L’odyssée du Nouveau Testament

Des Evangiles à l’Apocalypse, l’ordre actuel des textes ne rend pas compte de leur chronologie ni du message qui leur est propre. Suivons donc pas à pas leur histoire.

Le premier des écrivains chrétiens est Paul de Tarse. Pharisien converti à la doctrine de Jésus dans les années 33-36, il rejoint la communauté d’Antioche dans les années 40 et commence des tournées missionnaires avec Barnabé. A partir des années 50, il fonde ses propres missions, sans doute parce qu’il est en train de définir une nouvelle vision du Salut et des rapports qu’il convient d’entretenir avec la Loi juive. Pour lui, en effet, la mort et la résurrection de Jésus montrent que le temps messianique est arrivé.

Sans cesse par monts et par vaux, Paul maintient le contact avec ses communautés par des lettres, qui sont les premiers écrits du christianisme qui nous soient parvenus. Vers 51, il écrit les Epîtres aux Thessaloniciens pour répondre aux inquiétudes d’une communauté dont certains membres étaient morts et qui s’inquiétaient de leur sort lors du retour de Jésus. Vers 54, il commence une correspondance avec Corinthe, une communauté remuante, disparate, qui a tendance à privilégier les extases et les phénomènes spirituels. Vers la même époque, il écrit l’Epître aux Galates pour contrer des prédicateurs venus de Judée dans l’idée de faire respecter la Loi à ces peuplades d’origine celte. Il écrit également l’Epître aux Philippiens, vaste méditation sur son propre rôle d’apôtre, dont le modèle est l’abaissement inouï du Christ, fils de Dieu fait homme. Vers 58, désirant passer par Rome pour aller porter son message jusqu’aux frontières du monde connu, l’Espagne, il écrit une Epître aux Romains, qui constitue le résumé de toute sa théologie. Il n’aura pas l’occasion de connaître les rives du Tage : arrêté cette même année à Jérusalem, il est par la suite conduit vers Rome, où il meurt exécuté.

La rédaction du premier des Evangiles

C’est vers les années 64-70 qu’il convient de situer la rédaction du premier des Evangiles, celui de Marc. L’invention de ce genre littéraire particulier, propre au christianisme, s’explique par le contexte nouveau dans lequel se trouvent les communautés. Les apôtres sont en train de disparaître (Jacques vers 62, Paul vers 64, Pierre vers 68), le Christ n’est toujours pas revenu et la mémoire des actes et des paroles de Jésus menace de se perdre ou, pire, d’être déformée : les Evangiles sont les textes d’un christianisme qui s’installe dans la durée. Son message est clair : Jésus est bien le Fils de Dieu, et sa nature divine est expliquée lentement au lecteur. Il ne masque pas les ambiguïtés de la figure de Jésus, qui est à la fois un thaumaturge, un prophète et le Messie lui-même.

A partir du milieu des années 60, les forces en présence dans la population de Judée se radicalisent et entrent en conflit ouvert les unes contre les autres. C’est une guerre civile, qui force l’occupant romain à intervenir et se solde par la prise de Jérusalem en 70 et la ruine du Temple.

Les guerres civiles et leurs conséquences sur l’Eglise

Une communauté proche du judaïsme palestinien (peut-être en Syrie) écrivit l’Evangile de Matthieu pour souligner la continuité entre Jésus et l’histoire judéenne rapportée dans la Bible. Jésus est bien le Messie annoncé par les prophètes, qui accomplit le salut promis à Abraham, à Moïse, à David et à ses successeurs.

Une communauté de Diaspora fit paraître l' » oeuvre à Théophile « , composée de deux livres, l’Evangile de Luc et les Actes des Apôtres, tous les deux adressés à un certain Théophile. Le projet est ici tout autre. Tout en montrant que Jésus est bien le Messie qui accomplit l’espérance du peuple juif, les deux ouvrages montrent que le salut proposé par Dieu s’adresse également aux non-juifs. Dieu intervient sous la forme de son Esprit, qui est à la fois le moyen de communication entre Jésus et lui, mais aussi la puissance qui repose sur l’Eglise, et fait agir les apôtres.

Les chrétiens d’origine paulinienne, un temps silencieux, font paraître dans les années 80 sous le nom de Paul deux épîtres qui prolongent sa réflexion. Elles assignent au Christ une place éminente dans l’histoire du salut et confient à l’Eglise la fonction de le représenter dans le monde (l’Eglise devient le  » corps  » visible du Christ).

Le  » corpus johannique  »

Il faut faire une place à part à ce que l’on appelle le  » corpus johannique « , parce qu’il a été mis par la tradition sous l’autorité de l’apôtre Jean. Malgré de très importantes différences de style et de théologie, on reconnaît les productions d’une communauté qui s’éloigna petit à petit des questions de respect de la Loi en développant une théologie du contact  » direct  » avec Jésus. C’est lui, que l’on décrit sous les métaphores de la Lumière, du Berger, du Pain de Vie, du Chemin, qui donne sans intermédiaire le salut, par amour pour les hommes. La relation qu’entretient le croyant avec son Dieu s’exprime en termes de suite (il faut suivre Jésus), de demeure (il faut demeurer en lui) et s’épanouit dans la qualité des relations d’amour qu’il entretient avec ses frères.

L’Evangile de Jean traduit bien la particularité de la communauté. Jean réorganise les données traditionnelles, propose plus d’une fois des épisodes et des paroles qui lui sont propres, élabore les discours de Jésus sous la forme poétique qui le caractérise. L’Apocalypse entend rassurer les membres de la communauté qui ont souffert des persécutions. Dans une vision grandiose, il décrit la majestueuse liturgie qui se tient au ciel, la victoire souveraine de Dieu sur les persécuteurs et sur le Dragon de l’idolâtrie, qui précède la descente de la Jérusalem céleste inaugurant la création nouvelle.

Les derniers écrits du Nouveau Testament

Les derniers écrits du christianisme sont plus difficiles à dater et à inscrire dans une communauté particulière. L’Epître aux Hébreux doit être considérée comme une polémique interne au sein d’un judaïsme que les chrétiens n’ont pas encore quitté. A ceux qui se réclament de la révélation de Moïse (le judaïsme pharisien en train de devenir le judaïsme rabbinique ?), l’épître met en avant la supériorité de Jésus, à la fois le grand prêtre par excellence, la victime parfaite et le Temple voulu par Dieu. Elle prêche pour l’importance de la foi par opposition à ceux qui mettent leur confiance dans le respect de la Loi : selon elle, la foi est la seule réponse à l’excellence du sacrifice accompli par le Christ. La Première Epître de Pierre, quant à elle, entend définir la conduite des chrétiens par temps de persécution : pour son auteur (qui n’est pas Pierre), il convient de respecter les usages du monde, mais aussi de conserver ses distances avec une société pervertie et de se préparer à la souffrance. La Seconde Epître de Pierre, qui réécrit l’Epître de Jude, est le dernier des écrits du Nouveau Testament : considérant les textes précédents comme une Ecriture, c’est-à-dire un corpus possédant une autorité, elle exhorte à la foi.

Par Régis Burnet

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