La course d’obstacles

Jan Peeters, nouveau président de l’Union belge, plaide pour une scission entre des sections de football professionnel et amateur, ce dernier divisé en ailes linguistiques. Terrain miné

Successeur du Dr Michel D’Hooghe à la présidence de l’Union belge de football, Jan Peeters n’est pas médecin. Mais ce juriste manipule également les potions. Pour résoudre les problèmes qui préoccupent depuis plusieurs années la Fédération, Peeters a jeté les grandes lignes d’un plan de réforme. Ses suggestions seront ultérieurement discutées, en détail, par toutes les parties concernées. Une certitude, toutefois: on ne brusquera pas les choses et il ne faut pas déjà s’attendre à des transformations fondamentales du paysage footballistique dès la saison prochaine. Cela se concrétiserait, au plus tôt, en 2003. La majorité des propositions reste, en fait, sans mode d’application défini et, jusqu’en juin 2002, c’est la préparation à la phase finale de la Coupe du monde qui aura la priorité. Par ailleurs, le président n’en fait pas un défi qui engagerait son mandat. « Il s’agit d’une vision personnelle, dit-il, sans plus. »

L’essentiel des modifications imaginées par Peeters réside dans une séparation entre le football professionnel ou rémunéré et le football amateur, une nécessité qui apparaît évidente à tout le monde. Selon le projet, le premier concernerait les deux premières divisions actuelles, limitées chacune à 14 équipes. Cette purge – les deux divisions comptent actuellement ensemble 36 clubs – s’effectuerait à la fois sur la base de critères sportifs et économiques. Pour participer à cette compétition, les clubs devront, en effet, avoir obtenu la « licence professionnelle », récemment instaurée et accordée annuellement aux seuls clubs financièrement sains. Or plusieurs n’obtiendront pas leur sésame.

La séparation entre les deux sections ne serait toutefois ni totale ni définitive: le jeu de la montée et de la descente devra se poursuivre dans des compétitions animées de dynamiques nouvelles, pour faire face à la perte des spectateurs. Un club dit professionnel pourra être relégué en section amateur si ses résultats sportifs l’y condamnent. En revanche, les clubs lauréats en championnat amateur doivent pouvoir accéder à la compétition professionnelle, s’ils satisfont aux critères d’admission. Sans obligation, toutefois. C’est-à-dire seulement s’ils le souhaitent.

Idéalement, Peeters propose, dès lors, de constituer, sous la coupole fédérale de l’Union belge, trois ASBL. Le football rémunéré réunirait les clubs professionnels. La Ligue du Sud grouperait les clubs amateurs francophones ainsi que germanophones et la Ligue du Nord rassemblerait les clubs amateurs flamands. Ces ligues amateurs comporteraient également, chacune, deux divisions. Un étage encore plus bas, des championnats provinciaux seraient organisés sur le canevas actuel.

Au-dessus de tout cela, l’URBSFA (Union royale belge des sociétés de football association) restera évidemment l’organe unitaire coordinateur sur le plan national, gardien des règlements, des équipes nationales et de la Coupe de Belgique, où la parité linguistique serait respectée, et chargé des relations internationales avec la Fifa (la Fédération mondiale) et l’Uefa (la Fédération européenne). Atteindre ces objectifs au sein même de l’Union belge n’est pas gagné d’avance: toutes les modifications de statut proposées devront toujours recueillir les deux tiers des voix à l’assemblée générale. Or les intérêts entre les grands, les moyens et les petits clubs sont très divergents. Depuis des années, leur confrontation ne mène souvent à rien.

Autre pierre d’achoppement: Peeters ne voit s’opérer de scission linguistique que parallèlement à une distinction préalable entre le football professionnel et amateur. Il ne veut pas de séparation en ailes linguistiques au sein du football rémunéré, qui doit rester unitaire. « Il est impensable qu’un club comme Anderlecht doive choisir un jour entre une ligue francophone et néerlandophone. » A ses yeux, si elle se réalise, la scission en ailes linguistiques se fera donc uniquement au niveau du football amateur.

Ce n’est pas l’avis des ministres communautaires compétents, Rudy Demotte et Bert Anciaux, qui ont d’ores et déjà réagi à la « potion Peeters »: pour obtenir d’éventuels subsides, l’autonomie communautaire doit être totale. C’est l’ensemble de la discipline qui doit être communautarisée et non pas uniquement le football amateur. Ainsi, une partie du monde politique, surtout flamand, frustré de ne pouvoir influer sur la plus grande fédération sportive du pays, exerce depuis longtemps une pression soutenue pour provoquer sa scission, surtout en manipulant la carotte de l’aide financière. Mais sans réel pouvoir sur la puissante Union belge: il n’existe aucune obligation pour les groupements. La législation n’impose pas la séparation. Elle déclare seulement que des subsides seront accordés aux fédérations effectivement scindées.

Or, pour Peeters, comme pour son prédécesseur, ce n’est pas forcément une bonne chose, ni sur le plan sportif, ni sur le plan financier. Sans doute, la séparation, effectuée conformément aux décrets, apporterait de l’argent à un sport dépendant actuellement de ses ressources propres. Mais ni l’Adeps ni le Bloso ne donnent de l’argent directement aux clubs. Seules les Ligues bénéficient d’une aide financière et uniquement pour assurer leurs frais de fonctionnement. Dès lors, selon Peeters, la question était de savoir si le coût d’une scission totale de la fédération, y compris du football rémunéré, en ailes linguistiques n’est pas supérieur à ce que ces dernières recevraient. Or le calcul révèle une opération pratiquement nulle. En revanche, si des subsides sont, un jour, alloués au football amateur, tant mieux! Mais ce n’est pas l’objectif premier de la réforme, qui est de mieux structurer le football belge dans son ensemble.

Par ailleurs, sur le plan sportif, Peeters, dirigeant éminent du COIB (Comité olympique et interfédéral belge) durant douze ans, chef de la délégation belge aux Jeux de Barcelone et d’Atlanta, a pu mesurer les méfaits de la scission à ce niveau, surtout dans les sports d’équipe, comme le football. Suite à l’institution de la communautarisation du sport, la Belgique n’a plus été présente dans un sport d’équipe aux Jeux olympiques depuis…1976, à Montréal.

Autre constat: l’Union belge de football est malade des structures archaïques de son fonctionnement et de ses règlements. En aval, elles freinent considérablement le pouvoir de décision. « En cent ans, constate Peeters, on n’a fait qu’ajouter des articles aux règlements, rarement on en a supprimé ! » Limiter le volume des statuts et éliminer de la bible fédérale tout ce qui est technique et purement administratif sera, dès lors, l’une de ses priorités. Peeters, en bon juriste, veut ainsi attribuer au Comité exécutif, organe suprême de la fédération, un pouvoir de décision plus souple et plus rapide. Il verrait bien également ce dernier élargi à des représentants qui n’y figurent pas actuellement: joueurs, entraîneurs, arbitres et même supporters.

En amont, Jean-Paul Houben, le nouveau secrétaire général, travaillera également aux réformes administratives nécessaires pour faire passer plus vite les questions essentielles devant le Comité exécutif. Mais les objectifs des deux dirigeants ne s’arrêtent pas là. Parmi les multiples autres tâches, la principale consistera à rechercher des arbitres ( lire Le Vif/L’Express du 14 décembre 2001). En quelques années, leur nombre a diminué de manière très inquiétante: de 8 000 candidats à moins de 6 500, aujourd’hui. Or, sans arbitres, pas de football. Question: comment rendre la fonction attractive ?

Emile Carlier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire