L’échec du verre wallon était-il évitable ?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les fermetures annoncées de Saint-Gobain Auvelais et d’AGC Roux précipitent le sauvetage de 513 emplois. Dans les coulisses du pouvoir, des experts déplorent le manque d’anticipation du gouvernement wallon :  » Le secteur est déjà mort. « 

« C’est fini.  » Ces mots furtifs émanent de la Société de gestion et de participations (Sogepa), le bras financier de la Région wallonne. Avec les annonces successives de fermeture d’AGC Roux, à Charleroi, et de Saint-Gobain Auvelais, à Sambreville, le marasme du secteur du verre plat affecte 513 travailleurs. Grignoté par la concurrence de la Chine, les ambitions des acteurs implantés en Europe s’effritent.

Le 28 février, la Sogepa a réuni des représentants du monde syndical et patronal pour dégager des pistes futures. Le cabinet français Syndex devrait prochainement réaliser une étude pour analyser le potentiel des entreprises en vue d’éventuels repreneurs, tout en évaluant les chances de réussite d’une reconversion de la filière. Les syndicats entretiennent toujours l’espoir, ténu, de maintenir des emplois sur les deux sites. Le discours officiel de la Sogepa, en concertation avec le cabinet du ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS), abonde en ce sens.  » La priorité est d’assurer un avenir industriel verrier, même si cela doit se faire dans le cadre d’une activité partielle ou diversifiée.  » Mais c’est un tout autre point de vue qui émane des canaux officieux.  » En termes de rationalité économique, il n’y a plus rien à attendre. Le secteur du verre plat tel qu’on le connaît aujourd’hui est mort.  »

 » Une reconversion ? La Wallonie est nulle part  »

Pourquoi un tel fatalisme ? En mai 2013, la Sogepa a remis une étude réalisée par le cabinet d’audit Deloitte pour dresser l’état des lieux de la filière.  » Cette étude était nulle, elle nous a surtout fait perdre du temps « , regrette Manuel Fernandez, secrétaire régional à la CSC-BIE (Bâtiment, industrie et énergie). Les trois premiers piliers évoqués pour redresser la barre – innovation, déploiement d’une nouvelle stratégie wallonne et refonte du pacte social – n’ont visiblement pas porté leurs fruits dans les temps impartis. Quant au quatrième pilier, axé sur l’organisation d’une filière de recyclage du verre plat, il ne s’agit que d’une ébauche à l’heure actuelle.  » La reconversion du secteur sera probablement la seule solution pour maintenir les emplois, juge-t-on à la Sogepa, toujours officieusement. Mais la Wallonie n’est encore nulle part dans la réflexion. Cette situation reflète typiquement le manque d’anticipation du gouvernement régional.  »

D’après Jean-Claude Marcourt, la seule perspective d’une reconversion ne résoudrait pas l’équation.  » La création d’une filière de recyclage ne constitue pas la panacée pour soutenir ce secteur.  » C’est également le constat d’Alain Lesage, directeur du pôle de compétitivité GreenWin :  » Le recyclage du verre plat ne pourra pas se développer sans producteurs.  » Une telle reconversion serait par ailleurs complexe à en croire Manuel Fernandez, puisqu’il faudrait compter au minimum six ans avant d’en ressentir les premiers effets.

Aujourd’hui, des observateurs avisés estiment que le gouvernement aurait dû entamer cette réflexion dès l’entame de la crise du verre, pour anticiper l’échec.  » La Wallonie a lourdement participé au financement de la diversification du secteur « , conteste le ministre Marcourt. Reste un constat commun, mais alarmant : à défaut d’une révolution rapide sur la scène belge et européenne, le spectre d’une traversée du désert se profile durablement, sans garantie quant à l’issue finale.

Christophe Leroy

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