» La gestion passive ne convient pas à tout le monde « 

Considéré par Jean Walravens comme un gourou de la finance, Etienne de Callataÿ lui répond. L’un et l’autre sont d’accord sur de nombreux points. Avec quelques nuances.

LeVif/L’Express : Etes-vous de ceux qui adhèrent à l’hypothèse de l’efficience des marchés, que soutient Jean Walravens dans son ouvrage ?

Etienne de Callataÿ : En termes de choix d’actions, il a foncièrement raison. En moyenne, un investisseur qui gère activement son portefeuille enregistrera, à terme, de moins bons résultats que ceux qui optent pour une gestion passive. Mais cela ne veut pas dire que tout travail d’analyse financière est inutile. Car, en conseillant nos clients, nous leur proposons des solutions qui sont adaptées à leur profil de risque. Nous ne nous braquons pas sur le seul critère de la performance boursière absolue.

Voulez-vous dire que le conseil financier aux consommateurs demande de la nuance, de la personnalisation ?

Je prends un exemple. Un client qui investirait dans un ETF belge, construit sur la base de la composition du BEL 20, reçoit de facto une importante proportion de titres de AB InBev. Une proportion telle que personne, a priori, dans un portefeuille diversifié entre secteurs, ne choisirait. La formule de l’ETF est certes peu coûteuse en frais de transaction pour le client mais, pour autant, convient-elle à ses besoins ? La gestion passive ne convient pas à tout le monde. Elle exige aussi de la part des investisseurs des nerfs solides, car ils ne sont pas en mesure, avec un ETF par exemple, de réagir au moindre changement de valeur de leur portefeuille. Il faut, dans cette mesure, tenir compte de la psychologie du client.

Jean Walravens considère que jusqu’à hauteur de 200 000 euros un consommateur peut parfaitement gérer son patrimoine seul.

Il a raison. En raison du principe de diversification des investissements, le consommateur qui dispose de ce patrimoine-là cumulera forcément de nombreuses petites positions, ce qui l’exposera à beaucoup de frais de transaction. Ou alors, il se concentre sur quelques produits mais perd en diversification. A moins qu’il n’opte pour un ETF, soit un panier diversifié, avec des frais de transaction réduits.

Pensez-vous que les intermédiaires financiers, voire les gourous de la finance, ont tendance à prôner plutôt la gestion active des portefeuilles, dans la mesure où leurs revenus dépendent en partie des transactions qui y sont liées ? Jean Walravens vous cite d’ailleurs dans son ouvrage.

Il est vrai que la gestion passive est moins lucrative pour les intermédiaires financiers, ce qui les incite peut-être à ne pas en faire la promotion. Mais on peut aussi trouver parmi eux des analystes absolument convaincus de pouvoir faire mieux que le marché. Ils s’illusionnent, pour la plupart, mais ce n’est pas vilain de leur part de penser ainsi. J’ajoute, quant à moi, que les fonds indexés sont majoritaires dans le portefeuille de nos clients.

Pour quelles raisons, selon vous, la théorie de l’efficience des marchés est-elle aussi peu connue du grand public ?

C’est certainement de la responsabilité des intermédiaires financiers, guidés par leur intéressement financier, mais il existe aussi un penchant humain chez les investisseurs, qui aiment se vanter, en société, des bons coups boursiers qu’ils ont réussis. Ils omettent souvent de citer ceux qui ont mal fini. Les gens surestiment souvent leurs capacités financières.

Estimez-vous que les médias jouent un rôle dans cette méconnaissance ?

Sans doute. Dans la mesure où certains journaux recommandent ou déconseillent chaque semaine tel ou tel type d’investissement, ils confortent l’envie des analystes de figurer dans leurs colonnes et renforcent les investisseurs dans l’idée qu’il y a de bonnes et de mauvaises actions. Cela dit, il y a aussi des gens qui jouent en Bourse pour le plaisir. La Bourse est un casino socialisé.

L.V.R.

 » Les investisseurs omettent souvent de parler des coups qui ont mal fini « 

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