La bagarre sur les rives de la Vesdre

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

A Verviers, les années passent, les problèmes demeurent. Tout le monde s’accorde sur les diagnostics, pas forcément sur les remèdes. Les deux partis principaux, PS et CDH, alliés du tournant du siècle, se sont déchirés, ce qui a permis au MR de remonter en piste.

Pour comprendre la situation politique actuelle, il faut remonter un peu dans le temps. Aux élections communales de 2000, le député européen Claude Desama conduit la liste socialiste dans la cité lainière, fief social-chrétien s’il en est. Les deux partis gouvernaient ensemble la cité lainière depuis 1994, avec une majorité de 23 sièges sur 37, soit 14 PSC et 9 PS.  » Je ne pensais pas gagner ces élections de 2000, avoue Claude Desama, mais j’espérais faire jeu égal avec le PSC. Nous avons remporté 14 sièges, le PSC reculait à 9. Di Rupo m’a dit qu’il fallait assumer cette victoire.  » Une victoire qui a complètement inversé les rapports de force dans la même majorité.

Electrochoc

Claude Desama devient donc bourgmestre de Verviers.  » J’étais député européen depuis treize ans, et professeur d’université, explique-t-il, et cela a sans doute rassuré. Cela a été un électrochoc pour Verviers, les jeunes en avaient marre de la décrépitude de la ville, ils ont vu que cela bougeait et, en 2006, nous avons même gagné un 15e siège, ce qui ne s’était jamais vu, même sous le PSC de Melchior Wathelet senior.  » En 2006, le CDH a lui aussi gagné les élections, récupérant trois des sièges perdus. La majorité des vainqueurs avait donc tous les atouts en main (27 sièges sur 37) et pouvait repartir pour un tour. Il n’en a rien été. En effet, le dossier Foruminvest s’était invité dans le débat et avait fait voler en éclats la majorité.  » Il y a eu une rupture de confiance avec le PS, explique Marc Elsen, député wallon, tête de file CDH, et à l’époque échevin de l’Environnement et de l’Urbanisme. Nous avions le sentiment d’être dupés par le PS, et particulièrement par Desama. Le projet Foruminvest a été initié dès 2002 grâce à des contacts informels entre le bourgmestre et les promoteurs, ce qui est pour nous inacceptable de la part d’un mandataire public. La base était dès lors mauvaise, puisqu’elle bafouait la collégialité. Ce n’est pas une critique de Foruminvest, mais de l’élu. Chacun son métier.  » On s’en doute, la version de Claude Desama est quelque peu différente.  » Il fallait signer la convention de partenariat entre Foruminvest et le collège, dit-il, mais le CDH a estimé qu’il y avait un risque d’être bloqué, et a souhaité que le dossier soit reporté après les élections. Notre partenaire s’est montré frileux et a fait machine arrière, alors que jusque-là il avait adhéré, y compris pour la couverture de la Vesdre. Il a tourné casaque, de crainte de se faire déborder par Ecolo. Il s’est dit que c’était l’occasion ou jamais de battre le bourgmestre. Toute la campagne s’est articulée là-dessus. Tout le monde s’est focalisé sur la Vesdre, alors qu’il s’agissait d’un projet important pour toute la ville, puisqu’il envisageait la revitalisation de tout le quartier. Ce qui n’est pas un sujet polémique. « 

Foruminvest, thème de la campagne

 » C’est vrai que Foruminvest a occupé tout l’espace de la campagne, dit Marc Elsen, mais toujours est-il que le projet de convention se trouvait sur la table et que, face au refus du CDH de le signer, le MR a été appelé en appoint par les socialistes.  »  » Le MR a fait offre de service lors du conseil communal, précise le bourgmestre. Dans l’opposition depuis douze ans, il savait bien ce qu’il faisait car, depuis le départ d’André Damseaux, il était en recul. Le soir des élections de 2006, les résultats du MR n’étaient pas terribles. Il perdait un siège. J’avais rendez-vous le lendemain avec le CDH, mais, en cours de soirée, nous avons appris que le PS gagnait un 15e siège, ce qui nous donnait une majorité de 21 sur 37 avec les libéraux. Avec 20 conseillers, je ne le faisais pas, c’était trop juste. Mais avec 21… Le rendez-vous avec le CDH a été annulé. « 

Pour les humanistes, la désillusion est totale.  » On se serait tu, en 2006, on serait tranquille, dans la majorité. Mais le CDH cherche le consensus, et il y avait trop d’opposition au projet. Il nous fallait prendre le risque de marquer le holà, explique Marc Elsen, ne pas transiger sur les principes de la gestion publique. Desama occupait toute la scène. C’est un homme qui a des capacités de vision, de perspective, mais il est autoritaire et incapable de travailler en équipe. On ne gère plus comme ça aujourd’hui. Plus que l’homme, c’est le mode de fonctionnement qui n’est pas bon pour Verviers.  »  » Je ne suis pas autoritaire, rétorque Claude Desama, je travaille avec mes équipes, j’écoute beaucoup, et je peux changer d’avis. Mais il arrive un moment où il faut bien décider. Lorsque cela a été le cas, je n’étais pas seul au sein du collège que je sache. Je n’ai pas posé de revolver sur la table, ni sur la tempe de personne. J’ai d’ailleurs retrouvé une délibération du collège communal de 2003, PS-CDH donc, par laquelle on disait à Foruminvest qu’il faudrait plus qu’une passerelle pour relier les deux rives de la Vesdre. Foruminvest a proposé de couvrir partiellement la rivière.  » Ce qui a provoqué le tollé que l’on sait.

MICHEL DELWICHE

le rôle du bourgmestre incriminé dans le dossier Foruminvest

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