Irlande L’europerdant

Le dernier épisode de la crise monétaire a pris la petite île pour cible. Pourtant, parmi les pays en difficulté de la zone euro, c’est celui qui peut le mieux rebondir.

Drôle de crise. Des Européens qui supplient l’Irlande d’accepter un prêt massif dont elle ne veut pas. Un président du Conseil européen, d’ordinaire placide, qui, soudain, s’affole : la zone euro et l’Union européenne jouent leur  » survie  » affirme, le 16 novembre, le Belge Herman Van Rompuy. Un Premier ministre britannique qui adopte chez lui un plan draconien d’économies mais se déclare prêt à aider, lui aussi, l’autre île britannique. La livre au secours de l’euroà On croit rêver.

Six mois après la crise grecque, soldée par un prêt de 110 milliards d’euros à Athènes, le psychodrame monétaire de la semaine dernière suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses. Mais d’abord celle-ci : pourquoi est-ce l’Irlande qui est devenue, aux yeux des spéculateurs, le maillon faible de la zone ?

Après tout, si l’on s’en tient aux indicateurs fondamentaux, l’économie irlandaise est mieux armée pour retrouver une croissance soutenue capable d’éponger la dette au fil des années que, par exemple, la Grèce ou le Portugal. La machine à exporter irlandaise a été relancée depuis le début de l’année (+ 7 %, pour – 4 % en 2009), tirée par la demande mondiale à laquelle l’économie insulaire est très sensible. L’Irlande vend à l’extérieur 85 % de ce qu’elle produit. En outre, sa compétitivité s’est accrue grâce, notamment, aux baisses de salaires, qui ont diminué de 9 % le coût du travail. Pour un pays qui compte sur les investisseurs extérieurs, et d’abord américains, séduits par un climat favorable aux affaires, une population anglophone, une fiscalité douce sur les sociétés (un taux de 12,5 %, qu’il entend bien conserver malgré les pressions européennes), c’est pain bénit.

Et pourtant, après un week-end d’ultimes tractations, le gouvernement de Dublin a plié. Dans la soirée du 21 novembre, l’Irlande a accepté le principe d’une aide massive de l’Union européenne et du FMI, quoique non encore chiffrée, aux banques de l’île.  » Il en va de la stabilisation de notre système bancaire « , a admis le ministre des Finances, Brian Lenihan. Les autorités irlandaises avaient cependant déjà versé des dizaines de milliards d’euros, prélevés sur le budget de l’Etat, afin de renflouer les banques. A l’évidence, cela ne suffisait pas, tant la confiance s’évaporait. De quoi nourrir le scepticisme sur les stress tests européens qui, en juillet dernier, avaient conclu à la résistance des établissements de l’île verteà De quoi aussi s’interroger sur les risques de contagion au sein de la zone euro. C’est la vraie raison pour laquelle les Européens ont contraint l’Irlande à accepter ce renflouement : la crainte d’un effet de panique sur d’autres Etats de la zone euro aux économies plus fragiles, au premier rang desquelles le Portugal. Car, si les déficits publics, sous l’effet des programmes d’austérité mis en place par les gouvernements, commencent à se réduire en Grèce et en Espagne, ils continuent à s’accroître à Lisbonne.

En brisant l’offensive des spéculateurs contre l’Irlande – nourrie, notamment, par le scepticisme du quotidien londonien The Financial Times, la bible des affaires de la City, hostile, dès l’origine, à l’euro et qui a mis en doute la réputation du système financier irlandais, ces derniers jours – les Européens espèrent dissuader ceux qui jouent contre l’euro de s’attaquer aux vrais maillons faibles de la zone. Le pari est audacieux. On verra très vite, dès les prochaines semaines, s’il est en passe d’être remporté.

JEAN-MICHEL DEMETZ

depuis le début de l’année, les exportations ont bondi

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