Après quinze ans d’absence, le Béjart Ballet Lausanne revient au Cirque royal, à Bruxelles. Avec son hommage à Brel, l’année où le chanteur aurait eu 90 ans, et à Barbara.
Il le sait, inutile de lui redire, mais quand on se retrouve face à Gil Roman, successeur de Béjart à la tête de son Ballet à Lausanne depuis la disparition du maître en 2007, sa ressemblance avec Jacques Brel frappe chaque fois. » Brel m’a toujours porté chance « , dit-il d’ailleurs, en évoquant sa première récitation en classe, Le Plat Pays. » J’ai fait pleurer ma maîtresse et j’ai eu un 20 sur 20, c’est peut-être le seul que j’ai eu dans ma vie. » C’est donc lui, logiquement, qui a incarné Brel dans le ballet que Maurice Béjart a monté en 2001, Brel et Barbara, où s’entremêlent extraits d’interview et titres phares de ces deux monstres sacrés de la chanson française.
Aujourd’hui présenté au Cirque royal avec Elisabet Ros, créatrice du rôle principal féminin, et le danseur belge formé à Rudra (l’école que Béjart a ouverte à Lausanne) Gabriel Arenas reprenant le rôle de Gil Roman, Brel et Barbara trouve sa source dans un autre ballet, Lumière, commande pour les Nuits de Fourvière, à Lyon, où Béjart avait mis en évidence ces deux artistes qui étaient pour lui » ses lumières « . » Maurice a repris les chansons de Brel et Barbara qu’il avait réglées pour Lumière, il en a réglé d’autres, y a intégré des extraits d’interviews et en a fait un ballet à part entière, par admiration pour ces deux artistes « , se souvient Gil Roman. Brel, le monument belge, et Barbara, amie proche du chorégraphe.
L’écho du mot
Rosa de l’un, La Solitude de l’autre, Quand on n’a que l’amour… Les morceaux immortels se succèdent dans un exercice particulièrement périlleux pour un chorégraphe : créer de la danse sur des chansons. » C’est très difficile, parce qu’il ne faut pas illustrer les paroles mais arriver à tirer l’essence de la chanson, confie Gil Roman. Par contre, en tant qu’interprète, il y a certains mots qui déclenchent chez vous un imaginaire et qui vous propulsent. Danser sur de la voix est quelque chose de très nourrissant. Par exemple, Avec élégance, de Brel, commence par ces mots : » Se sentir quelque peu romain / Mais au temps de la décadence. » En deux phrases, vous avez la nourriture pour toute la pièce. Et ça, c’est la force de l’écriture de Brel et Barbara. C’est là où ce n’est pas le pas, la technique qui compte le plus : c’est l’écho du mot qui vous parfume et qui vous aide. »
En remontant Brel et Barbara, Gil Roman poursuit son travail de transmission du répertoire de Maurice Béjart – tâche parfois ardue, car Béjart notait très peu -, tout en développant un travail de création personnelle avec la compagnie. En première partie de soirée sera donnée une de ses propres chorégraphies, Syncope, également avec Elisabet Ros et Gabriel Arenas dans les rôles principaux. Un ballet » qui se veut léger « , dixit son créateur, au titre ouvert, à prendre dans tous les sens du terme : l’évanouissement et, en musique, le déplacement du temps faible sur un temps fort. » Je ne veux rien imposer, pour que les gens puissent partir dans leurs propres visions. Maurice aussi travaillait comme cela : il laissait le public se créer lui-même son histoire. Brel et Barbara, ce sont avant tout des états, des sensations entre ces deux artistes. »
Brel et Barbara : au Cirque royal, à Bruxelles, du 1er au 5 mai. www.cirque-royal-bruxelles.be