Inventivité de rigueur

Dans les grandes villes – entre autres à Bruxelles, où les moins de 3 ans vont croître de plus de 21,4 % -, la pénurie est telle que les parents n’ont guère le choix que de manouvrer.

J’ai vainement cherché à inscrire Théo dans une crèche de notre commune : c’est complet et le délai d’attente est d’un an [NDLR : ladite entité compte 122 berceaux administrés par la commune, pour quelque 1 200 enfants de moins de 2 ans]. J’ai dû me résoudre à le mettre dans une crèche privée. Financièrement, ça fait une différence de 300 euros par mois ! « , expose Valérie, employée dans une ASBL. Une place en crèche semble valoir de l’or…  » Nous avons visité une crèche privée, mais elle ne nous donnait pas satisfaction. Nous nous sommes alors tournés vers une crèche communale : plus rassurante, plus pratique, surtout le tarif est plus avantageux « , racontent Elisa, enseignante, et Corentin, médecin généraliste. Est-ce l’acharnement ou une faveur qui leur a permis de décrocher une place ? Impossible de le savoir, tout se joue dans une certaine opacité. Seule certitude, selon Elisa :  » Corentin a appuyé notre demande en appelant directement le bourgmestre sur son portable, en rappelant qu’il a son cabinet dans la commune.  » Ténacité ? Plutôt un passe-droit qui voit un médecin faire valoir sa bienséance pour placer son dossier en tête de liste.

De nombreux jeunes parents en quête d’une place dans une crèche cherchent à se montrer inventifs quand il s’agit d’appuyer leur demande. Pas seulement à Bruxelles. Et pour cause, en Communauté française, on compte 38 185 places pour 160 000 enfants de moins de 3 ans, soit moins d’une place pour trois enfants. Ce n’est qu’une moyenne. Dans certaines communes – notamment en Région bruxelloise -, le taux de couverture (c’est-à-dire le nombre de places disponibles dans les crèches par rapport au nombre d’enfants de 0 à 2 ans et demi) tombe à 15 %, voire 8 %, pour une moyenne de 25 %.

Parmi les milieux d’accueil, il faut distinguer celles subventionnées par l’Office de la naissance et de l’enfance – qui affichent toutes complet en Région bruxelloise -, et celles non subventionnées. Au sein des structures subventionnées, il y a celles dont le pouvoir organisateur est la commune : elles représentent un quart du total. Et c’est précisément là que le piston peut sévir. Parce que, même si l’inscription se fait auprès de la directrice de la crèche, le maïeur peut privilégier un dossier. Le système de liste d’attente mis en place n’est en effet pas transparent.  » Pour éviter le favoritisme, nous avons durci les règles : dans tous les milieux d’accueil, tout le monde s’inscrit au même moment, soit à trois mois de grossesse révolus « , explique Bernard Geerts, responsable de la gestion administrative et de la communication à l’ONE. La situation s’est améliorée. Grâce aux effets conjugués de l’augmentation (relative) du nombre de places et d’un renforcement des normes, plus de familles obtiennent désormais une place, sans piston.  » Mais les appuis politiques existent sans doute encore dans les crèches communales « , estime Bernard Geerts. Avec cette question : est-ce bien aux pouvoirs locaux de gérer les crèches ? Côté directrices, on reconnaît sans ambages l’existence du piston. Peu fréquent, néanmoins.  » Moi, la seule chose que je peux dire, c’est que garder des familles qui travaillent, qui font partie des forces vives de la capitale, qui ne se voient pas contraintes de la quitter, est fondamental ! « , justifie cet édile du nord de Bruxelles…

S.G.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire