La fertilité en suspens

Que faire pour préserver au mieux votre fertilité lorsque vous devez subir une chimio- ou une radio- thérapie ? Ces mesures bénéficient-elles d’un remboursement ?

La chimiothérapie et la radiothérapie peuvent être des traitements salvateurs… le revers de la médaille étant, comme du reste pour les interventions lourdes au niveau des organes reproducteurs, qu’elles risquent aussi d’affecter la fertilité. Un vrai coup dur pour les malades qui rêvent encore d’avoir des enfants ! Le risque d’infertilité temporaire ou définitive dépendra évidemment de la nature de l’intervention, mais aussi de l’âge, du niveau de fertilité préalable et d’une série d’autres facteurs individuels. Si vous souffrez d’un cancer et souhaitez (encore) avoir des enfants, discutez-en donc le plus rapidement possible avec votre oncologue ; vous pourrez alors examiner avec un spécialiste en oncofertilité s’il est possible de préserver votre fertilité, et par quels moyens.

Les techniques actuelles permettent la congélation et la conservation d’ovocytes, de sperme, d’embryons et même de tissu ovarien ou testiculaire. La congélation d’embryons, une technique bien établie dans le traitement des couples qui rencontrent des difficultés à concevoir spontanément, est remboursée de longue date. Si le patient qui s’entend annoncer un diagnostic de cancer n’a pas de partenaire ou de relation stable, il ne pourra toutefois congeler que son propre matériel – une option qui bénéficie heureusement aussi d’un remboursement, et ce depuis le 1er mai 2017.  » Il est un peu dommage que le remboursement soit limité chez les femmes à une seule technique (la congélation soit d’ovocytes, soit de tissu ovarien), alors qu’aucune n’offre la garantie absolue de pouvoir concevoir un enfant avec le matériel décongelé « , commente le Pr Herman Tournaye, chef de service du centre de médecine reproductive de l’UZ Brussel.  » La combinaison de plusieurs techniques peut améliorer les chances de réussite… si du moins elles sont toutes possibles, utiles et désirées dans ce cas spécifique, ce qu’il faudra toujours soigneusement investiguer au préalable.  »

Récolter et injecter

Un traitement oncologique doit généralement être débuté très rapidement, mais les techniques de préservation de la fertilité ne demandent heureusement pas toujours un délai important. Les hommes, par exemple, pourront simplement fournir un échantillon de sperme ; congelées dans l’azote liquide et conservées à -196 °C, les cellules reproductrices seront parfaitement préservées du vieillissement. Il est possible qu’elles soient un peu moins mobiles après décongélation, mais les chances de concevoir restent très importantes, affirme le Pr Tournaye.  » Nous pouvons en effet veiller à ce que la fertilisation se déroule dans les meilleures conditions possible. Lorsque nous disposons d’une quantité abondante de sperme de bonne qualité, nous essayons souvent d’abord l’insémination artificielle ; dans le cas contraire, nous avons recours d’emblée à la fécondation in vitro (FIV), en laboratoire.  »

Dans la procédure de FIV classique, chaque ovule (prélevé chez la femme) est placé dans un récipient avec un grand nombre de spermatozoïdes (décongelés).  » Nous avons toutefois souvent recours à une technique consistant à injecter directement un spermatozoïde dans chaque ovule. On parle alors d’ICSI ou injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes, une approche qui ne demande qu’un faible nombre de spermatozoïdes et affiche un taux de réussite élevé, puisque 90 % des ovules fécondés de cette manière atteignent le stade d’embryons.  »

La fécondation en laboratoire impose donc la  » récolte  » préalable d’un certain nombre d’ovules. Pour ce faire, la femme est soumise à un traitement hormonal qui va induire la maturation de plusieurs ovocytes, prélevés dans les ovaires par aspiration. Cette procédure est réalisée par voie vaginale sous anesthésie locale ou sédation.

Maturation en éprouvette

Les patientes cancéreuses dont le traitement peut être reporté de deux semaines peuvent également se soumettre à une telle stimulation hormonale et faire prélever des ovules matures, mais cette fois dans le but de les congeler pour les conserver. Si elles ont une relation stable, elles peuvent également faire féconder leurs ovules en laboratoire avec le sperme de leur partenaire ; ce seront alors les embryons qui seront congelés.

 » Chez les femmes atteintes d’un cancer, l’oncologue n’autorisera le plus souvent que le délai nécessaire à la réalisation d’une unique cure hormonale et donc à une seule collecte d’ovocytes, ce qui correspond à une probabilité de 30 à 40 % d’obtenir une grossesse, précise le Pr Tournaye. Lorsque le traitement ne peut pas être reporté, même de deux semaines, on pourra récolter au niveau des ovaires des ovocytes encore immatures que l’on fera ensuite ‘mûrir’ en laboratoire dans un milieu de culture spécifique. Ce processus appelé maturation in vitro (MIV) permet d’obtenir la maturation d’un tiers à la moitié des cellules récoltées.  »

Des  » déchets  » récupérables

Si le cancer ne s’est pas propagé aux ovaires, il est également possible de prélever et de congeler un peu de tissu ovarien.  » Nous retirons alors un petit morceau, voire un ovaire entier, par laparoscopie abdominale, ce qui n’impose de reporter le traitement oncologique que d’un jour. Lorsque les fragments d’ovaires congelés sont ensuite réimplantés, la maturation des ovocytes et le cycle menstruel peuvent tout simplement reprendre… avec à la clé une possibilité bien réelle de grossesse naturelle ou, si nécessaire, par FIV. La greffe de tissu ovarien ne peut pas encore être considérée comme une opération de routine, mais elle a tout de même permis la naissance de 84 enfants de par le monde au cours des 12 dernières années, dont 29 dans des centres bruxellois.  »

Le  » découpage  » du tissu ovarien au laboratoire avant congélation livre toutefois aussi un certain nombre d’ovocytes immatures. Longtemps considérés comme de simples déchets, ceux-ci peuvent désormais bénéficier d’une maturation in vitro et être surgelés en sus des fragments d’ovaires. En 2015, ce  » petit supplément  » a d’ailleurs permis à une patiente rétablie de réaliser son désir de maternité pour la toute première fois en Europe, à l’UZ Brussel.

 » Aucune de ces procédures n’offre la garantie absolue d’une fertilité préservée, souligne une nouvelle fois le Pr Tournaye. La combinaison de plusieurs approches maximise toutefois les chances de concevoir un enfant biologique après chimio- ou radiothérapie, ce qui représente pour bien des patients une formidable source de réconfort.  »

Texte An Swerts

« Un traitement oncologique doit généralement être débuté très rapidement, mais les techniques de préservation de la fertilité ne demandent heureusement pas toujours un délai important. »

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