L’année zéro des Apps

Il ne manquait que Samsung. Depuis cette année, tous les poids lourds de l’industrie mobile brandissent leur boutique d’Apps pour smartphones. Attention, nouveau business en vue.

« T out ça pour ça « , constataient des mines déconfites au terme de la conférence de presse organisée par Samsung au Fira Gran Via, à l’est de Barcelone. En février dernier, dans le giron du Mobile World Congress, le constructeur sud-coréen déployait les écrans géants cubiques et faisait danser des acrobates pour présenter… un seul nouveau smartphone, le Wave. L’événement valait toutefois le déplacement. Car bien plus que le déballage de cet énième concurrent de l’iPhone, l’annonce de Samsung Apps et de son nouveau système d’exploitation Bada résonne comme un boum dans le petit monde de la téléphonie mobile.

En ouvrant les portes de Samsung Apps, le n° 2 mondial de téléphonie mobile rejoint ainsi le cercle des constructeurs GSM possédant un magasin d’applications en ligne. Nokia, BlackBerry, HP/Palm…, les acteurs majeurs de la planète smartphone en sont depuis peu. Et tentent de reproduire le miracle de l’App Store qui atteindra bientôt 300 000 applications. Premier du genre, ce magasin en ligne proposant des microprogrammes uniquement compatibles iPhone, iPod Touch et iPad permet de télécharger sur ordinateur (via iTunes) ou directement sur les machines d’Apple des applications tarifées en moyenne à moins de 2 euros. De quoi favoriser l’achat impulsif chez de nombreux utilisateurs…

En pratique, on accède à ce magasin en ligne en tapant ses coordonnées et son numéro de carte de crédit, avec également la possibilité d’achat via des cartes à codes prépayées. Deux pichenettes du doigt et l’application est prête à l’emploi. Loin d’être le premier à proposer des programmes payants et/ou gratuits sur mobiles, Apple a toutefois réussi à aménager un canal de vente présentant ses programmes de façon détaillée et conviviale. Mieux, il a simplifié à l’extrême leur acquisition (possible directement sur le smartphone) et leur installation.

Malgré cette simplicité, l’App Store déploie des stratégies commerciales finaudes. Au-delà des programmes purement gratuits ou payants, ses étals proposent des versions  » entre deux  » dites Lite destinées à un essai gratuit au fil de fonctionnalités bridées. Autre approche, le programme gratuit poussant l’utilisateur à acheter diverses fonctionnalités  » à la pièce « . On parle alors d’  » in-App  » permettant d’acquérir des effets sonores supplémentaires sur le clavier d’un synthétiseur par exemple.

En amont, Apple a également simplifié la tâche des développeurs en éliminant par exemple une série de coûts autrefois obligatoires dans l’édition logicielle. Sans oublier son modèle distribuant deux tiers de la vente de chaque programme au développeur, Apple gardant le reste. Développer ne demande donc plus des investissements inabordables, même pour un petit génie isolé. La programmation de garage des années 1980 est de retour et les premières success stories fleurissent ( lire en p. 55). Copié par ses principaux concurrents, Samsung Apps et Ovi Store en tête, ce modèle ouvre grandes les portes des smartphones à des concepts risqués accélérant les innovations en téléphonie mobile.

Nokia, n° 1 à la traîne

Pesant aujourd’hui, tous téléphones confondus, 6 milliards de dollars, le marché des applications pour smartphones devrait presque tripler pour atteindre les 17,5 milliards de dollars d’ici à 2012. Les fabricants de téléphones portables suivent donc la caravane en attachant à leurs systèmes d’exploitation des échoppes maison à l’image de Nokia et de son Ovi Store sous Symbian. Lancée moins d’un an après l’App Store d’Apple dans des conditions chaotiques, la boutique virtuelle du n° 1 mondial de la téléphonie mobile affiche 13 000 applications.

Un score vingt fois distancé par celui de l’App Store d’Apple qui semble faire écho à sa perte de vitesse sur le terrain très convoité des smartphones. Le premier constructeur mondial de GSM a ainsi connu une année 2009 morose avec une baisse de 20 % de son chiffre d’affaires sur le troisième trimestre. Les premiers résultats de 2010 ne démentent pas la tendance. En ligne de mire : des appareils hétéroclites et moins conviviaux boudés par les développeurs préférant le standard unique (et la popularité) du couple iPhone / iPod Touch ou la liberté d’Android.

 » L’Ovi Store a toutefois comme avantage qu’il touche plus de pays et adresse ses applications à des appareils nettement moins chers que l’iPhone « , tempère calmement Mary T. McDowell, vice-presidente exécutive du groupe.  » Quant à notre score à la baisse de nos smartphones, je l’explique par l’arrivée de nouveaux concurrents et en particulier par le succès constant de l’iPhone.  » Ouvert en avril 2009, le BlackBerry World de RIM, son concurrent principal, brandissait 10 074 Apps en septembre dernier. Loin derrière, en dessous de la barre des 5 000, le HP/Palm App Catalog. Sans oublier le cas particulier des 45 000 Apps de Sony Ericsson qui passe par Getjar, un prestataire extérieur indépendant et celui de LG également anecdotique.

Un cas à part – car visant, comme le récent Windows Mobile 7, une présence transversale chez plusieurs constructeurs – est celui de l’Android de Google qui, avec Android Market, se profile comme le principal challenger de l’iOS d’Apple en termes d’applications disponibles avec 100 000 Apps publiées. Si le nombre de micrologiciels disponibles sur ces échoppes est un instantané révélateur des hotspots les plus chauds en matière d’Apps sur smartphones, le classement actuel des systèmes d’exploitation mobiles les plus répandus au monde est tout autre. Le Symbian de Nokia caracole ainsi en tête, suivi de BlackBerry, d’Android et de l’iOS d’Apple. Une démographie qui, à condition de passer au tout-smartphone, pourrait changer la donne dans le futur. D’autant que le Bada de Samsung et le Windows Mobile 7 de Microsoft viennent d’entrer en piste.

MICHI-HIRO TAMAï

Le top des Apps contredit celui des systèmes d’exploitation

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