© Alberto Novelli for Wildside

L’ivresse des sommets

Après Beautiful Boy, son aventure américaine, Felix van Groeningen adapte avec sa compagne, Charlotte Vandermeersch, le roman Les Huit Montagnes, de Paolo Cognetti. Le récit d’une amitié taillée dans la nature sauvage du Val d’Aoste, pour un tournage sortant de l’ordinaire.

Voilà une quarantaine de minutes que la jeep est ballottée sur une piste cahoteuse lorsqu’on découvre, au détour d’un virage, un petit attroupement animé. C’est ici, à quelque 2 600 mètres d’altitude, sur les hauteurs d’Estoul et au beau milieu de nulle part, qu’est installée pour l’heure l’équipe de Leotto montagne, le film que cosignent Felix van Groeningen et Charlotte Vandermeersch. Et la cantine d’être bercée du meuglement des vaches, assorti du caractéristique tintement de cloches montant des alpages voisins. Un peu en contrebas, on rejoint, accessible par un sentier escarpé, la barma drola, bâtisse rustique et décor du jour où les techniciens s’affairent à la mise en place pour la scène à suivre: l’arrivée de Pietro, le personnage central du film – interprété tout en intensité fiévreuse par Luca Marinelli -, venu montrer son refuge à une poignée d’amis.

La maison de production m’avait dit que je pouvais situer cette histoire aux Etats-Unis et réaliser un film international en anglais. J’ai tenu à le faire en italien, tant le livre est ancré dans cette terre. » Felix van Groeningen, réalisateur

« Je laisse toutes les portes ouvertes », assurait Felix van Groeningen au sortir de Beautiful Boy, son premier film américain. Trois ans plus tard, c’est donc sur une adaptation du roman Les Huit Montagnes, de l’écrivain italien Paolo Cognetti, que le cinéaste gantois a jeté son dévolu. « Tout a commencé par un appel de la maison de production transalpine ( NDLR: coproduction italo-franco-belge, le film associe notamment Wildside, Pyramide et Menuetto) pour me proposer un projet d’adaptation d’un livre italien, raconte-t-il. Quand ils ont évoqué le roman, j’ai réalisé que je l’avais à la maison, mais que je ne l’avais pas encore lu. Quelqu’un m’en avait déjà parlé, pensant que je pourrais peut-être tirer un film de cette histoire. Je l’avais acheté et avais lu quelques pages avant de le mettre de côté, parce que je trouvais bizarre de tourner un film en italien. Mais là, j’y ai vu comme un signe et j’ai donc commencé à relire le roman, auquel j’ai tout de suite accroché: cette histoire me parlait, avec des thèmes que j’avais déjà abordés d’une manière ou d’une autre. J’ai été tellement touché par la lecture de ce livre qu’il était clair que j’allais faire le film. Alors que la maison de production m’avait dit que je pouvais situer cette histoire aux Etats-Unis et réaliser un film international en anglais, j’ai tenu à le faire en italien, tant le livre est ancré dans cette terre. Et puis, j’avais déjà eu mon aventure américaine, une belle expérience mais dure également, et je n’avais pas envie de retourner vers ça. »

Du plat pays à la montagne

Si Wildside, une société de production romaine dont le nom est associé aux plus grands noms du cinéma italien, de Paolo Sorrentino ( The Young Pope et The New Pope) à Bernardo Bertolucci ( Io et Te) en passant par Marco Bellocchio ( Vincere), a fait appel à Felix van Groeningen, cela ne doit bien sûr rien au hasard. Ce dernier avait déjà deux longs métrages au compteur, Steve + Sky et Dagen zonder lief, lorsque la renommée l’a rattrapé à la faveur de De helaasheid der dingen ( La Merditude des choses), adaptation truculente et sensible du roman de Dimitri Verhulst. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2009, le film devait y faire sensation, sur les écrans et au-delà, l’équipe en reproduisant l’une des scènes les plus mémorables en débarquant sur la Croisette à vélo et à poil. Buzz garanti, comme on peut l’imaginer.

Dans le Val d'Aoste, le tournage des Huit Montagnes a dû composer avec les contraintes géographiques et météorologiques.
Dans le Val d’Aoste, le tournage des Huit Montagnes a dû composer avec les contraintes géographiques et météorologiques.© Alberto Novelli for Wildside

Au-delà du coup d’éclat, van Groeningen démontrait savoir jongler avec des émotions en apparence contradictoires. Il contribuait aussi, et ce n’était certes pas accessoire, à donner quelques couleurs au cinéma d’auteur du nord du pays, bientôt appelé à une large reconnaissance internationale. Depuis, la notoriété du réalisateur a, quant à elle, suivi une courbe exponentielle, The Broken Circle Breakdown ( Alabama Monroe), nominé aux Oscars et salué un peu partout dans le monde, constituant un nouveau coup d’accélérateur pour sa carrière, avant qu’il ne s’acquitte avec succès d’une toujours délicate première expérience américaine. Pour réussir à faire du mélodrame Beautiful Boy, avec Steve Carell et celui qui n’était alors encore qu’une star montante, Timothée Chalamet, une oeuvre toute personnelle.

Le paysage comme forme d’écriture

Le voilà donc, lui, réalisateur du Plat Pays, à s’atteler à un film de montagne, signe qu’il n’y a sans doute pas grand-chose à pouvoir l’effrayer. Une considération qu’il accueille avec un large sourire: « La montagne, j’y suis toujours allé en vacances. Mais parents y ont eu une maison, j’ai de la famille qui y vit, en Auvergne. Je n’ai jamais vécu la montagne comme dans cette histoire, mais en même temps, les liens sont tellement nombreux qu’elle ne pouvait que me parler. » Paru en Italie fin 2016, Le otto montagne est le roman qui a fait connaître l’écrivain milanais Paolo Cognetti, remportant le prix Strega avant d’être traduit dans une trentaine de pays. Disciple de Mario Rigoni Stern, ce dernier inscrit dans la nature sauvage du Val d’Aoste le récit de l’amitié unissant Pietro, un garçon de la ville, à Bruno, un enfant des montagnes. Une relation que le texte met à l’épreuve du temps, les réunissant vingt ans plus tard. Et de serpenter entre leur histoire familiale et une montagne s’imposant dans toute sa force pour les confronter, l’un et l’autre, aux abîmes de l’existence, dans ce qui se révèle un magnifique roman d’apprentissage et de filiation.

Il y a du Pietro chez Cognetti et vice versa, ce que ne dément d’ailleurs nullement l’écrivain, qui réside à la belle saison dans un hameau du Val. « Je n’avais pas imaginé que le roman puisse devenir un film, sourit-il, parce que j’ai commencé à l’écrire en ayant une idée de la langue, du paysage, mais pas d’une histoire ou de personnages, ces éléments qui font un film. Dans Les Huit Montagnes, je me suis inspiré de mes souvenirs d’enfance, auxquels est venue se greffer une part d’imagination. J’y ai raconté des souvenirs avec ma mère et mon père, mais je n’avais pas d’ami montagnard comme Bruno, c’est un fantasme que j’avais à l’époque, parce que j’étais très solitaire et que je rêvais de connaître un enfant du pays. Et puis, adulte, j’ai rencontré des gens qui habitent ici, des hommes un peu plus âgés que moi – j’aime avoir des amis plus vieux de dix ou quinze ans, parce que j’apprécie de les écouter, et d’apprendre. On a passé beaucoup de temps ensemble à parler, ils m’ont raconté la vie de la montagne, des alpages. Cela fait maintenant douze ans que je vis ici pendant quelques mois chaque été. J’ai cherché quelques fois à y passer l’hiver également, mais c’est trop isolé pour moi. »

J’ai vraiment l’impression qu’ils sont arrivés avec beaucoup de respect, en cherchant à comprendre l’esprit de ce lieu, mais aussi les gens de la montagne, qui ne sont pas trop faciles. » Paolo Cognetti, auteur

Pour autant, la montagne semble ne pas avoir de secret pour l’écrivain, elle dont son écriture restitue la puissance comme la rudesse. La richesse également, que traduit la précision d’une langue aux innombrables nuances. « Au début, quand tu arrives ici, tu vois un bois et un pré, relève-t-il, appréciant le paysage qui dévale passé le « jardin littéraire » qu’il a aménagé dans la pente de son refuge, avec même un petit étang faisant écho au Walden d’Henry David Thoreau. Et puis, avec le temps et en parlant avec les montagnards, tu comprends que ce n’est pas un pré mais un pâturage, quelque chose que l’homme a travaillé ; que les arbres sont différents, et que là, il y a des mélèzes et des sapins ; que tout ce paysage est comme une forme d’écriture que tu peux être capable de lire ou pas, comme une langue étrangère. Tu peux voir seulement un tableau, ou commencer à lire ce que tu vois, et une fois que tu commences à te passionner pour tout cela, tu peux voir des histoires. »

L'acteur Luca Marinelli a passé de longs mois à s'imprégner du livre de Paolo Cognetti et de ses paysages.
L’acteur Luca Marinelli a passé de longs mois à s’imprégner du livre de Paolo Cognetti et de ses paysages.© Alberto Novelli for Wildside

Cette passion, Paolo Cognetti l’a donc partagée avec l’équipe du film, peut-être parce que, comme il le dit dans un français chantant, « la chose la plus belle, c’est que j’ai vraiment l’impression qu’ils sont arrivés avec beaucoup de respect, en cherchant à comprendre l’esprit de ce lieu, mais aussi les gens de la montagne, qui ne sont pas trop faciles. Mais si tu trouves la façon de les comprendre et de travailler avec eux, rien ne peut t’arriver de meilleur. » A l’instar des nombreux habitants du village d’Estoul et de la vallée ayant été engagés sur le projet, il s’est donc investi aux côtés du duo de réalisateurs, collaborant au scénario. « On a travaillé ensemble sur les dialogues en italien, parce qu’ils avaient été traduits et on voulait les revoir avec lui, on avait l’impression qu’il apporterait un bon équilibre », raconte Felix van Groeningen. « C’était super, parce qu’il est fort généreux et ne cherche pas à contrôler, renchérit Charlotte Vandermeersch. Il nous a présenté tout le monde et nous a montré les lieux qui l’avaient inspiré. C’était incroyable. »

Le romancier a également travaillé avec les comédiens, Luca Marinelli en particulier, que l’on avait pu découvrir dans Martin Eden et qui campe donc son alter ego à l’écran, Pietro. C’est peu dire que l’acteur s’est investi dans le rôle – « quand Luca choisit un projet, il s’y consacre toute l’année et se prépare pendant des mois », relève la réalisatrice -, restant d’ailleurs hyperconcentré sur le plateau, toujours dans son personnage. Paolo Cognetti ne cache pas avoir été impressionné: « Luca est venu vivre ici à partir d’avril, il voulait passer beaucoup de temps avec moi, on a marché, parlé, je lui ai montré tous mes lieux. J’ai vraiment beaucoup aimé la façon dont il a approché ce travail: je pense que c’est assez rare qu’en 2021, un acteur reste trois ou quatre mois en montagne pour entrer dans son personnage. C’est quelque chose que l’on racontait du cinéma, mais qui est devenu rare. » Respect, en tout état de cause.

Composer avec les impondérables

Entre Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen, la complicité est manifeste. Couple à la ville depuis quatorze ans, ils ont eu l’occasion de travailler ensemble à diverses reprises: actrice, elle est apparue au générique de Dagen zonder lief, De helaasheid der dingen et Belgica, et elle a participé à l’écriture de The Broken Circle Breakdown. Leur collaboration prend toutefois une dimension nouvelle avec Le otto montagne puisque, non contents d’en signer le scénario à quatre mains, ils ont décidé de réaliser le film ensemble. Une première, dont l’évidence s’est imposée au cours du processus créatif. « L’idée d’écrire ensemble était présente dès le départ, l’expérience d’ Alabama Monroe s’étant avérée super, explique van Groeningen. Nous avons écrit pendant le lockdown, et Charlotte a apporté quelque chose de beau et d’essentiel au scénario, si bien que je lui ai proposé de réaliser ensemble, parce que j’avais le sentiment que ce serait bon pour le film et pour nous. » Histoire de retrouver cette émotion qui les avait tenaillés à la lecture du roman pour la retranscrire dans un autre médium.

Quand on débarque sur le plateau par une matinée d’août, la première chose à transparaître dans l’effervescence propre aux tournages, c’est la fluidité de leurs échanges, la répartition des rôles entre eux semblant s’opérer de manière organique: « Avant de commencer, on se posait la question, poursuit le réalisateur. Et puis, on s’est dit que comme pour l’écriture, on allait bien voir et qu’on serait complémentaires. Même si, bien sûr, j’apportais aussi mon expérience. » « J’ai toute confiance en son expertise, enchaîne sa partenaire. Et moi, je suis plus dans les langues, comme c’est un film en italien, et dans le texte. C’est un film très complexe, avec la météo, des enfants, des animaux, Felix a fait tout le planning avec Ruben ( NDLR:Impens, le chef opérateur avec qui il travaille depuis ses débuts) pour la lumière, mais cela change tous les jours, en fonction des possibilités. Ils ont su créer une atmosphère dans laquelle la production italienne est devenue très flexible. Je ne pense pas que c’était tellement évident au départ, mais c’est la façon de travailler de Felix et Ruben. Et moi, j’essaie de suivre et d’apprendre. Ce que j’apporte, c’est mon émotion et ma compréhension. Ce qu’on a mis ensemble dans l’écriture, on le met aussi en commun sur le plateau: cela raconte-t-il ce que nous avions imaginé? Ce qu’on avait ressenti? » Le tout, en composant avec les impondérables…

Sur le tournage, les réalisateurs Felix van Groeningen et Charlotte Vandermeersch montrent une belle complicité.
Sur le tournage, les réalisateurs Felix van Groeningen et Charlotte Vandermeersch montrent une belle complicité.

Et c’est peu dire que, tournage en altitude oblige, ils sont nombreux. Au premier rang desquels les conditions météorologiques, que l’on ne pourrait mieux qualifier que de changeantes. Quelque chose comme les quatre saisons ramassées en une poignée d’heures à peine. Si le paysage que l’on découvre en montant sur les crêtes en fin de matinée évoque une toile de Caspar David Friedrich, les montagnes se perdant par vagues au-delà du mont Rose en quelque infini nuageux, un brouillard aussi opaque que soudain viendra barrer la vue en fin d’après-midi. Et l’on ne mentionne que pour la forme la violente averse de grêle ayant chassé, dans l’intervalle, un soleil de fin d’été, complétant cet imbroglio climatique. La fraîcheur venue, on pense à ces lignes de Cognetti, forcément: « Les pluies de fin août arrivèrent. Ce sont les jours qui, en montagne, apportent l’automne, parce que après, quand il fait de nouveau beau, ce n’est plus le soleil chaud d’avant, et la lumière est devenue oblique, les ombres plus longues. Ces bancs de nuages lents, informes, qui engloutissent les sommets, me disaient autrefois qu’il était temps de partir, et j’en voulais au ciel que l’été ait duré si peu, ne venait-il pas tout juste de commencer. Ça n’était pas possible, il ne pouvait pas s’être envolé comme ça. »

Gravir une montagne peut paraître ridicule, mais en même temps, cela procure un plaisir accompagné d’une réflexion et d’une méditation qui me plaisent beaucoup. » Felix van Groeningen, réalisateur

À pied ou en hélicoptère

Voir van Groeningen et son équipe composer avec l’âpreté de la réalité de la montagne est un spectacle dont on ne se lasse pas. Si le plan de travail est respecté autant que possible, il convient encore de profiter au maximum de ce que Ruben Impens appelle des « heureux accidents », en quoi une préparation minutieuse combinée à un sens de l’anticipation affûté constituent des atouts indispensables. Ainsi donc quand un brouillard à couper au couteau vient saturer l’horizon – moment mis à profit pour mettre en boîte un plan de Pietro émergeant de la nuée pour regagner la barma. « La logistique est compliquée, avoue le chef opérateur. On le savait, et on a essayé d’anticiper, en prévoyant des cover sets notamment. On a un autre plateau qui est prêt pour pouvoir faire des intérieurs quand le temps n’est pas bon. Mais il faut aussi pouvoir s’adapter et être flexible. A un moment, on avait besoin de mauvais temps, et évidemment, pendant dix jours, on n’en a pas eu, c’était le plein été. On voulait tourner des scènes dans la pluie, et on a dû les faire avec une petite tempête de vent. Pour l’hiver, ce sera encore pire, parce qu’on a décidé de ne pas faire reconstruire l’intérieur de la barma en studio, mais de tourner sur place. Ce n’est que trois jours, mais en hiver, dès qu’il y a de la neige sur la route, c’est à pied ou en hélicoptère. Et s’il fait nuit ou qu’il y a trop de nuages, ils ne volent pas. Les journées seront donc très courtes, mais on s’adapte: c’est cela, la beauté, et tu reçois tout le temps des cadeaux. Le dernier plan qu’on a fait, dans les nuages, c’est magique. » La connivence l’unissant au réalisateur aide, de toute évidence. Ces deux-là, en effet, n’ont parfois pas même besoin d’échanger pour se comprendre: « On a un peu grandi ensemble, observe encore Ruben Impens, c’est grâce à Felix que j’ai eu des expériences et des possibilités. Que l’on travaille toujours ensemble après vingt-cinq ans a quelque chose de beau et de spécial. Cela fonctionne de manière beaucoup plus souple qu’avant, c’est cool. L’équipe italienne le dit d’ailleurs aussi: « Vous vous dites deux mots, et vous trouvez le truc, tout va tellement vite. » » Démonstration sur le plateau, où un simple geste induit la légère inflexion de caméra souhaitée.

Du reste, l’impression d’ensemble est à un processus organique: précis, bien entendu, mais ouvert aussi aux inspirations du moment. Ainsi, en particulier dans le travail avec les acteurs, comme il ressortira d’une scène d’échanges animés et arrosés devant la barma, à laquelle présidera un joyeux capharnaüm sous contrôle, histoire de laisser aux comédiens une certaine marge de manoeuvre. « On adore donner de l’espace aux acteurs, et l’énergie pour qu’ils puissent apporter quelque chose qu’on n’avait pas imaginé », détaille van Groeningen. « La base est claire, et la mélodie des émotions aussi, ajoute sa compagne. Après, si un acteur pose son verre ici ou là, cela n’a pas d’importance. Et si les dialogues se chevauchent, on ne va pas s’y opposer, parce que c’est vivant, et que c’est ce qu’on recherche. Les acteurs ne doivent pas trop réfléchir: ils peuvent suivre la mélodie de la scène et de leur personnage à l’intérieur. » Une question de vérité, et celle du plateau ne trompe pas, à laquelle préside l’espéranto du cinéma – italien, anglais et néerlandais pour le coup, sans compter l’appoint d’un coach de dialecte qui vient corriger Alessandro Borghi, l’interprète romain de Bruno, hilarité des locaux à l’appui.

Un récit qui suit ses personnages depuis leur rencontre quand ils étaient enfants.
Un récit qui suit ses personnages depuis leur rencontre quand ils étaient enfants.© Alberto Novelli for Wildside

Un « method » réalisateur

La vérité de la montagne, elle, n’a pas fini de dicter sa loi, aux dix semaines de tournage du Val d’Aoste s’en mêlant une dans l’Himalaya, conformément au roman. « L’idée initiale était d’aller en repérage, de revenir et de repartir tourner ensuite, raconte Ruben Impens. Avec la Covid, il y a une quarantaine de huit jours, donc on va y aller, rester et tourner pendant le voyage, en quelque sorte. On ne va pas tourner un documentaire, mais on filmera un peu comme ça, en petit groupe, en ayant tout le matériel avec nous. » Une perspective qui serait plutôt de nature à réjouir son comparse Felix van Groeningen: « Faire des films est tellement long que cela représente chaque fois deux ou trois ans de ma vie. Donc, je commence un peu plus à choisir mes projets en me disant: voilà un monde dans lequel j’ai envie de passer quelques années. Me retrouver ici, dans la montagne, me parlait, mais le voyage n’est pas encore fini. On doit encore aller plus haut, au Népal. Je ne sais pas quoi en dire, je ne suis ni un alpiniste ni un montagnard, mais j’ai des affinités et j’apprécie assez les deux pour avoir eu envie d’en faire un film. En même temps, m’être lancé dans ce projet m’a permis d’en apprendre encore beaucoup plus, et c’est cool. Le Népal, on va y partir dans un mois, et on a décidé, il n’y a pas si longtemps, qu’on allait vraiment faire le voyage de Pietro, à pied, avec des sherpas, des mules et le matériel, en petite équipe, en dix jours. Histoire de vraiment le vivre aussi. Comme ça, le film et nos vies se rencontreront. »

La montagne fait-elle l’homme? Voire: « Felix est un « method » réalisateur, rigole Charlotte Vandermeersch en descendant de l’hélico qui fait, la journée se finissant, des allers et retours entre le plateau et la vallée, pour ramener les acteurs et l’équipe au village. Ce matin, il est monté là-haut à pied. Nous, on est un peu fatigués, lui pas. » « C’est parfois bizarre comme la vie et les choix que tu fais peuvent se rencontrer, conclut ce dernier. Un mois avant de lire le roman, je suis parti quatre jours avec un ami dans les Alpes, à grimper et dormir dans des refuges. Je me suis longtemps demandé si je devais le faire ou pas, et puis je me suis dit que c’était important de consacrer du temps aux amis. Nous étions accompagnés par un guide et nous avons passé de très bons moments, c’était très spécial. Quelques semaines plus tard, nous avons appris que ce guide était parti en montagne trois jours après et qu’il était mort. Cela m’a beaucoup touché. La semaine suivante, je lisais ce roman: il était sur mon chemin, je devais le prendre et faire ce film, pour aller encore plus haut. » L’ivresse des sommets, en quelque sorte, mais aussi quelque chose de plus profond: « Gravir une montagne peut paraître ridicule, mais en même temps, cela procure un plaisir accompagné d’une réflexion et d’une méditation qui me plaisent beaucoup. » L’atterrissage sur les écrans, lui, est prévu courant 2022…

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