindt. Enfin, sachez que l’inépuisable et indispensable éditeur Emile Lansman, l’un des rares à miser sur l’édition des textes de théâtre, a lancé une collection Jeunes Publics. Et les auteurs s’y bousculent!

Informations: 02-643 78 88.

Michèle Friche

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