L’argent, le nerf de la guerre

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Comment mieux aider les étudiants  » fragiles  » sans argent ? Un casse-tête pour le gouvernement communautaire, comme le démontre une étude exclusive, dont Le Vif/L’Express a eu vent.

Pour tenter de lutter contre l’échec, au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on a appliqué, en primaire et en secondaire, ce principe simple de  » donner plus de moyens à ceux qui cumulent tous les risques de réussir moins bien « . Dans le supérieur aussi, les réformes se succèdent. La dernière en date, celle qui a modifié le paysage de l’enseignement supérieur, a introduit notamment des aides à la réussite – près de 50 % d’échecs en 1ère bac. Mais, comme l’ont rappelé plusieurs recteurs, dont Didier Viviers (ULB),  » on a peu parlé de financement jusqu’ici « .

Actuellement, les fonds publics accordés aux hautes écoles et aux universités reposent sur le système d’une  » enveloppe fermée « … qui ne croît plus depuis 1999. Cette méthode de calcul entraîne alors des effets pervers : à l’université par exemple, les effectifs étudiants ont augmenté de 36,3 % en dix ans. Du coup, l’apport perçu par étudiant au sein des établissements s’est mécaniquement réduit de 14,9 %, entraînant une dégradation du taux d’encadrement. Pour sortir de cette enveloppe fermée, Jean-Claude Marcourt planche, depuis mai, sur l’idée d’un financement complémentaire et différencié. Le ministre socialiste a chargé une équipe de chercheurs (UMons, ULg et FUSL) d’étudier le moyen de mettre en oeuvre cette politique. Voici dans les grandes lignes son rapport (200 pages), jusqu’ici resté confidentiel. (1)

Cinq catégories  » à risque  »

Les universités et hautes écoles verraient leur enveloppe inchangée. En revanche, les experts proposent que les moyens supplémentaires soient modulés en fonction des caractéristiques des étudiants accueillis. Ils ont ciblé cinq catégories d’étudiants  » fragiles « . Premier groupe  » à risque  » : les étudiants inscrits pour la première fois dans un cursus supérieur. Ensuite, les étudiants issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées; ceux qui ont redoublé en secondaire; ceux qui ont suivi une filière qualifiante. Et, enfin, ceux qui sortent d’écoles secondaires de niveau socio-économique 1 à 5, c’est-à-dire les écoles qui accueillent des élèves originaires de quartiers défavorisés. Certains groupes sont évidemment plus à risque que d’autres. Un exemple : en 1ère bac, l’étudiant originaire d’une école secondaire de niveau 1 à 5 (sur une échelle de 20) a un taux de réussite de 20 %, contre 60 % pour celui d’une école de niveau 16 à 20. On dépenserait donc plus pour le premier que pour le second par exemple.

L’ensemble de ces critères, combinés les uns aux autres, permet de calculer le montant supplémentaire distribué aux établissements. Comment s’assurer que ces moyens supplémentaires soient bien affectés à l’encadrement des étudiants à risque ? Faut-il lier ces primes à un taux de performance, c’est-à-dire le nombre d’étudiants fragiles que l’université ou la haute école fait réussir ? Le rapport ne se prononce pas vraiment. Marc Demeuse, qui a piloté l’étude, craint que cette prime à la réussite amène certains établissements à baisser leur niveau à la seule fin d’obtenir un financement supplémentaire, ou, au contraire, à ne sélectionner que les bons étudiants. Une feuille de route claire pour Jean-Claude Marcourt, qui doit lancer des discussions sur le financement dans les prochaines semaines. Où ira-t-il chercher ces moyens ?  » Le financement différencié, c’est une pièce détachable qui peut venir s’ajouter au financement actuel, ou encore être une pièce intégrée dans un nouveau modèle de financement « , déclare Jean-Claude Marcourt. Une question que devra trancher la majorité issue des élections de mai prochain. Soit moins de quatre mois avant la rentrée…

(1) Retrouvez le rapport sur http ://portail.umons.ac.be

Soraya Ghali

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