L’art à la découverte de Gand

Guy Gilsoul Journaliste

Et si l’art servait à révéler la réalité mouvante d’une ville, de son passé proche ou lointain, de son présent et de ses rêves ? Suivez le guide. Suivez Track.

Une chambre d’hôtel avec vue panoramique sur la ville, c’est bien. De là à la construire quasi en apesanteur autour de la grande horloge qui chapeaute la tour de la gare Saint-Pierre à Gand, il y a de quoi surprendre. L’£uvre du Japonais Tazu Rous n’est pas la seule à étonner le visiteur de la nouvelle exposition, Track, dispersée aux quatre coins d’une cité qui, assurément n’est pas que  » vénérable « .

Aux abords de l’autre gare (Damspoort) où on parle moins de tourisme que d’immigration clandestine, Tadashi Kawamata propose, en bordure des quais d’un bassin, une suite de baraquements en planches de bois évocatrice de l’univers des favelas. Dans le quartier universitaire (Blandijn), le Turc Ahmet Ogüt élève dans le ciel un immense rocher dont l’aspect évoque Le Château des Pyrénées, un des tableaux les plus célèbres de René Magritte. Sauf qu’au sommet, en lieu et place d’une architecture de conte de fées, l’artiste contemporain pose une construction hautement symbolique pour l’Histoire de Gand : les bâtiments du journal Vooruit, porte-drapeau historique du socialisme combatif. Dans la même zone dévolue aux savoirs, et toujours en rapport avec l’Histoire et la réalité des lieux, Massimo Bartolini aligne une série de rayonnages lourds de livres (à échanger, à emporter) dans le prolongement des vignes de l’abbaye Saint-Pierre alors que John Back installe un environnement très pataphysicien dans un bâtiment désaffecté de la faculté d’architecture. On peut aussi citer la monumentale et inquiétante sculpture organique de Peter Buggenhout construite à grands renforts d’épaves, textiles pulvérisés et autres déchets de construction dans un local de boxe des années 1950 situé en plein c£ur des anciens sites industriels aujourd’hui peu à peu reconvertis en logements branchés. Quant au peintre Michael Borremans dont les £uvres mettent en scène des personnages emportés par l’étrangeté de scènes inquiétantes, il ose, pour la première fois, les trois dimensions de la réalité. En plein centre historique, dans le majestueux Hôtel de Ghellinck, la scénographie use autant des grossissements d’échelle que d’une patine et d’un art de l’éclairage dont il a le secret. Bref, si dans le parcours de Track on se heurte parfois à des propositions  » obscures « , l’ensemble ravit.

D’abord, parce que l’exposition fait non seulement découvrir les £uvres d’une quarantaine d’artistes internationaux de qualité, mais aussi des lieux, souvent méconnus. Du coup, l’objectif premier est clair : l’art sert d’ambassadeur à la découverte de la réalité d’une ville de taille moyenne trop souvent réduite à son centre historique quelque peu figé dans sa fonction théâtrale et, pour tout dire, artificielle. Ensuite parce qu’on sent, en amont, la richesse du travail d’enquête historique et sociologique réalisé par les deux commissaires, Philippe Van Cauteren (directeur du Smak) et Mirjam Vardinis (de la Kunsthaus de Zürich) et l’influence qu’il a pu avoir sur les £uvres créées. Enfin, parce que les organisateurs n’ont pas oublié de suggérer le plaisir de quelques pas de côté : curiosités, bistrots, librairies…

Track, à Gand, jusqu’au 9 septembre, du mardi au dimanche, de 12 à 18 heures. www.track.be

GUY GILSOUL

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