L’homme Celluloïd

Le diable en personne. Pour les tout nouveaux promus champions de la bonne gouvernance, il fait même figure d’épouvantail, traînant derrière lui un sillage empreint de soufre, de mystère et de points d’interrogation. De fait, l’homme est complexe, à éclats et éclipses, mélange hybride de sensibilité et de cynisme, opaque et transparent, secret et exhibitionniste, roué et pragmatique, faux tendre au sourire bon enfant, mais aux colères redoutables. L’affaire semblait pliée pour lui. Après les Van Cau, Lizin, Happart, Michel Daerden, l’un des derniers dinosaures du PS , allait devoir s’éclipser, laisser la place à une nouvelle génération pétrie de beaux principes et à la moralité irréprochable. Par les temps qui courent, il faisait tache. Oui, mais… C’était sans compter avec le score exceptionnel qu’il allait réaliser le 7 juin dernier, un triomphe, 63 580 voix, du jamais-vu. Une fois de plus, il les prenait tous de court, ses ennemis, ses adversaires, ses détracteurs, tous ceux qui, depuis des mois, le pointaient du doigt.

Circulez, il y a beaucoup à voir ! Le voilà promu désormais à la tête du plus gros budget de l’Etat fédéral, celui des pensions, 30 milliards d’euros pour un département particulièrement sensible, on le sait bien. Le fédéral, une punition ? Il s’en défend. Un retour à ses premières amours, prétend-il, et de nouveaux défis.

Certes, les voies de la séduction sont multiples et celles de Michel Daerden, particulièrement méandreuses. Socialiste et liégeois, tel est son credo. Quel socialisme ?  » Solidarité, fraternité, égalité « , explique-t-il. Un slogan en guise de programme, raillent ses adversaires. De fait, Daerden n’est pas un idéologue. Mais c’est bien au sein du PS liégeois qu’il a tissé sa toile, se faufilant dans tous les interstices, traversant toutes les époques, frôlant parfois même l’abîme sans jamais tomber. Tout en créant, grâce à son talent brillant de réviseur d’entreprises, un entrelacs financier redoutable. C’est un surdoué. Dans l’interview qu’il nous a accordée, il affirme ne pas aimer l’argent. Mais c’est pourtant bien la maîtrise du maillage économique régional qui lui donne un vrai pouvoir politique. Le  » socialo-capitaliste « , comme le surnomment certains de ses  » amis  » au PS, a su se rendre indispensable : il sait se faire discret et garder pour lui les grands et petits secrets les plus explosifs. Une qualité inestimable quand on est dans la finance. Et puis, ce n’est pas lui qui mettra en péril la paix des braves à géométrie variable mise en place par les socialistes liégeois après la mort d’André Cools. Il est bien trop malin pour se perdre dans un combat stérile. Et ce n’est pas bon pour le business.

Véritable potentat, il vit en chef de clan, pratique le népotisme et exige de ses proches un soutien sans faille.  » Papa  » à l’africaine, on le dit généreux et fraternel mais madré, minutieux, machiavélique, prudent comme un Sioux. Les péripéties des régionales à peine effacées, son regard porte déjà sur l’échéance de 2011, où il compte bien à nouveau s’imposer. Sur le déclin Daerden ? Rien n’est moins sûr. Car déjà sa stratégie est en place : ne pas sortir du bois trop tôt, man£uvrer en coulisses, cultiver l’ambiguïté, pratiquer inlassablement l’esquive, faire le gros dos, se glisser dans le flux, avancer ses pions. D’idéologie, toujours point. Mais c’est ainsi que de has been l’on devient people. En dehors des règles imposées par un parti largué depuis belle lurette. Des tours de passe-passe qui pourraient se révéler une nouvelle fois gagnants. L’homme Celluloïd. Le diable en personne… www.leVIF.BE

 » Papa  » à l’africaine, on le dit généreux mais madré

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