Un groupe pour une même envie. Gagner. Ici, les Diables avant le match contre la Tunisie. © Michael Regan/getty images

la belle histoire

Malgré sa défaite en demi-finale, ce 10 juillet, l’équipe nationale belge a réussi un parcours exceptionnel, au Mondial organisé en Russie. Faisant vibrer tout un pays. Au-delà des passionnés de foot.

Et à la fin, les sales gosses sont devenus héros. Ceux-là même qu’on avait considérés enfants gâtés, stars suffisantes, sans ambitions, nonchalants, sans amour-propre ni fierté nationale, égocentrés, surcotés, surpayés. Au bout du compte, ce mardi 10 juillet, en demi-finale de la Coupe du monde, contre la France, ils auront encore déçu, considèrent certains. Parce qu’ils ont été battus, et pas forcément par une équipe qui les a surclassés. Mais personne ne pourra le leur reprocher. La déception est plutôt née des illusions, folles mais légitimes, que leur parcours avait suscitées jusqu’au duel de Saint-Pétersbourg.

Tous ou presque anciens gamins de rue, les Diables Rouges ont donc fini par mettre le pays à leurs pieds. Leur pays. Cette petite et complexe Belgique, qui aime tant ne pas s’aimer et pour laquelle la campagne de Russie de l’été 2018 aura été une très très belle histoire. Où fiertés et fantasmes s’en sont donné à coeur joie.

Parce qu’aucune de ses équipes nationales n’avait été aussi séduisante et efficace, depuis trente-deux ans, dans la compétition suprême du sport roi. Parce que, il y a à peine vingt-quatre mois, l’Euro de foot, en France, s’était achevé sur une déroute, frisant la honte, face au pays de Galles. Et cela, deux ans après une autre défaite, en Coupe du monde, contre l’Argentine, en quarts de finale. Dans ces ceux cas, l’équipe avait déçu. Par son comportement. Comme si elle ne méritait pas la passion qu’elle avait allumée depuis des années. Comme si elle n’en était pas à la hauteur.

Désormais, et même avec un évident goût de trop peu en bouche vu l’insuccès face aux Français, cette équipe-là a fait honneur à la passion des foules, après l’avoir ranimée, en cinq matchs disputés en moins d’un mois sur le sol russe. Surtout en ayant démontré, d’abord contre le Japon puis contre le Brésil, qu’elle pouvait ambitionner de trôner au sommet du foot mondial. Qu’elle le voulait. Qu’elle y était préparée. Que tout avait été programmé, en fait. Que l’encadrement était irréprochable (à la polémique Damso près), ce qui n’avait jamais été le cas précédemment. Que le coach regorgeait de solutions, ce qui avait rarement été le fait de ses prédécesseurs. Que l’ensemble du noyau avait la même envie de triomphes. Que les joueurs se révélaient enfin appliqués, impliqués, sympas, confiants, sereins, exigeants, audacieux, efficaces, malins, solidaires, flamboyants.

Après la victoire de la France : Roberto Martinez, légitimement déçu.
Après la victoire de la France : Roberto Martinez, légitimement déçu.© BRUNO FAHY/belgaimage

Les images qui resteront de cette Coupe du monde – historique pour le sport belge dans tous les cas, avec la victoire magistrale face au Brésil, en huitième – sont des images de liesse.

Celle de Romelu Lukaku et Michy Batshuayi s’étreignant après le cinquième but planté à la Tunisie, des oeuvres du second nommé sur passe du premier, qui aurait pourtant pu l’inscrire lui-même.

Celle de toute l’équipe et de tous les supporters, après le goal de Nacer Chadli, éliminant le Japon à la dernière minute et ponctuant une action collective d’anthologie et un geste individuel (la feinte de Lukaku) tellement génial qu’il aura converti à l’amour fou pour le football beaucoup de ceux qui, jusque-là, éprouvaient un évident plaisir à le détester ou qui se méfiaient des stades, des tribunes, des drapeaux et des olas.

Celle de toute l’équipe et d’Adnan Januzaj, après le but décisif contre l’Angleterre, dans une rencontre que beaucoup pensaient qu’il était impératif de… perdre, pour ne pas avoir à rencontrer ensuite de gros bras, mais qui a prouvé que le calcul et le cynisme n’ont pas (encore) perverti tous les footballeurs professionnels.

Celle de toute l’équipe et de Kevin De Bruyne, après le goal qui coupait les jambes au Brésil.

Celle de tous ces gens, peinturlurés en noir-jaune-rouge, de 7 à 77 ans, tous genres confondus, s’amassant devant les écrans, partout dans le pays, à chaque match des Diables, puisque c’est devenu prétexte à rassemblement festif.

La belle histoire ne changera rien au quotidien de ces gens-là. Ni à celui de tous les autres (lire l’éditorial de Gérald Papy). Mais elle en aura rapproché, beaucoup. Et sur des cimes qui restent, objectivement, très haut situées. Leur donnant plus de ravissements que de vertiges. Et parvenant, dans les trois langues du pays, à ce que, enfin, quasiment tout le monde utilise le même mot pour évoquer cette Belgique-là :  » Nous. « 

La victoire du réalisme.
La victoire du réalisme.© Sergei Bobylev/belgaimage

Le Mondial des paradoxes

Le Mondial 2018 en Russie aura finalement été celui des paradoxes, à l’image de cette demi-finale entre la France et la Belgique.

Entre les Rouges et les Bleus, on s’attendait à un festival offensif à la mesure de la qualité des attaquants des deux camps. Ce sont les gardiens et les défenses qui ont brillé dans un match hyperfermé. Il y eut certes quelques fulgurances d’Eden Hazard et de Kylian Mbappé. Mais elles ont été globalement contenues. Et du prodige du Paris-Saint-Germain, certains garderont en définitive un souvenir plus vivace de ses mauvaises manières en fin de match.

La qualité de l’équipe du Brésil avant la compétition et à partir des matchs à élimination directe, promettait le triomphe du football champagne que certaines, trop rares, prestations du Mexique, du Pérou, de la Colombie ou du Sénégal semblaient accréditer. Au bout du compte, que la Croatie ou l’Angleterre y rejoigne la France, la finale opposera deux équipes qui auront surtout brillé par leur réalisme.

Le Mondial russe devait sonner l’heure de la consécration pour quelques grands talents. Hormis la confirmation de la qualité intrinsèque des Harry Kane, Luka Modric, Kylian Mbappé et Eden Hazard, ce sont plutôt des figures inattendues qui ont brillé après les retraites inopinées de Toni Kroos, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo : le Mexicain Hirving Lozano, le Russe Denis Cheryshev, le Français Lucas Hernandez ou encore le Croate Ante Rebic.

Enfin, la crainte était grande que la tenue de la première Coupe du monde de football en Russie s’accompagne de violences dans le chef des hooligans locaux et de récupération politique de la part du Kremlin. L’absence de débordements, le comportement honorable de la sélection russe et une parfaite organisation auront suffi pour que Vladimir Poutine, sans instrumentalisation notoire, réussisse son pari. La Russie a présenté un visage amène, inédit pour beaucoup, au reste du monde.

Réunis devant un écran  géant, à Bruxelles.
Réunis devant un écran géant, à Bruxelles.© THIERRY ROGE/belgaimage
Au milieu de la foule, à Braine-le-Comte,  le 10 juillet, même un Premier ministre.
Au milieu de la foule, à Braine-le-Comte, le 10 juillet, même un Premier ministre.© Christophe Licoppe/photo news
Belgique-Panama, 18 juin. Après une première mi-temps laborieuse, Dries Mertens débloque le compteur de buts des Diables face à un adversaire très défensif. Mertens, Carrasco et Boyata, moins ou plus alignés après la phase de groupe, auront joué leur rôle dans l'étonnant parcours des Belges.
Belgique-Panama, 18 juin. Après une première mi-temps laborieuse, Dries Mertens débloque le compteur de buts des Diables face à un adversaire très défensif. Mertens, Carrasco et Boyata, moins ou plus alignés après la phase de groupe, auront joué leur rôle dans l’étonnant parcours des Belges.© photos : Belgaimage-isopix
Belgique-Angleterre, 28 juin. L'entraîneur Martinez, assuré de la qualification, lance les jeunes dans le bain lors du troisième match de groupe. Ceux-ci s'imposent joliment face à une Angleterre qui, du coup, bénéficie d'une suite de tournoi plus favorable. Mais les Belges y ont gagné en solidarité et en unité.
Belgique-Angleterre, 28 juin. L’entraîneur Martinez, assuré de la qualification, lance les jeunes dans le bain lors du troisième match de groupe. Ceux-ci s’imposent joliment face à une Angleterre qui, du coup, bénéficie d’une suite de tournoi plus favorable. Mais les Belges y ont gagné en solidarité et en unité.© photos : Belgaimage-isopix
Belgique-Japon, 2 juillet. Menés 0-2 dix minutes après l'entame de la deuxième mi-temps, les Diables se réveillent sous l'impulsion des nouveaux venus Marouane Fellaini et Nacer Chadli. Leur victoire acquise à la dernière seconde insuffle un fighting spirit inédit à l'équipe.
Belgique-Japon, 2 juillet. Menés 0-2 dix minutes après l’entame de la deuxième mi-temps, les Diables se réveillent sous l’impulsion des nouveaux venus Marouane Fellaini et Nacer Chadli. Leur victoire acquise à la dernière seconde insuffle un fighting spirit inédit à l’équipe.© photos : Belgaimage-isopix
Brésil-Belgique, 6 juillet. Au terme d'une première mi-temps splendide de tonicité et d'une seconde vécue dans la souffrance d'une domination brésilienne pressante mais manquant d'efficacité, les Diables éliminent les favoris du tournoi  et entrent dans l'histoire.
Brésil-Belgique, 6 juillet. Au terme d’une première mi-temps splendide de tonicité et d’une seconde vécue dans la souffrance d’une domination brésilienne pressante mais manquant d’efficacité, les Diables éliminent les favoris du tournoi et entrent dans l’histoire.© photos : Belgaimage-isopix
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