La fracture numérique du deuxième type

L’accès à l’Internet se démocratise, mais la manière de l’utiliser révèle une fracture numérique surprenante. Qui ne dépend pas des diplômes des internautes.

Avec une moyenne de 28,3 connexions à haut débit pour 100 habitants, la Belgique se place dans le haut du tableau européen, mais une nouvelle fracture numérique dite  » du second degré  » est pointée par des recherches.  » On constate un déplacement progressif des inégalités de l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) vers leur usage lui-même « , décrit Gérard Valenduc, chercheur à la Fondation Travail-Université qui a analysé les comportements des internautes de près.

Le Baromètre TIC de l’Agence wallonne des télécoms montre que l’activité des Wallons sur le réseau reste relativement basique et passive : l’envoi d’e-mails et la recherche d’informations d’actualité restent ainsi les occupations favorites, loin devant des usages plus élaborés comme l’achat en ligne (35 %), la publication d’informations (29 %) ou la participation à une communauté (22 %).

Autrement dit, il ne suffit pas de posséder un ordinateur et une connexion Internet pour être à l’aise avec les TIC.  » La capacité à exploiter révèle un décalage qui n’est pas lié aux mêmes paramètres sociodémographiques que ceux qui influencent les inégalités d’accès purement technologiques : âge, niveau de revenus etc. Ici, nous sommes face à des facteurs beaucoup plus nuancés et davantage liés à la trajectoire que nous développons chacun dans l’usage des TIC. « 

Une réelle  » compétence numérique  » suppose une capacité à traiter l’information, à la rechercher par des mots-clés pertinents ( importance de maîtriser la langue maternelle) et d’adopter un point de vue suffisamment critique..  » Ces aptitudes sont réparties inégalement dans la société et leur répartition ne suit pas exactement le clivage entre diplômés et non-diplômés. Les personnes avec un faible niveau de scolarité peuvent développer leurs compétences numériques à travers leur cercle d’amis, les formations continues… « 

D’autres études menées auprès d’étudiants anglo-saxons souvent incapables d’évaluer la crédibilité des infos téléchargées battent sérieusement en brèche la mythologie d’un Web collaboratif où l’internaute serait devenu acteur plutôt que consommateur de contenu.  » Ce n’est pas parce qu’une partie significative de la population remplit désormais sa déclaration d’impôts en ligne qu’on peut conclure que la communication électronique est devenue monnaie courante entre l’Etat et les citoyens. C’est une généralisation abusive. « 

Quel remède à cette fracture du deuxième degré, moins palpable et plus diffuse ?  » On voit que l’approche axée uniquement sur l’infrastructure accuse ses limites « , observe Pierre Lelong, manager au centre de compétence Technofutur TIC basé à Gosselies.  » Il ne suffit pas de mettre un ordinateur entre les mains de chaque individu pour résorber le fossé numérique. Non seulement cette stratégie coûte cher, mais elle ne produit pas forcément les meilleurs résultats.  » Or ce changement de cap suppose de repenser la plupart des politiques publiques qui ont été menées depuis la fin des années 1990 et qui visaient avant tout à aider les citoyens à acquérir leur propre équipement pour un prix modique.

La solution passe probablement par un focus accru sur l’éducation aux médias, dans son acception la plus large.  » Jusqu’à présent, les formations aux TIC ont été conçues principalement sur le mode instrumental : comment naviguer sur Internet, envoyer un e-mail, résoudre des problèmes techniques etc. « , observe Gérard Valenduc.  » Nous devons aller vers une meilleure intégration des TIC dans des formations de toutes sortes. Si vous suivez, par exemple, un cours de photographie, un volet devrait exposer tout ce qu’Internet permet de faire en termes de partage d’images, etc.  » En d’autres termes, il est temps de sortir les TIC de leur ghetto numérique…

OLIVIER DE DONCKER

un PC et une connexion ne suffisent pas pour être à l’aise avec les TIC

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