L’avenir incertain du CDH wallon

Si le CDH a réussi à créer une nouvelle dynamique à Bruxelles, son image reste celle de l’ancien PSC en Wallonie. Du pain sur la planche pour Benoît Lutgen, probable futur président du parti.

Demi-victoire ou demi-défaite ? Le Centre démocrate humaniste (CDH) a accueilli le résultat des élections régionales et européennes avec des sentiments mitigés. Ce qui n’a pas empêché Joëlle Milquet de prononcer un discours aux accents triomphaux, le soir du 7 juin. La vice-Première ministre fédérale a, de fait, accompli une prouesse : empêcher que son parti, perçu comme  » scotché  » au PS, ne soit balayé par les affaires qui ont éclaboussé les socialistes. Soulagement, donc : le CDH n’est pas mis hors jeu. Il devrait se maintenir au gouvernement, tant en Wallonie qu’à Bruxelles.

Cette victoire politique ne peut éclipser la cruelle vérité sortie des urnes. Avec 16,1 % des voix en Wallonie, le CDH est en recul par rapport à 2004, mais aussi par rapport au résultat (peu glorieux) du PSC en 1999. A Bruxelles, le CDH n’est plus que le 4e parti, même s’il se redresse timidement : il recueille 14,8 % des voix, contre 14 % en 2004 et 9 % en 1999. Le résultat obtenu à l’ Europe, enfin, est dramatiquement bas : 13,3 %. Avec 128 000 voix de préférence, Anne Delvaux gagne son test de popularité. Mais son profil a peut-être contribué, par ailleurs, à éloigner certains électeurs, qui la jugent peu crédible sur l’enjeu européen. Surtout face à des concurrents aussi coriaces que Louis Michel, Jean-Claude Marcourt et Isabelle Durant.

 » Il y a deux façons d’analyser la situation du CDH, observe Jean-Benoît Pilet, politologue à l’ULB. Soit on considère que le déclin du parti va se poursuivre, et que Joëlle Milquet parvient juste à ralentir cette érosion inexorable. Soit on estime que le CDH a réussi à créer une nouvelle dynamique, et qu’il s’est durablement stabilisé autour de 15 %. « 

Lequel de ces deux scénarios correspond-il à la réalité ? Mystère et boule de gomme. Mais les humanistes peuvent sans doute envisager leur avenir avec plus d’optimisme à Bruxelles qu’en Wallonie. Dans la capitale, le CDH a trouvé un nouveau souffle en s’appuyant sur un électorat musulman ou d’origine africaine. La stratégie de Joëlle Milquet y repose sur trois axes. 1. Positions socio-économiques de centre-gauche. 2. Bienveillance vis-à-vis des religions et conservatisme sur les questions éthiques. 3. Liens forts avec le secteur associatif.  » Le PSC, c’était déjà le parti de l’associatif par excellence, note Jean-Benoît Pilet. Le CDH n’a eu aucun mal à s’adapter au tissu associatif bruxellois d’origine étrangère. Le PS, qui privilégie l’Etat, ou le MR, qui prône l’initiative individuelle, éprouvent plus de difficultés à être en phase avec la myriade d’associations existant à Bruxelles.  »

Seulement voilà : le formule bruxelloise ne fonctionne pas en Wallonie, où le CDH peine à recruter des candidats issus de l’immigration.  » Je ne suis pas enthousiaste, souffle un mandataire liégeois. En réalité, on n’a pas réussi la mutation du PSC vers le CDH. En de nombreux endroits, le parti repose encore sur les anciennes figures, du moins celles qui restent.  » Le parti n’est-il pas en train de mourir à petit feu ?  » Au niveau où l’on se trouve, perdre 2 ou 3 % la prochaine fois, ce serait dramatique « , s’inquiète un cabinettard.

La nouvelle génération CDH que Joëlle Milquet tente de propulser a connu des fortunes diverses le 7 juin. Emblématiques : le bide de Melchior Wathelet à Verviers, ou le flop, tout aussi cinglant, d’André Antoine dans le Brabant wallon. Le CDH recule également à Liège, à Namur et à Mons-Borinage, malgré les bons scores personnels de Marie-Dominique Simonet, Maxime Prévot et Catherine Fonck.

Seuls endroits où le CDH progresse : Charleroi, Mouscron et, surtout, le Luxembourg. Grâce à son score canon (19 600 voix), Benoît Lutgen se trouve en pole position pour succéder à Joëlle Milquet, annoncée sur le départ.  » Qui que ce soit, le prochain président aura intérêt à être charismatique « , prévient déjà un élu. Il y va de la survie même du CDH.

FRANÇOIS BRABANT

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