Jonction Schuman-Josaphat Des riverains excédés

Prouesse technique, le nouveau tunnel ferroviaire Schuman-Josaphat devrait être opérationnel fin 2015. Mais les riverains, victimes du bruit, des vibrations et de la pollution, sont à bout de nerfs.

OLIVIER ROGEAU

Non, ce n’est pas encore le  » bout du tunnel  » pour les habitants des abords de la place Plasky, à Schaerbeek ! Elément clé du futur Réseau express régional (RER), l’énorme chantier du tunnel ferroviaire Schuman-Josaphat, qui a pris du retard, se poursuit de jour comme de nuit. Avec son lot de nuisances : bruits, vibrations, charroi des bétonneuses, fumées intempestives, dépôts clandestins d’ordures, carrefour de la rue Victor Hugo et de l’avenue Plasky bloqué depuis deux ans…

Un chantier complexe

Arrivé dans le quartier il y a une trentaine d’années, Eddy Verleysen, propriétaire du traiteur Plasky, clame son exaspération.  » Depuis le 1er janvier, j’ai accumulé vingt et une nuits blanches à cause des vibrations dans ma chambre. La commune de Schaerbeek, qui s’était engagée à n’accorder qu’au compte-gouttes des autorisations de travail nocturne, n’a pas tenu sa promesse. Ce mois-ci, les ouvriers sont sur place près d’une nuit sur deux ! Le cauchemar continue. « 

A bout de nerfs, le commerçant a joint à plusieurs reprises Infrabel, maître d’£uvre du chantier en tandem avec Beliris, le fonds de coopération fédéral.  » Je tombe chaque fois sur un répondeur. Un responsable me rappelle trois jours plus tard pour me dire qu’il va se renseigner, consulter les ingénieurs, chercher une solution. Les riverains sont découragés. On nous promet l’achèvement du chantier pour juillet 2012, mais on reste sceptiques. Il était censé se terminer fin 2011 ! « 

D’une longueur de 1 250 mètres, la jonction Schuman-Josaphat est l’un des plus importants chantiers de mobilité réalisés ces dernières années à Bruxelles. L’ampleur et la complexité des travaux, entrepris en 2008, rappellent l’époque  » héroïque  » du creusement du prémétro et du métro, à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Vital pour désengorger la capitale, le nouvel axe passe vingt mètres sous l’avenue Plasky, la place de Jamblinne de Meux et le tunnel routier de Cortenberg. Il reliera directement, quand le futur RER entrera en service, le quartier européen au nord de la capitale et à l’aéroport national. On évitera ainsi la jonction Nord-Midi, saturée. L’ouvrage permettra de fluidifier le trafic de la ligne 161 Ottignies-Bruxelles.

Fin du gros £uvre en juillet

Le chantier a été confié à l’entreprise néerlandaise BAM, associée aux belges Jan De Nul (travaux civils) et Franki Geotechnics (fondations profondes). Montant des travaux : plus de 300 millions d’euros (540 millions si l’on ajoute l’équipement, la rénovation de la station Schuman et la mise à quatre voies de l’axe Watermael-Schuman). Pour préserver le cadre urbain, les ingénieurs ont renoncé à ouvrir des tranchées. Le tunnel a été creusé section après section, à la machine ou à la main.  » Au total, l’équivalent de 102 piscines olympiques a été excavé, indique Infrabel. Les équipes ont retiré 255 000 mètres cubes de gravats et injecté 80 000 mètres cubes de béton, soit 8 200 camions. Tout cela en plein Bruxelles et sans rien mettre à l’arrêt ! « 

Le tunnel creusé depuis Schuman a été raccordé, il y a trois semaines, à la ligne ferroviaire 26 Hal-Bruxelles-Vilvorde, sous l’avenue Plasky.  » Les ouvriers sont occupés, ces jours-ci, à couler le radier, l’immense dalle de sol, précise Frédéric Sacré, porte-parole d’Infrabel. Fin juillet, le gros £uvre sera terminé. Suivra, pendant deux ans, la phase d’équipement du tunnel, qui devrait causer nettement moins de nuisances en surface : pose des voies, signalisation, électrification… Les rails seront séparés du caisson du tunnel par un matelas absorbant, afin de limiter le bruit et les vibrations lors du passage du train. Si le chantier a pris un peu en retard, c’est surtout parce que nous sommes tombés sur des rochers, qu’il a fallu casser. Mais tout devrait être achevé fin 2015. « 

Quelque 80 habitants inquiets ou indignés ont participé, en février dernier, à une réunion d’information avec Infrabel. Des questions concernaient le calendrier du chantier et les nuisances subies. Des riverains reconnaissaient que des efforts avaient été accomplis, à certains moments, pour les réduire : mur anti-bruit, isolation des cheminées de ventilation, pose d’appareils acoustiques pour mesurer les vibrations… Mais d’autres ne décoléraient pas face aux dégâts constatés : pierres bleues de façade éclatées, murs fissurés, morceaux de plafond tombés…  » Des experts sont passés, mais les responsables du chantier déclinent toute responsabilité, invoquant la vétusté des bâtiments ou l’humidité, remarque le traiteur Eddy Verleyden, qui a ouvert une page Facebook consacrée à sa cause et lancé une pétition pour se faire entendre. Des riverains ont réclamé, en vain, des compensations financières décentes. Moi, j’ai perdu 30 % de ma clientèle depuis le début des travaux, avec la fermeture du carrefour Plasky, les déviations routières et les places de parkings supprimées. Il est grand temps que tout cela finisse ! « 

OLIVIER ROGEAU

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