La colère du Nyiragongo

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Dévastée par l’éruption du volcan Nyiragongo, Goma, la capitale du Nord-Kivu, attend toujours une distribution organisée de vivres. Louis Michel s’est rendu compte sur place de l’ampleur du désastre

Goma enseveli sous la lave. Goma champ de ruines. Goma qui manque de tout, et d’abord d’eau potable… Le 17 janvier au matin, le volcan Nyiragongo s’est brusquement réveillé. Trois coulées de lave ont commencé à glisser sur ses flancs. Le soir même, l’une d’elles, large de plusieurs centaines de mètres, a atteint la grande cité de l’est du Congo, détruisant sur son passage plusieurs quartiers et coupant le centre-ville en deux. Alertés par le bruit de l’éruption, la fumée ou le feu, les habitants ont pu prendre la fuite à temps. On a dénombré, provisoirement, environ 25 morts et 400 blessés.

Un bilan alourdi par l’explosion des dépôts pétroliers d’une station-service. Selon des témoins, des petits voleurs, pressés de rafler quelques litres d’essence dans ce garage, en ont renversé sur la lave incandescente, provoquant un gigantesque incendie, qui aurait fait entre 60 et 100 morts. Entre-temps, une nouvelle coulée a été signalée, mais, cette fois, la lave du cratère s’est dirigée vers le nord, où se trouve le parc naturel des Virungas. Au même moment, des secousses telluriques ont été ressenties à Goma et dans plusieurs villes rwandaises. Les tremblements de terre se sont poursuivis en milieu de semaine, mais tout risque de nouvelle éruption serait écarté dans l’immédiat, selon les vulcanologues envoyés par l’ONU à Goma.

La menace volcanique est permanente dans cette région située sur le rift est-africain, une ligne de fracture qui court de l’Ethiopie à la Tanzanie. Les drames et conflits du Rwanda et de l’ex-Zaïre ont toutefois empêché, depuis 1994, une surveillance régulière du Nyiragongo. « On ne peut, en fait, jamais prévoir quand ni d’où va sortir la lave, indique Alain Bernard, professeur de géochimie et de vulcanologie à l’ULB. Le Nyiragongo est l’un des rares volcans au monde dont le cratère contient un lac de lave permanent. Le niveau de ce lac monte au cours des années et, sous la pression de plus en plus forte du magma, des fissures apparaissent, par où s’échappent les coulées de lave. »

Cette caractéristique explique le grand intérêt qu’Haroun Tazieff portait à ce volcan. Dès 1958, le célèbre vulcanologue, alors attaché à l’Université libre de Bruxelles, a récolté les premiers échantillons de roches à l’intérieur du cratère. « Le magma du Nyiragongo est extrêmement fluide, poursuit Alain Bernard, car pauvre en silice, mais riche en sodium et en potassium. Il coule donc très rapidement. La lave aurait atteint, cette fois-ci, une vitesse de 25 kilomètres à l’heure. Lors de l’éruption de 1977, qui n’avait pas atteint Goma, elle a avancé trois ou quatre fois plus vite ! Un record. D’où le nombre élevé de victimes: de 500 à 2 000 morts. Le lac s’était alors vidé. »

Pris de panique après l’éruption de la semaine dernière, quelque 300 000 Congolais ont franchi la frontière rwandaise pour se réfugier à Gisenyi, la ville voisine. Mais presque tous sont aussitôt revenus. Une hâte qui s’explique en partie par le souci des habitants de protéger leurs maisons, lorsque celles-ci n’ont pas été détruites par la lave ou visitées par les pillards. Ce retour précipité illustre aussi la méfiance réciproque qui marque les relations entre Congolais et Rwandais depuis les événements de 1994. Pour les organisations humanitaires, le refus des sinistrés de rester dans les camps rwandais constitue un casse-tête logistique et sanitaire. L’aide doit atteindre une population dispersée, revenue vivre près des pentes du volcan meurtrier.

L’urgence, pour les secours qui arrivent au compte-gouttes, c’est l’eau potable, les abris, la nourriture et les médicaments. De nombreux habitants souffrent de blessures, de fractures, de brûlures ou de troubles respiratoires. « Les gaz chargés en soufre peuvent en être la cause, explique Jacqueline Vander Auwera, géologue à l’Université de Liège. En revanche, on s’interroge encore sur les risques réels d’émanations mortelles liées à l’écoulement de lave dans le lac Kivu, au fond duquel se trouvent d’importants gisements de gaz méthane. » Le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, venu sur place, a mesuré l’ampleur du désastre. La noria des vols humanitaires s’est enfin mise en marche sur l’aéroport de Kigali – celui de Goma, touché par la lave, est inutilisable -, d’où partent des camions vers les sites de distribution de vivres. Mais les organisations humanitaires craignent à présent une épidémie de choléra et de dysenterie, en raison du manque d’eau potable.

Numéros de comptes de l’aide humanitaire (avec mention « Goma »):

Croix-Rouge: 000-0000025-25

Unicef: 000-0000055-55

Caritas: 000-0000041-41

MSF: 000-0000060-60

Oxfam: 000-0000028-28

Olivier Rogeau

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