L’amitié entre Simon le Juif et Koenraad, le fils d’un collabo

Les parents de l’avocat bruxellois Simon Gronowski et du dessinateur et sculpteur flamand Koenraad Tinel ont été, pendant la guerre, victimes, d’un côté, et bourreaux, de l’autre. En avant-première francophone, le récit de leur enfance et de leur rencontre…

Ni victime ni coupable – Enfin libérés, par Simon Gronowski, Koenraad Tinel, David Van Reybrouck. Renaissance du livre, 144 p.

Dans Ni victime ni coupable – Enfin libérés (Renaissance du Livre), Simon Gronowski, 82 ans, avocat bruxellois et pianiste de jazz, raconte sa vie : Juif d’origine polonaise réchappé du célèbre 20e convoi attaqué par des résistants en avril 1943 ; enfant caché dans des familles catholiques pendant la Seconde Guerre mondiale ; vivant seul à 13 ans, sa mère et sa soeur ayant disparu en déportation, son père mort de chagrin. Devenu avocat pour résister, et musicien, comme sa soeur Ita.

Simon Gronowski prête aussi sa plume à Koenraad Tinel, 79 ans, auquel tout devrait l’opposer et dont il raconte l’enfance. Ce sculpteur et dessinateur flamand n’a dû qu’à son jeune âge d’échapper à l’obsession antisémite et fasciste de son père, un artiste, lui aussi, et un bon catholique gantois, qui encouragea ses deux fils aînés à s’engager sous l’uniforme noir. Vers la fin de la guerre, la famille Tinel s’enfuit en Allemagne, puis est rapatriée en Belgique ; le père et les deux fils nazis sont jugés et envoyés en prison. Koenraad Tinel illustre, avec ses dessins au brou de noix et à l’encre, cette guerre vue d’un autre bord, à travers ses yeux d’enfant et sa révolte contre les abominables conséquences des  » idéaux  » de son père. C’est simple, sobre et brûlant.

L’écrivain flamand David Van Reybrouck (prix Médicis de l’essai 2012 pour Congo, Actes Sud) a écrit une postface à cette rencontre humaine exceptionnelle, où il est question de mémoire vive, de pardon et de générosité. Simon Gronowski n’accepte ni l’antisémitisme ni le philosémitisme. Elu président de l’Union des déportés juifs de Belgique, il a donné la parole à un rescapé tutsi lors de la Journée du martyre juif, en 2005. Cela n’a pas plus à tout le monde. L’année suivante, il a voulu recommencer avec un Arménien. Cela lui a été refusé. Il a démissionné. Une forte tête.

Maurice et Koenraad furent mis en présence par l’intermédiaire d’un jeune de l’UPJB (Union des progressistes juifs de Belgique). Ecrit à plusieurs mains, avec même quelques extraits d’une interview des deux hommes réalisée par un journaliste du Standaard, le livre Ni victime ni coupable – Enfin libérés constitue un document inclassable, presque un  » beau livre « , vibrant et très documenté.

MARIE-CÉCILE ROYEN

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