Jan Jambon  » L’indépendance n’est pas une fin en soi « 

L’automne sera chaud. Pour le député fédéral Jan Jambon, l’un des ténors de la N-VA, les élections communales serviront de répétition générale avant le big bang de 2014.  » Si les Flamands veulent punir Di Rupo, ils peuvent le faire dès octobre « , avertit celui qui pourrait lui-même devenir bourgmestre de Brasschaat, la deuxième plus grosse commune de la métropole anversoise.

Le Vif/L’Express : A vos yeux, les élections communales auront-elles valeur de test national ?

Jan Jambon : Bien sûr. Il s’agit du premier rendez-vous entre l’électeur et les partis politiques depuis l’entrée en fonction du gouvernement Di Rupo. 2012 est une étape décisive sur la route vers 2014. Et 2014, ce sera la grande confrontation entre les partis au gouvernement et l’opposition, c’est-à-dire la N-VA.

Vous espérez donc que, le 14 octobre, l’électeur sanctionnera l’ensemble des formations participant au gouvernement fédéral ?

Oui. Mais je sais déjà comment ça va se passer. Si nous obtenons de bons scores, les autres partis s’empresseront de relativiser, en disant qu’il ne s’agit que d’élections locales. Et si nos résultats sont en dessous des espérances, on dira : vous voyez, le gouvernement a la confiance de l’opinion. En tout cas, il s’agira d’un signal clair. Nous sommes la principale force d’opposition, et si les Flamands veulent punir le gouvernement Di Rupo, ils peuvent le faire dès le mois d’octobre, comme prémices à 2014. Pour nous, les deux scrutins sont liés.

Vous ne craignez pas un accord tacite entre les autres partis flamands pour former un maximum de coalitions sans la N-VA et vous mettre hors jeu ?

Je n’ai pas l’impression que ce risque est dans l’air. D’après les échos que je reçois des sections locales, un peu partout en Flandre, les canaux de communication sont ouverts, que ce soit avec le CD&V ou avec l’Open VLD.

Les chrétiens-démocrates sont au pouvoir dans les trois quarts des 308 communes flamandes. Ils détiennent le maïorat dans 166 communes. Espérez-vous mettre fin à cette hégémonie à la faveur du scrutin d’octobre, et imposer la N-VA comme seul grand parti en Flandre ?

C’est l’objectif. Renforcer notre implantation dans les communes, multiplier notre nombre de bourgmestres et d’échevins, c’est essentiel. La conjoncture politique est quelque chose de très variable, tous les partis connaissent des hauts et des bas, mais si vous pouvez vous appuyer sur un solide ancrage local, vous traversez beaucoup plus facilement ces fluctuations. Or j’ai le sentiment que, sur ce plan, le CD&V est vulnérable. Sa domination actuelle est très fragile.

Vous avez mentionné l’échéance clé de 2014. Comment envisagez-vous les élections fédérales, régionales et européennes qui auront lieu cette année-là ?

Il nous faudra décrocher encore plus de sièges qu’en 2010 et, de cette manière, rendre impossible la formation d’un gouvernement fédéral sans la N-VA, pour que ce pays malade adopte enfin le modèle confédéral.

Dans votre schéma, quelles matières resteraient gérées à l’échelon belge ?

Une poignée de matières, qui seront tôt ou tard transférées vers le niveau européen. La défense, notamment.

Et les affaires étrangères, la diplomatie ?

Non, non. L’économie flamande est tournée vers l’exportation, davantage que l’économie wallonne, et cela peut avoir des incidences sur les affaires étrangères. La Flandre doit donc disposer de sa propre diplomatie. Elle est déjà occupée à la mettre en place, du reste, en créant des représentations flamandes un peu partout dans le monde.

Une Flandre indépendante dès 2014, en cas de nouveau blocage à l’issue des élections, c’est un scénario qui vous fait fantasmer ?

Je n’y crois pas. Tout simplement parce qu’il n’existe pas de majorité dans l’opinion publique flamande en faveur de l’indépendance. Toutes les enquêtes montrent qu’en Flandre la proportion de partisans de l’indépendance n’excède pas 30 %. Nous sommes un parti démocratique, nous n’allons pas aller contre la volonté du peuple.

Pourquoi ne pas demander l’organisation d’un référendum, en cas de nouveau triomphe de la N-VA en 2014 ?

Le référendum n’appartient pas à notre tradition politique. Chez nous, on n’organise des consultations populaires que sur des enjeux très locaux. Ailleurs, c’est différent. En 2011, le Scottish National Party a conquis la majorité absolue au parlement écossais, et ses dirigeants ont prévu d’organiser en 2014 un référendum sur l’indépendance. Mais je ne perçois pas cette demande-là en Flandre.

Cela vous attriste de constater que la majorité des Flamands ne sont pas séduits par les sirènes indépendantistes ?

L’indépendance n’est pas une fin en soi. C’est un moyen. L’objectif, c’est une économie qui tourne bien, avec peu de pauvreté, des gens qui travaillent. A la N-VA, nous pensons que l’autonomie, c’est la meilleure méthode pour garantir le bien-être et la prospérité des citoyens – pas seulement en Flandre, mais aussi en Wallonie. Et sur ce plan, j’ai l’impression que nous sommes en train de convaincre de plus en plus de gens, les esprits évoluent.

Entre le Pays basque, l’Ecosse, la Catalogne et la Flandre, qui voyez-vous accéder le plus vite à l’indépendance ?

J’ai un jour dit en blaguant que nous étions engagés dans une sorte de course. Je pense que la Catalogne est la nation la plus proche de l’indépendance. Je m’y rends souvent. Là-bas, vous sentez que l’homme de la rue veut l’indépendance. Tous les sondages confirment l’existence d’une nette majorité en faveur de l’indépendance. Les Catalans sont 7 millions, et il y a deux ans, une manifestation indépendantiste a rassemblé 1,2 million de personnes. Cela vous donne une idée. Une telle volonté populaire n’existe pas en Flandre.

Vous êtes opposé au principe du cordon sanitaire face à l’extrême droite, mais vous avez déclaré que la N-VA n’entrerait dans aucune coalition avec le Vlaams Belang. N’est-ce pas contradictoire ?

Au Parlement, si le Vlaams Belang dépose des amendements que nous jugeons positifs, nous votons pour. C’est une différence entre les autres partis et nous. Mais en ce qui concerne les élections communales, il est hors de question de former des alliances avec le Vlaams Belang. En octobre, nous voulons entrer dans un maximum de majorités. Or, si nous formons une coalition avec le Vlaams Belang dans une seule commune, nous serons rejetés dans l’opposition partout ailleurs. Les autres partis se serviront de ce prétexte pour refuser tout accord avec nous.

Refuser de s’allier à l’extrême droite, c’est donc un choix purement tactique ?

Non. Il y a une deuxième raison. Certains membres du Vlaams Belang voulaient ouvrir et moderniser leur parti. Mais la direction a verrouillé le débat. La ligne dure de Filip Dewinter s’est imposée. Et pour nous, il est politiquement impossible de nouer un accord avec cette ligne-là.

Parce que la ligne Dewinter est antidémocratique ?

Non, je dis juste que le projet politique du Vlaams Belang est difficilement compatible avec le nôtre. Comment pourrions-nous, par exemple, nous entendre sur la politique d’intégration ? Pour le Vlaams Belang, moins il y a d’étrangers qui s’intègrent, mieux c’est. Et si possible, il faut les expulser. Nous, nous voulons au contraire favoriser l’intégration des personnes d’origine étrangère dans la société flamande. C’est toute la différence entre le nationalisme inclusif, comme nous le concevons, et le nationalisme exclusif pratiqué par le Vlaams Belang.

Mais, d’après vous, Filip Dewinter représente-t-il un danger pour la démocratie ?

Ce débat appartient au passé. A la limite, on pouvait se poser la question quand le Vlaams Belang menaçait de conquérir 50 % des voix. Cette époque-là est derrière nous. Quand bien même Filip Dewinter aurait menacé la démocratie, on peut dire aujourd’hui que ce danger-là est écarté.

Entretien : François Brabant

 » Dewinter, une menace pour la démocratie ? Ce danger est écarté « 

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