L’îlot désacralisé

A deux pas de la Grand-Place, le quartier de l’Ilot sacré dépérit. Immeubles privés et espaces publics se détériorent. Pour inverser la tendance, la balle est dans le camp des autorités.

S’il est un lieu dont Bruxelles est fière, c’est sa Grand-Place. Pourtant, derrière le faste du site historique, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, se cache une réalité plus terne : le quartier qui borde la place, l’Ilot sacré, tombe petit à petit en décrépitude.

A la fin du mois d’août, l’Arau (Atelier de recherche et d’action urbaines) s’en alarmait, étude à l’appui. Son verdict :  » L’état de bon nombre d’immeubles à de quoi étonner. Maisons en ruine, logements vides au-dessus des commerces, terrains vagues… Un état d’abandon consternant !  » Au palmarès des rues sinistrées figure celle du Marché-aux-Herbes, l’artère commerçante principale qui longe la  » plus belle place du monde « . Sur 67 immeubles, l’Arau a repéré 45 étages supérieurs vides et 23 façades qui nécessitaient une restauration urgente. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

En réalité, le problème est loin d’être neuf.  » Ce quartier souffre actuellement des mêmes maux urbanistiques que tout le Pentagone : quarante années d’exode urbain, l’inertie de l’administration de l’urbanisme de la Ville jusqu’en 1995, la spéculation immobilière et l’inculture généralisée face au patrimoine « , énumèrent les responsables de l’Arau. Pour y faire face, la Ville dispose de divers règlements, comme un droit de préemption prioritaire des immeubles mis en vente dans le quartier. Une possibilité d’action de cessation des atteintes à l’environnement permet également de sanctionner les contrevenants. Mais, selon l’Arau, cet arsenal réglementaire ne suffit pas. Il faudrait y ajouter du courage politique pour le mettre en £uvre de toute urgence dans l’Ilot sacré.  » La Ville n’affiche pas une politique claire pour son centre, affirme Marc Frère, président de l’Arau. Il faut dire que la plupart des élus habitent plutôt dans d’autres quartiers. « 

Sans oublier les rues et les trottoirs

Le bulletin de cancre ne s’arrête pas à ce premier constat. L’Arau pointe également du doigt l’état actuel de l’espace public, avec ses pavés descellés, son mobilier urbain endommagé, ses immondices qui traînent, son incohérence des revêtements de sol offrant un véritable patchwork de matériaux…  » Au détour de certaines rues, il est nécessaire de se convaincre qu’on se trouve toujours à Bruxelles « , remarque-t-on au sein de l’Arau qui reproche leurs lenteurs aux autorités concernées. Pourtant, ces dernières travaillent.

Ainsi, depuis 2007, un plan éclairage est à l’étude. Il permettra de définir le type d’éclairage fonctionnel à mettre en place dans le quartier. Un appel d’offres a également été lancé, en 2008, pour désigner un bureau d’études chargé de rédiger un guide du mobilier urbain. Sur le modèle d’Anvers, il dressera une liste exhaustive de ce qui pourra être utilisé afin d’éviter le patchwork. Enfin, on planche aussi sur un règlement qui servira à homogénéiser les revêtements de sol.  » Nous testons par exemple des pavés sciés. Ils pourraient être placés dans l’Ilot sacré, entraînant un meilleur confort de route pour les cyclistes « , détaille-t-on à la Ville. L’ensemble est réalisé de commun accord avec la Région, afin de travailler en concertation pour les voiries communales et régionales. Néanmoins, les retombées concrètes ne sont pas prévues de sitôt !

Le sévère constat de l’Arau aura eu un mérite, celui de faire réagir les autorités. En effet, un Contrat de quartier devrait bientôt être mis sur pied dans cette zone. Ce programme de revitalisation, soutenu financièrement par la Région, permettra d’accélérer la rénovation urbaine et de redonner à l’Ilot sacré le lustre qu’il mérite. L’idée a déjà été approuvée par le collège échevinal de Bruxelles-Ville. Il sera prochainement examiné à la Région. Un bon début, assurent certains.  » Une mesure prise en catastrophe « , répond l’Arau.

F. By

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