La grande métamorphose

Après la ville basse, la ville haute : la mandature 2012-2018 sera placée sous le signe du renouveau du haut de Charleroi, alors que l’ouverture des travaux du méga-projet Rive Gauche se fait attendre.

Toutes les formations politiques sont d’accord pour considérer que la rénovation de Charleroi est une priorité, qu’il faut mettre les bouchées doubles pour sauver l’intra-ring du marasme : à la ville basse entre les places Buisset et Albert Ier, on ne chercherait qu’en vain une façade encore en bon état. C’est une succession de rez commerciaux fantômes et de bâtiments abandonnés par l’investisseur anversois Shalom Engelstein qui les a rachetés à partir de 2007 afin de développer un projet d’immobilier commercial. Le nom de ce projet, c’est Rive Gauche. Combiné à des actions sur l’espace public grâce à des fonds structurels européens du Feder, il s’agit d’intégrer un centre commercial de 30 000 mètres carrés avec des logements et bureaux, ainsi qu’un hôtel de catégorie supérieure. Portée par un promoteur privé (la SA Saint- Lambert Promotion), l’opération représente un investissement privé de plus de 200 millions d’euros, avec la création d’un parking souterrain de 700 places en plein c£ur de Charleroi. Mais le démarrage est pénible : les permis délivrés ont donné lieu à une vague de recours auprès du ministre de tutelle et devant le Conseil d’Etat. On en attend l’issue. Dans le calendrier prévu, les travaux auraient dû commencer cette année pour une durée de trente mois. Ils imposent la démolition d’un ensemble immobilier de 4 000 mètres carrés (les Colonnades sur le boulevard Tirou) et une série d’autres expropriations. Le bourgmestre PS de Charleroi Eric Massin confirme :  » C’est le projet majeur de cette mandature, toute notre majorité le soutient. Il faut cependant attendre que les obstacles de procédure se lèvent pour pouvoir avancer.  » A terme, Rive Gauche pourrait connaître une extension avec le réaménagement complet du quartier des Finances en quartier de bureaux. Mais ce sera plus tard. Dans l’immédiat, l’espoir est de voir débuter enfin ce chantier colossal. Et d’en sortir dans les délais.  » Le pire serait, en effet, qu’il s’éternise et que Charleroi souffre d’une sorte de syndrome de la place Saint-Lambert [NDLR : à Liège], avec une interruption de travaux qui la plongerait durablement dans le chaos. « 

Pour les six prochaines années, c’est sur le périmètre de la ville haute que vont se porter les efforts. Des quartiers s’y paupérisent et se vident de leurs habitants. Il faut les revalider, les rendre à nouveau attractifs. Dans le cadre des financements Feder 2014-2020, une série de fiches projets sont en cours d’élaboration. En juin, elles seront présentées pour accord au comité de développement stratégique qui réunit les forces vives du bassin de Charleroi.  » Nous avons travaillé quartier par quartier, dans une totale cohérence « , indique Eric Massin en charge de l’aménagement urbain. Six projets ont ainsi été identifiés pour un total de plus de 200 millions. Quatre fois plus que le budget alloué au financement du programme de rénovation Phénix en cours dans le bas de Charleroi.

Le premier de ces projets, c’est le remodelage complet du Palais des expos avec la création d’un centre de congrès performant.  » Pour cela, deux options s’offrent à nous, précise le bourgmestre. Ou bien raser le bâti existant et reconstruire une nouvelle infrastructure dimensionnée à 25 000 mètres carrés (au lieu de 40 000), ou bien sauvegarder ce qui peut l’être et moderniser pour atteindre la même capacité.  » Dans les deux cas, Massin compte adjoindre un centre de congrès up to date avec auditoriums, salles de réunion et de catering, salons VIP.  » Cet outil devra être en mesure d’accueillir de 1 500 à 3 000 congressistes, il sera aménagé sur la dalle des expos, confie- t-il. Nous le concevons en collaboration avec le centre d’ingénierie touristique de la Région wallonne et la direction de Charleroi expo. « 

Second périmètre ciblé : le campus de l’Université du travail avec le développement d’une cité des métiers, des techniques et de la créativité ( lire en page 100).  » Nous voulons compléter ce programme par la mise en service d’une interuniversitaire dans le bâtiment Gramme de 15 000 mètres carrés. Dans ce lieu partagé par des académies et des Hautes Ecoles se dispenseraient des cours de plein exercice et de promotion sociale. Charleroi pourrait y mettre en £uvre son projet d’université ouverte qui n’a jamais vu le jour.

Trois : une étude du CPAS de Charleroi, qui est propriétaire de l’hôpital civil, conclut à l’impossibilité d’en réaffecter les locaux après le transfert des activités sur le nouveau site de Lodelinsart, en 2013. La Ville de Charleroi porte donc avec le CPAS le projet d’y reconstruire une maison de retraite et une résidence service, avec 10 000 mètres carrés de bureaux et un peu de commerces de proximité.

Ensuite, Eric Massin rêve d’un musée de la Ville sur les terrains entre le palais de justice et l’ex-musée du Verre, au boulevard de Fontaine. Non seulement, un tel projet est inédit.  » Mais, selon des architectes urbanistes, Charleroi est un véritable laboratoire pour les transformations dans le domaine de l’aménagement du territoire « , poursuit le bourgmestre. Ce musée s’articulerait autour de quatre thèmes : l’architecture bien sûr, mais aussi l’urbanisme, la sociologie des villes et l’art urbain. Ce musée se compléterait par un centre de recherche sur la ville. Il travaillerait sur les nouvelles formes d’urbanité, les  » smart cities  » (les  » villes intelligentes « ), les réseaux de communication, le développement durable, etc. «  Complémentairement aussi, un nouveau centre de formation aux métiers de la ville verrait également le jour.

Le cinquième volet du renouveau de la ville haute porterait sur le liaisonnement. Une enveloppe permettrait de financer le réaménagement d’une dizaine de voiries importantes et d’espaces publics, depuis la place du Manège à l’esplanade Solvay en passant par la place Charles II. Massin qui dit travailler depuis un an à ce grand programme Phénix 2 en souligne  » la cohérence et la complémentarité « . Il porte à la fois sur l’activité économique, la formation, la culture, l’intergénérationnel, l’enseignement et la recherche. Le bourgmestre qui ne perd pas de vue la nécessité impérieuse de centraliser les services administratifs dispersés pour dégager des économies d’échelle et renforcer l’efficacité opérationnelle estime qu’une cité administrative de 30 000 mètres carrés pourrait venir s’intégrer sur la dalle des expos. C’est le sixième projet.

En plus de ces dossiers qui devront faire l’objet d’un arbitrage, il verrait, comme la cerise sur le gâteau, la rénovation du quartier de la gare du sud, à Charleroi ville basse, avec la transformation en espace de bureaux de l’ancien tri postal et une opération de promotion immobilière à la Villette qui pourrait accueillir une mégasalle de spectacle, un  » Zénith wallon « , selon ses termes. Une étude de la SNCB est en cours pour la réaffectation du bâti et du foncier, dit-il. Les résultats seront dévoilés en septembre. Pour ne pas s’exposer aux critiques de ceux qui lui reprochent des effets d’annonce, Eric Massin s’attelle à bétonner l’ensemble de ses projets.  » Ceux que j’évoque sont cohérents « , insiste le bourgmestre. Ainsi s’amorcerait la reconstruction idéale de la ville du XXIe siècle.

DIDIER ALBIN

Massin s’attelle à bétonner l’ensemble de ses projets

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire