« Je lance la France droite »

La porte-parole de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle française rebondit. Trop bobo ? Trop écolo ? La voilà qui se positionne avant l’affrontement de l’automne pour la présidence de l’UMP. L’ancienne ministre ne recule devant rien : elle cherche à définir la droite d’aujourd’hui. Avant de vouloir l’incarner demain ?

Le Vif/L’Express : Etes-vous normale ?

Nathalie Kosciusko-Morizet : Je n’aime pas du tout cet adjectif quand il est utilisé pour des personnes. Comme si une norme devait être imposée. Comme si devaient être exclus tous ceux qui ne s’y retrouvent pas, c’est-à-dire presque tous : la normalité relève de la statistique, elle n’existe pas dans la vraie vie. Quand on est enfant, on a des idées arrêtées sur ce qui est normal ; au fur et à mesure que l’on grandit, on s’aperçoit que chacun a ses drames, ses grandeurs, ses petitesses. La normalité est un concept puéril.

Qu’avez-vous découvert, au gouvernement, que la politique ne pouvait plus résoudre ?

L’impuissance, c’est celle que l’on accepte. Le politique peut faire bouger les choses s’il croit en lui-même. Nous portons nos propres limites. La politique peut tout autant qu’il y a quarante ans. Il faut à la fois être concret et efficace, et donner du sens. Faire sans mettre du sens, c’est renoncer à l’âme du politique ; parler de sens sans rien faire de concret, c’est désespérer du politique.

Dans quels domaines la droite française doit-elle changer ?

En 2007, nous avions un projet, un leader, une confiance dans notre capacité à transformer la France. Aujourd’hui, ce n’est pas un problème de  » valeurs  » tant qu’on le dit. La droite sait où elle est. Mais elle doit retrouver la confiance. Cela passe par la clarté.

Quelle est la ligne de clivage essentielle entre la droite et la gauche aujourd’hui ?

J’en vois deux : le cynisme et l’irresponsabilité. Cynisme électoral de la gauche, qui fait preuve d’habileté au pire sens du terme. Cynisme gouvernemental ensuite, quand elle va chercher des symboles à la hâte et renvoie à plus tard ce qui relève pourtant de l’urgence. Et irresponsabilité en matière économique. Le gouvernement augmente le coût du travail : en alourdissant les charges patronales et les cotisations salariales pour financer le retour en arrière sur les retraites, en revenant sur la défiscalisation des heures supplémentaires, en augmentant le forfait social sur la participation et l’intéressement, c’est la valeur travail qui est attaquée et les PME qui sont menacées. Irresponsabilité, encore et toujours, avec le choix de l’augmentation de la CSG, alors que la TVA antidélocalisation permettait, elle, de taxer aussi les importations.

Qu’avez-vous appris de Nicolas Sarkozy ?

Le volontarisme, le refus de toute forme de renoncement. Il est à la fois un socle d’idées, autour du travail, de la responsabilité, de l’autorité, et une énergie réformatrice. C’est cette synthèse qui fait sa force. Le principal problème de la campagne présidentielle, ce ne fut pas notre campagne, mais la caricature qui en a été faite. Même si on dira que, dans toute caricature, on porte forcément une part de responsabilité.

La droite n’est-elle pas idéologiquement à bout de souffle ?

Au contraire, la droite tient les concepts pour interpréter et transformer le monde contemporain. Encore faut-il les reconnaître et les partager. Parlons, par exemple, de la souveraineté ; pour moi, c’est un mot fondateur. Au XXIe siècle, être souverainiste, au sens gaulliste, c’est-à-dire maîtriser notre destin, c’est être européen. Je souhaite une Europe plus intégrée. Il nous manque un grand moment démocratique, pourquoi pas l’élection du président du Conseil européen au suffrage universel ? Dès 2014, en même temps que celle des eurodéputés. Ce serait un grand pas pour l’identité européenne. Des ferments d’identité européenne, voilà ce qu’il nous faut. Les nations ont connu ce mouvement, à leur niveau, à la fin du XIXe siècle. En Allemagne, en Italie, en France, il a fallu les cimenter. Notre identité à nous s’est largement forgée sous la IIIe République, autour de l’école, de l’armée et de grands moments politiques et démocratiques. Erasmus, et son équivalent pour les apprentis lancé par Nicolas Sarkozy, mais aussi l’apprentissage d’une histoire commune sont indispensables. Il faut sauver l’euro, mais c’est aussi dans la force d’une identité commune que nous construirons l’Europe.

Vous avez la réputation de ne pas correspondre au centre idéologique de l’UMP. Ressentez-vous ce décalage ?

Je fais en ce moment une tournée des fédérations. Et non, ce n’est pas ce que je ressens ! Les adhérents de l’UMP sont à la fois très fermes sur leurs convictions et en quête de confiance, d’espérance. Ils ne rejettent pas les nouveaux sujets à explorer. Etre à la fois au c£ur de la droite et, en même temps, dans un esprit de réforme. Ma droite n’est pas conservatrice. Nous laissons le conservatisme à la gauche, qui en a à revendre ! C’est une droite qui s’assume et fait le choix de la transformation, elle dit, comme dans Le Guépard :  » Il faut que tout change pour que rien ne change.  » C’est le sarkozysme. Et ce n’est pas paradoxal. Il fait la synthèse, assume la complexité du monde contemporain. Je me déclare totalement sarkozyste.

Qu’est-ce qui pourrait vous inciter à vous présenter à la présidence de l’UMP ?

Trois choses me tiennent particulièrement à c£ur. La première, je veux une droite claire avec ses convictions, parce que je crois en la droiture. J’ai d’ailleurs l’intention de lancer un mouvement sous ce nom,  » la France droite « . Quand on est gaulliste, on sait pourquoi on rejette les extrêmes. Deuxième point : ma droite n’est pas conservatrice, au sens où elle serait réactionnaire. C’est la gauche qui fait une réaction au sarkozysme, elle ne veut que défaire, casser, abroger, annuler. Troisième sujet : l’organisation du mouvement. L’UMP a été construite pour remporter des élections présidentielles. Cela en fait un parti très centralisé. Or notre prochaine échéance, ce sont les municipales. Une des raisons pour lesquelles on a perdu en 2012, c’est qu’on avait perdu les unes après les autres toutes les élections locales. L’UMP doit être reconfigurée pour réinvestir les territoires.

Pourquoi  » la France droite  » ?

Parce que je suis de droite : je me reconnais dans les valeurs cardinales que sont le travail, l’autorité, la responsabilité. Mais aussi parce que je crois à la rectitude et à la clarté politiques. Enfin, parce que, dans un monde en pleine tempête, il faut tenir son cap. Je veux créer un espace de production de sens, fédérer les Français qui se sentent orphelins de Nicolas Sarkozy, avoir des idées neuves face à des situations inédites, refuser la confiscation par les appareils, bref permettre à tous ceux qui le souhaitent de se mettre en mouvement. Ce sont ces valeurs intangibles que j’entends défendre avec tous ceux qui les partagent, au centre comme à l’UMP.

Etape suivante : votre candidature à la présidence de l’UMP ?

Je demande que ces trois éléments, la clarté, la réforme, l’organisation, soient repris et partagés. Sinon je serai tentée de les partager avec les adhérents. La bataille de personnes, ce n’est pas ce qu’on attend.

Quand vous êtes-vous dit pour la première fois :  » Un jour, peut-être, je serai présidente de la République  » ?

La politique est un chemin, plein de surprises, de rencontres, de passions, d’échecs. Je ne suis pas mono-obsessionnelle, si c’est ça la question.

Un mot pour qualifier François Fillon ?

Secret.

Jean-François Copé ?

Motivé.

Nathalie Kosciusko-Morizet ?

Droite !

PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU DEPRIECK ET ERIC MANDONNET

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