L'artiste traduit, dans Ligne de vie, "l'apocalypse qui nous pend au nez". © JEAN-LUC MOERMAN

Jean-Luc Moerman

Artiste anticonformiste dont on réduit trop souvent la pratique à ses gigantesques fresques aux contours architecturaux, Jean-Luc Moerman (Bruxelles, 1967), surtout depuis qu’il a tourné le dos aux contrats exclusifs des galeries, déploie une oeuvre passionnante. Toujours là où on ne l’attend pas, il occupe désormais le Mont-de-Piété à la faveur d’une proposition atypique, intitulée Ligne de vie, hantée par la circulation des objets et le spectre de l’apocalypse.

Pourquoi avoir choisi le Mont-de-Piété pour donner à voir votre travail?

Parce que tout a changé. Parce que l’on ne peut pas continuer à produire comme avant. Mon fils me dit que le réchauffement climatique l’empêche de poursuivre son cursus scolaire comme si de rien n’était. Les arguments qu’il avance tiennent la route. Qu’en est-il de moi? Puis-je continuer sans tenir compte de l’apocalypse qui nous pend au nez? La réponse est non. C’est pourquoi j’ai choisi cet endroit et l’utilise à la façon d’un laboratoire évolutif et ouvert à la confrontation. J’y accueille moi-même les visiteurs et leur fais visiter.

Ligne de vie remonte aux sources de votre travail. Certaines images sont brutales. Il y a ce bac à sable logé dans un cercueil ou cette couverture de survie sur laquelle est imprimé le portrait du nazi Adolf Eichmann…

Je veux montrer d’où vient mon oeuvre. Je veux pouvoir livrer le plus d’explications possibles afin qu’elle ne soit pas prise pour une mystification dont l’art contemporain est friand. Tout vient, en réalité, de l’imminence de la mort. Elle m’a toujours obsédé, mais désormais nous sommes passés à la vitesse supérieure. C’est comme ces jeunes soldats qui avaient 18 ans en 1914. Peu importait leur talent, la guerre les happait. Mais aujourd’hui, la situation est encore plus effrayante parce qu’il n’y a plus de perspectives. On peut reconstruire une ville dévastée par les bombes mais on ne fera jamais redescendre la température qui est la cause du réchauffement climatique.

Le vocabulaire formel que vous utilisez est inédit. Des branches d’arbre mort, du papier aluminium, des objets trouvés… De quoi est-ce le signe?

D’une interrogation profonde sur le rôle de l’artiste. L’ ego, le travail sont devenus pour moi des valeurs périmées dans le contexte d’une oeuvre. Rien n’est à vendre dans Ligne de vie, rien ne restera non plus de cette proposition. Si ce n’est le désir de la prolonger dans la nature.

Au Mont-de-Piété, à Bruxelles, jusqu’au 14 novembre.

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