L’exemple andalou

Le chanteur Mousta Largo veut se battre pour la paix et la tolérance, sans parti pris. Et il le fait savoir

Lorsqu’il a appris que des inconnus avaient jeté des cocktails Molotov contre la synagogue d’Anderlecht, le dimanche de Pâques, son sang n’a fait qu’un tour. Trop, c’est trop ! Le chanteur Mousta Largo a décidé de réagir. Armé de son carnet d’adresses, il a rameuté les troupes pour lancer un appel à la tolérance. L’initiative a fait mouche. Le téléphone arabe a fonctionné. Les amis ont recruté d’autres amis. Et, le 4 avril, sous le mot d’ordre « ensemble contre la haine », une plate-forme « citoyenne » voyait le jour, réunissant une bonne centaine de personnes venues de tous les horizons: juifs, musulmans, chrétiens, laïques, intellectuels, artistes, acteurs du monde associatif, enseignants, commerçants, pères et mères de famille… Tous désireux de dépasser les amalgames et ce que l’écrivain Amin Maalouf appelle les « identités meurtrières ».

« L’idée était de réunir rapidement quelques personnes pour réfléchir aux retombées violentes du conflit du Proche-Orient en Belgique, pour voir comment réagir vite et de manière efficace », explique Mousta qui, depuis toujours, se réfère à l’exemple andalou: durant cinq siècles, juifs, chrétiens et musulmans ont vécu harmonieusement dans cette Andalousie qui fut un lieu de rencontre unique entre les trois grandes civilisations monothéistes. Parmi les actions concrètes de la plate-forme, Mousta Largo a proposé au rabbin de la synagogue d’Anderlecht de donner un coup de fraîcheur au bâtiment avec des jeunes du quartier, y compris des Maghrébins, bien sûr. L’objectif de cette action symbolique est de montrer que les habitants de cette partie de la commune, quelles que soient leur origine ou leur confession, ne permettent pas qu’on touche à un édifice religieux de leur quartier.

Autre projet immédiat du chanteur arabo-andalou (tel qu’il se définit lui-même, alors qu’il est originaire du village de Goulimine, dans le sud-ouest du Maroc): monter un récital, sur la base d’un échange culturel, avec une violoniste yiddish, un guitariste flamenco et un percussionniste latino-américain, qui serait présenté à proximité ou à l’intérieur de lieux de culte. « Tout le monde ne s’informe pas en lisant le journal. Or, pour comprendre le langage musical, il ne faut pas être un intellectuel, ni même savoir lire ou écrire », sourit Mousta qui, lors de la manifestation propalestinienne du dimanche 7 avril, a également utilisé la musique pour faire taire l’intolérance: chaque fois que des manifestants hurlaient des slogans haineux, lui et ses compagnons frappaient plus fort sur leurs djembés pour les couvrir.

D’autres initiatives sont évoquées: organisation de spectacles de théâtre entre juifs et Maghrébins, de visites de mosquées et de synagogues… Mousta Largo espère que son appel sera une étincelle qui donne l’envie d’agir à d’autres. « On ne doit pas attendre que le voisin bouge, pour s’impliquer, dit-il. Et il faut le faire sans étiquette, même religieuse, et sans militance désuète. Juste en tant que citoyen. Face à ce genre de conflit, c’est la seule manière de manifester son respect vis-à-vis de l’autre. » Mousta craint la récupération. Et la star sait de quoi elle parle, elle qui, par le passé, a déjà reçu des propositions concrètes de plusieurs partis politiques. Par ailleurs, coïncidence ou non, on a vu avec quelle célérité Laurette Onkelinx, la ministre en charge de la politique de l’Egalité des chances, lui a emboîté le pas, en réunissant des représentants des communautés juive et musulmane, ainsi que les organisations patronales et syndicales, autour d’une déclaration commune appelant au dialogue.

Pour Mousta, l’enjeu de la plate-forme andalouse est celui de la prise de conscience. « Il ne faut pas se leurrer: si les événements dans les territoires palestiniens s’exportent de manière aussi exacerbée jusque chez nous, cela révèle aussi le malaise social, identitaire et culturel qui règne dans certains quartiers, explique le chanteur, qui a grandi à Cureghem, en plein coeur d’Anderlecht. Certains jeunes, entre autres maghrébins, n’ont plus que la violence comme moyen d’expression. Je suis persuadé qu’ils ne sont pas antisémites. Mais ils font des amalgames. Ils n’ont pas conscience de leurs actes. Certains sont, en outre, manipulés. » Pour Mousta, il s’agit également d’un problème d’éducation. Lui-même a donné à son dernier fils le nom d’un prophète juif, Ilias.

Thierry Denoël

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