Je boite. La faute au docteur ?

Prothèse de hanche ou de genou : les orthopédistes en posent à tour de bras. Cela ne les empêche pas de craindre les procès pour faute, de plus en plus nombreux …

Prenez cette prothèse totale de hanche, avec des signes importants d’usure ! Comment vivre avec cet objet usé dans le corps et diffusant, à chaque pas, des milliers de ses néfastes particules ?  » Cinq ans après avoir été posé, un modèle de prothèse présentait un taux d’usure anormal qui imposait une nouvelle intervention dans 24 % des cas, constate le Dr Patrick Van Elegen. Insupportable !  » Si le chirurgien le dità Mais au fait, qui est responsable de cette usure précoce ? Le chirurgien ? L’hôpital ? Le fabricant ? Et s’agit-il d’une faute médicale ?

 » Nous sommes confrontés à de plus en plus de contestations, fondées ou pas, de la part des patients « , remarque le Dr Patrick Zygas, chef de clinique d’orthopédie au centre hos-pitalier Etterbeek-Ixelles (hôpitaux Iris-sud) et organisateur d’un colloque sur la faute ou l’aléa thérapeutique en orthopédie (1). Or, puisque la loi d’indemnisation des aléas thérapeutiques qui devait entrer en vigueur en 2009 a été reportée,  » le droit actuel reste un cauchemar pour le patient, le médecin et les assureurs « , selon la sentence de Me Jean-Luc Fagnart. On apprend ainsi qu’en cas de problème d’usure anormale d’une prothèse, un médecin pourra toujours se retourner contre l’hôpital, qui fera de même contre l’importateur, qui ne manquera pas à son tour d’incriminer le fabricant.

 » C’est la chaîne classique des responsabilités « , rappelle Me Michel Screvens.  » Détail  » qui n’en est pas un : en 2007, on a placé en Belgique le nombre impressionnant de 39 508 prothèses de hanche et de genou.

Le chirurgien reste responsable du choix du matériel et de la technique opératoire. Par exemple, il doit proposer la prothèse qui convient le mieux au type de vie et d’activité du malade. Celui-ci pose rarement des questions sur ce sujet. Mais, promis-juré, il ne manquera pas de le faire – lui ou son avocat – en cas de difficulté postopératoireà Pourtant, si complète soit-elle, l’information que le médecin donne à son patient ne pourra jamais tout baliser. Ainsi, comment pourrait-il garantir  » la mécanique  » de la prothèse à la place de la firme ou du fabricant ?  » Mieux vaut aussi ne jamais promettre de résultat à vingt ans « , conseille un conférencier. Tiens, un fabricant de prothèse invité il y a onze mois a annoncé son absence deux jours avant le colloque. Allez savoir pourquoi !

Une jambe n’est pas l’autre, et sa longueur, non plus

Autre piège peu connu qui menace chirurgiens et patients, celui des inégalités de longueurs de membres après une pose de prothèse totale de hanche.  » Il a fallu attendre les années 1990 pour réaliser à quel point ce problème pouvait entraîner une gêne chez certains patients « , relate un spécialiste. 80 % des opérés présentaient un allongement de membre inférieur à 5 millimètres, selon une étude de 2008. Pas de panique ! L’idéal consisterait à ne pas dépasser une limite de 5 à 10 millimètres, rassurent les orthopédistes. Le procès d’une opérée qui, trois mois après une intervention, avait commencé à souffrir de douleurs au dos doit néanmoins servir de leçon à tous les chirurgiens : ils se doivent d’informer les patients des risques d’allongement de membre suite à l’intervention ! Autre conseil suggéré par un chirurgien prudent : pratiquer des examens préopératoires pour constater l’existence d’une inégalité présenteà avant l’intervention ! Une  » médecine défensive  » ? Elle évite en tout cas de crier à la fauteà là où il n’y en aurait pas.

(1) La 31e Journée informelle des orthopédistes du site Etterbeek-Ixelles, à Bruxelles.

Pascale Gruber

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