La collection entre plaisir et stratégie

Guy Gilsoul Journaliste

La Galleria Sabauda réunit plus de cinq siècles de mécénat dirigé par la cour de Savoie, dont Turin fut la capitale. Cent vingt de ses plus belles pièces font escale à Bruxelles.

En 2011, l’Italie fêtera les 150 ans de son unification. Or le premier roi de la nation unifiée, Victor-Emmanuel II, n’est autre que le dernier maître de l’ancestrale et prestigieuse cour de Savoie, dont la capitale, Turin, se prépare à fêter l’événement. Le projet est double. Rappeler, d’une part, l’importance des créateurs contemporains sur la scène internationale. Valoriser, d’autre part, la richesse du patrimoine local. Or, dans ce chapitre, les £uvres de la collection Sabauda tiennent une place de choix. Comme leur nouveau lieu d’accueil, le palais royal, est en travaux, 120 parmi les plus belles d’entre elles font aujourd’hui escale à Bruxelles.

Si le parcours de l’exposition, divisé selon un ordre à la fois chronologique et thématique, permet de se faire une idée de l’évolution des arts entre le xvie et le xviiie siècle, il pose surtout la question : à quoi (à qui) sert une collection d’art ?

Le cas est exemplaire. A l’ombre des Alpes, Turin fut en effet pendant plus de cinq siècles la capitale de la Maison de Savoie, un vaste territoire reliant le Nord et le Sud avec le Rhin, le Rhône, la Meuse et l’Escaut, d’un côté, le Pô, Venise et la Méditerranée, de l’autre. L’art y décore les palais et les demeures princières, les lieux d’apparat et ces autres plus intimes. Mais le choix des £uvres, des artistes et des genres privilégiés (compositions érudites, portraits flatteurs, paysages et natures mortes) révèlent surtout la capacité de ses dirigeants à s’aligner sur les tendances émergentes issues des endroits les plus cotés (on songe à Rome et à Venise), mais aussi plus éloignés (la Flandre). L’option la plus valorisante consiste à privilégier l’accueil des stars. Parmi elles, les artistes à la mode (qui se démodent si vite) et, plus rares, ceux qui traverseront les siècles. Les premiers, les plus nombreux, ont l’art de combiner les influences non pour signer un chef-d’£uvre, mais une £uvre attendue. C’est-à-dire, un tableau dans lequel les commanditaires et leurs invités, leurs protégés et leurs obligés pourront exprimer toute leur connaissance du milieu des arts et de l’humanisme européen. La collection des princes participe toujours à l’image du projet politique. Depuis le xvie siècle jusqu’au xviiie siècle, les dirigeants de Turin côtoient donc les meilleurs esprits. Echanges, cadeaux, commandes, même les artistes jouent aux intermédiaires et achètent d’autres collections, parfois d’£uvres anciennes. Si le parcours de l’exposition aide à comprendre les changements de ton et de goût, il s’embourbe dans une présentation qui, trop souvent, valorise l’histoire plutôt que l’art lui-même. En lieu et place d’un déroulé de tapis rouge, nous avons choisi l’option coup de c£ur et privilégié parfois des £uvres dites  » mineures « . Au risque d’oublier l’une ou l’autre star.

Guy Gilsoul

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