« La crise de la démocratie représentative risque de s’accroître. »

Si la mobilisation est moins intense que dans d’autres pays, les mouvements critiques des mesures sanitaires se multiplient en Belgique, met en garde Benjamin Biard, chercheur au Crisp.

La confiance envers les autorités publiques a-t-elle fortement diminué à l’occasion de la crise sanitaire?

Premier élément d’analyse: qu’entend-on par le terme de confiance? C’est la légitimité que les citoyens accordent d’une part aux décideurs publics au sens large, représentants, ministres, partis… et, d’autre part, aux décisions adoptées. Avec la particularité du rôle et de la légitimité des experts dans ce processus. Deuxième élément: la temporalité. La confiance des citoyens a évolué au cours de l’année 2020. Une étude comparée au niveau européen tout de suite après le premier confinement indiquait que la confiance dans les responsables politiques n’était pas tellement altérée. Certaines études, dont un sondage pour La Libre Belgique publié le 22 décembre 2020, signalent cependant qu’elle s’est étiolée au cours de l’année. C’est surtout la crise de la démocratie représentative observée avant l’épidémie qui risque de s’accroître en conséquence de la crise sanitaire, économique et sociale. Il y a donc un terreau qui contribue à accroître encore cet écart sans cesse croissant entre les représentants et les représentés.

Cette crise sanitaire peut aussi être une opportunité pour les autorités publiques de regagner la confiance des citoyens.

Les citoyens peuvent-ils continuer à nourrir une certaine confiance dans les décisions politiques tout en se montrant de plus en plus méfiants par rapport à ceux qui les prennent?

Peu d’études s’intéressent à la fois aux deux éléments. Mais il y a tout de même un élément intéressant à souligner: la confiance dans le processus décisionnel. Cette crise sanitaire peut aussi être une opportunité pour les autorités publiques de regagner la confiance des citoyens, par exemple via des innovations démocratiques. C’est d’ailleurs dans ce sens que la Région wallonne se dirige lorsqu’elle met en oeuvre son plan Get up Wallonia! afin d’associer davantage les citoyens pour préparer ce que l’on pourrait appeler « le monde d’après ».

Ce n’est pas vraiment le cas dans la gestion de la crise sanitaire. On reproche même au gouvernement de contourner le Parlement. Cela peut-il nuire à l’adhésion citoyenne?

Cet élément risque de renforcer encore la méfiance du citoyen à l’égard du fonctionnement démocratique au sens large. Certaines caractéristiques fondamentales de l’Etat de droit et de l’équilibre des pouvoirs ont connu des tensions au cours de cette année avec la délégation de pouvoirs spéciaux par les parlements aux exécutifs, au fédéral et dans certaines entités fédérées par exemple. Avec les garde-fous, tout de même, du vote pour déléguer ces pouvoirs spéciaux, de leur ratification par le Parlement… Mais effectivement, même si ce n’est pas un phénomène nouveau, on a vu un retour en force des exécutifs par rapport aux parlements. Par ailleurs, on voit tout de même un accroissement de mouvements (collectifs dans le secteur de la santé, de la culture, ou groupe « Pour la messe libre » en faveur du retour à des messes à l’assistance non limitée) et un succès grandissant des mobilisations qui soulignent cette mise sous tension face à ce que d’aucuns appellent « un confinement des libertés fondamentales ». Ces initiatives visent à défendre un secteur d’activités ou parfois à demander qu’un mouvement soit associé au processus décisionnel.

Il n’y a néanmoins pas d’opposition massive aux dispositions édictées. Est-ce à dire que la population belge se montre docile dans cette crise sanitaire?

On observe malgré tout que les réactions citoyennes se sont multipliées ces derniers mois. Mais il est vrai que, comparativement à d’autres pays européens, on n’a pas vu de manifestations d’ampleur pour s’opposer aux confinements comme cela a été le cas aux Pays-Bas, au Danemark, en Autriche… La mobilisation en Belgique se traduit par des actions dans la rue, sur les réseaux sociaux ou par la publication de cartes blanches dans les médias, mais de façon relativement moins intense.

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