La droite n’est pas morte

Le libéralisme, « c’est la droite qui veut faire croire qu’elle n’est pas la droite, la droite honteuse qui n’ose pas dire son nom ». Cette petite phrase, lancée récemment par un Elio Di Rupo vipérin à la tribune du meeting de Lionel Jospin à Lille, a eu le don d’énerver Daniel Ducarme. « On a changé de siècle. La lutte des classes est éculée. Moi, je lance la troisème voie, celle du libéralisme public », a, en substance, protesté le président du PRL-FDF-MCC.

Alors, à gauche ou à droite, les libéraux francophones d’aujourd’hui? Sur certains points, le « mouvement », tout réformateur qu’il soit, reste bien ancré sur la droite de l’échiquier politique. La réforme fiscale et la baisse des impôts – même si elles profitent à tous les revenus et sont mâtinées de mesures sociales – sont bel et bien d’inspiration traditionnellement libérale. Bon à rappeler, également: lors de l’élaboration du budget des soins de santé pour l’année 2002, les chiffres proposés par le PRL étaient plus bas que ceux des autres partis, exception faite du VLD.

Cela dit, on peut difficilement nier certains accents nouveaux, notamment sur l’immigration. Dans le domaine de l’attribution de la nationalité ou du droit de vote, Louis Michel a clairement renoué avec le libéralisme humaniste. Lequel a, certes, des limites: la récente volte-face du vice-Premier ministre sur la délicate problématique de l’octroi du droit de vote aux étrangers non européens ne prouve pas seulement la capacité de Michel de rengainer ses idéaux lorsque l’exigent les intérêts de la coalition au pouvoir. Ce revirement témoigne aussi, au moins en partie, du fait que cet octroi du droit de vote ne constitue pas une priorité pour la majorité des troupes libérales.

La vision de l’Etat s’est, elle aussi, considérablement modifiée ces dernières années. On est loin, désormais, du « moins d’Etat » prôné par les libéraux tout au long des années 1980. Aujourd’hui, aux yeux des responsables du « Mouvement réformateur », la puissance publique constitue bel et bien une garantie pour la défense de l’intérêt général. Qu’on ne s’y trompe pas, cependant: les libéraux ne sont pas pour autant devenus les ardents défenseurs de la Fonction publique, encore largement considérée comme inefficace. Mais, sur ce terrain, le parti de Daniel Ducarme n’a guère besoin de monter au créneau: les socialistes flamands sont les premiers à vanter l’application, au secteur public, des règles de gestion du privé!

Sur le plan éthique, la position libérale est réellement pluraliste, prudemment progressiste et, au bout du compte, garante du maintien des valeurs morales traditionnelles. Ainsi, sur la dépénalisation de la consommation des drogues douces, la fédération PRL-FDF-MCC a montré beaucoup moins d' »empressement » que les socialistes et les écologistes. Dans le même ordre d’idées, elle s’est prononcée « pour » le mariage des homosexuels, mais « contre » la possibilité, pour ces mêmes homos, de recourir à l’adoption. Et, sur le délicat dossier de la dépénalisation de l’euthanasie, les responsables du PRL ont laissé s’exprimer des voix discordantes et pas toutes progressistes. Histoire de ne pas oublier la composante chrétienne du monde libéral. Et de montrer que la ligne politique du « Mouvement réformateur » est, d’abord, un difficile compromis entre différents courants…

I.Ph.

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